Communiqué de presse du Réseau Accès aux Médicaments Essentiels (Burkina Faso) et d’Act Up-Paris (France) — Aujourd’hui mardi 29 novembre, s’ouvre à l’OMC le dernier Conseil de l’ADPIC avant la conférence ministérielle de Hong-Kong. À l’ordre du jour des discussions figure la question de la procédure régissant le commerce international de médicaments génériques fabriqués sous licence obligatoire.
Le 7 novembre dernier, l’Union Européenne a rejeté à l’OMC la demande des pays africains d’avoir un accès facile aux médicaments génériques fabriqués sous licence obligatoire dans des pays en développement avancés sur la plan pharmaceutique (comme l’Inde, la Chine ou le Brésil). Jacques Chirac, qui établit la position de la France à l’UE concernant les négociations OMC, doit maintenant choisir son camp. Act Up-Paris et le Réseau pour l’Accès aux Médicaments Essentiel du Burkina Faso appellent le président français à soutenir l’Afrique.
L’Union Européenne soutient l’inapplicable
Le 30 août 2003 — 10 jours avant le sommet commercial de Cancùn — les Etats Membres de l’OMC ont signé in extremis un accord transitoire établissant la procédure à suivre pour importer des médicaments fabriqués sous licence obligatoire. A l’heure actuelle seul un petit nombre de pays en développement sont capables de fabriquer ce genre de médicaments : les pays en développement avancés dans le secteur pharmaceutique – l’Inde, le Brésil et la Chine.
La procédure d’import/export de 2003 est aujourd’hui complètement rejetée par ceux qui sont censés l’utiliser : les industriels du médicament générique. Ainsi, les industriels qualifient cette procédure de « compliquée, restrictive et ambiguë ». Face à ce constat d’inapplicabilité de la procédure de 2003, en avril dernier les pays africains ont demandé à l’OMC que la procédure soit simplifiée.
Malheureusement, le 7 novembre l’UE a bloqué cette demande simplification, en déposant à l’OMC une contre-demande : selon l’UE la procédure transitoire de 2003 doit au contraire être conservée telle quelle – sans la moindre simplification – et verrouillée au plus vite sous la forme d’un amendement à l’accord général de l’OMC sur la propriété intellectuelle. Devant l’incrédulité des députés européens, la Commission Européenne a précisé le 16 novembre que la position de l’UE est qu’il serait «illusoire d’espérer que de nouvelles discussions sur la substance de cette procédure aboutissent à mieux que le résultat de 2003 ».
La France soutient l’Union Européenne
La ministre française du Commerce Extérieur, Christine Lagarde, a confirmé publiquement, dans son entretien au quotidien La Tribune le 18 novembre dernier, que la France fait partie des Etats Membres de l’UE qui soutiennent cette position.
La position de la ministre peut s’expliquer par le fait que le syndicat français de l’industrie pharmaceutique lui aussi soutient la procédure hypercomplexe de 2003, et s’oppose à ce que cette dernière soit simplifiée. En effet, avant d’être ministre, Madame Lagarde était PDG du plus grand cabinet d’avocats du monde (Baker & McKenzie, Chicago), qui cite parmi ses principales activités la vente de conseil en droits des brevets à l’industrie pharmaceutique.
Mais en réalité, c’est le président de République lui-même qui définit les positions que la France défend à Bruxelles en matière de négociations OMC. Ainsi le 22 octobre dernier, c’est bien Jacques Chirac qui a brandi devant ses partenaires européens la menace d’un véto français unilatéral en cas de mauvais accord sur l’agriculture à l’OMC.
Entre les laboratoires et l’Afrique, Jacques Chirac doit maintenant choisir son camp. En 2006 la France est censée taxer les billets d’avion pour financer l’achat de médicaments anti-sida en Afrique. Alors qu’une trithérapie coûte 110 euros par an en version générique au lieu de 8 000 en version brevetée — ce qui permet de traiter 80 fois plus de malades — Jacques Chirac doit soutenir publiquement la demande africaine à l’OMC de simplification des procédures d’importation de médicaments génériques.