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Nous publions ici le courrier de colère envoyé au sénateur UDF Pierre Fauchon suite à son intervention lors du débat du 26 octobre 2005, en deuxième lecture de la proposition de loi sur le traitement de la récidive, lors du débat sur un amendement visant à restreindre la suspension de peine. Le parlementaire masque son incompétence sur les questions de santé en détention en citant… Les Tontons Flingueurs.

A Paris, le 27 octobre 2005

Objet : votre intervention lors du débat sur la suspension de peine le 26 octobre.

Monsieur,

C’est avec consternation que nous prenons connaissance des propos que vous avez tenus au Sénat le 26 octobre dernier, sur la suspension de peine. Argumentant pour que soit adopté un amendement conditionnant ce dispositif à l’évaluation d’un risque de renouvellement de l’infraction, vous avez affirmé :

« Souvenez-vous de cette scène des Tontons flingueurs où le héros in articulo mortis, cache deux revolvers sous son drap pour flinguer ses acolytes. »

Cet exemple est lamentable. Vous décrédibilisez votre fonction. Dans un débat où il est question de santé, de maladie, de handicap et de mort, on attend d’unE éluE qu’il ou elle fonde son jugement sur une expertise poussée. Si vous étiez incapable de produire une expertise, il vous fallait au minimum vous abstenir de parler. Mais vous prétendez par ailleurs connaître le dispositif.

Depuis la promulgation de la loi dite « Kouchner » de 2002, 461 demandes de suspension de peine ont été déposées, 191 ont abouti et plusieurs détenuEs sont mortEs quelques jours seulement après leur sortie. Aucun cas de récidive connue ne concerne les personnes qui ont bénéficié de ce dispositif. Les prisons sont surpeuplées et insalubres. Un suicide s’y produit tous les trois jours. On ignore, faute d’études épidémiologiques adéquates que pourraient exiger les responsables politiques, le nombre de personnes grabataires, atteintes d’un handicap ou d’une pathologie grave. Chaque semaine apporte son lot de témoignages scandaleux démontrant les dysfonctionnement en matière d’accès aux soins. Vous ne pouvez ignorer cette réalité. Vous auriez pu l’évoquer.

Vous avez préféré faire un bon mot, et citer un film comique des années 60 pour défendre une mesure qui restreindra un peu plus l’accès à la suspension de peine : comment ne pas voir en effet, que la nouvelle condition au dispositif que vous avez défendue en citant Audiard et Lautner, est suffisamment floue pour exposer les JAP à un surcroît de pression dès lors qu’il s’agira de libérer unE détenuE malade ?

Comment ne pas être écoeuré par votre démagogie alors que le sujet appelle dignité, compétence et expertise ? Grâce à l’exemple que vous donnez, tout le monde peut voir qu’il est facile d’être sénateur. Pour voter une loi sur l’agriculture, il suffit d’avoir vu la Soupe aux choux ; pour décider du budget de la Défense, un extrait de la 7ème compagnie devrait suffire.

Espérons qu’entre deux séances de cinéma, vous aurez une pensée pour les détenuEs qui meurent en prison, et dont la vie aurait été sauvée s’ils ou elles avaient été à l’extérieur. Peut-être ressentirez-vous un sentiment de honte. Il ne sera jamais à la mesure de notre colère et de notre désespoir,

Jérôme Martin

Président