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«Un toxicomane de 41 ans, qui se savait porteur du VIH, a été condamné mardi à quatre ans de prison dont trois ferme par le tribunal correctionnel de Thionville pour avoir voulu transmettre le virus à un CRS en le mordant […]. Le CRS vit actuellement « au rythme du protocole d’analyses qui ne se terminera qu’en mai prochain et là seulement il saura s’il est séropositif ou pas à son tour », a ajouté le défenseur précisant que « depuis le mois de mai, il a peur d’embrasser ses enfants, ses proches »».

Plus de 20 ans de travail pédagogique pour ça. Pour qu’un fonctionnaire de police puisse ressentir la «peur d’embrasser ses enfants» après un risque d’exposition, pour qu’un avocat utilise cette peur irrationnelle sans sourciller. Et surtout pour qu’un journaliste de l’agence de presse française de référence termine une dépêche par ces mots sans y ajouter le moindre commentaire. Un séropositif va passer 3 ans de sa vie en prison pour avoir mordu un pouce alors qu’il sortait d’un accident de la circulation et tout ce que l’AFP retient est : «la peur d’embrasser ses enfants» du CRS ? Doit-on en conclure que la seule information fiable de cette dépêche est que l’agence ne connaît pas les modes de transmission du VIH ?

Pas un mot des traitements post-exposition : est-ce que cela veut dire que le fonctionnaire en question n’a pas reçu un tel traitement ? Est-ce que personne au sein de sa hiérarchie n’avait connaissance de l’existence de traitements antirétroviraux prophylactiques ? Pourtant, la seule explication possible à cet incroyable délai évoqué (un an pour savoir si on est séropositif après une prise de risque) est que le CRS a pris une prophylaxie post-exposition. Dans ce cas, cela veut dire que sa situation a été prise en charge à temps, qu’il a certes des risques d’être contaminé s’il y a eu exposition au sang, mais que ces risques ont été considérablement réduits.

Pas un mot sur le motif précis de la condamnation : s’agit-il de rébellion, d’outrage à agent ? Ou d’empoisonnement ? La première phrase de la dépêche laisse croire que l’homme aurait été condamné pour «avoir voulu transmettre le VIH». Les précisions nécessaires seront finalement apportées par l’agence… Reuters : «L’homme, qui s’est excusé à la barre, a été condamné pour acquisition de produits stupéfiants, conduite sous l’effet de ces mêmes substances et violences volontaires ayant entraîné une interruption temporaire de travail inférieure à huit jours.» La condamnation semble porter notamment sur les «violences», mais il n’est pas fait référence à une transmission volontaire du virus. L’AFP préfère le sensationnalisme et les approximations. Pire, si l’on compare les deux dépêches, l’agence française réécrit le jugement du tribunal.

Ce n’est pas la première fois que nous constatons l’incompétence de l’AFP. Le dimanche 13 novembre 2005, nous avions déjà dû corriger le tir pour tempérer les ardeurs d’un de ses correspondants qui s’était rué sur une info issue de tabloïdes anglais plus que douteux annonçant la guérison spontanée d’un séropositif. Nous avions même dû passer de longs moments à expliquer aux journalistes que la seconde dépêche sortie par l’agence sur le même sujet avait été mal traduite de l’anglais et que la «citation» d’un médecin contenait un contresens. Et de fait, l’information était fausse.

Act Up-Paris exige :
– que l’AFP redevienne une agence sérieuse ;
– qu’elle reconnaisse son erreur et publie immédiatement un rectificatif.

Les médias doivent prendre conscience de l’impact de leur communication, sur la perception des risques de transmission du VIH et leurs conséquences sur la prévention du sida.