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Aujourd’hui mardi 6 décembre, les pays Africains ont accepté au Conseil Général de l’OMC les exigences de l’UE et des Etats-Unis pour restreindre le commerce international de médicament génériques. Act Up-Paris dénonce le double jeu de l’Elysée, qui a soutenu les pressions de l’UE contre l’Afrique tout en affichant un positionnement soi-disant pro-africain.
une procédure impraticable
L’accord d’aujourd’hui a pour objet officiel de rendre définitif l’accord temporaire de 2003 sur le commerce de médicaments génériques. A cette fin, l’OMC vient de transformer l’accord temporaire de 2003 en un amendement définitif à l’Accord général de l’OMC sur la propriété intellectuelle.
En 2003, les Etats membres de l’OMC s’étaient mis temporairement d’accord sur la procédure à suivre pour se procurer à l’étranger des médicaments génériques fabriqués sous licence obligatoire. En effet, les pays pauvres sont en général dépourvus d’industrie pharmaceutique propre, et ont besoin d’importer ces médicaments bon marché à partir de pays plus industrialisés comme la Chine, l’Inde ou le Brésil.
En 2003, l’ensemble des ONG avaient décrié la procédure établie comme étant trop compliquée pour être jamais utilisable en pratique [[
http://www.cptech.org/ip/wto/p6/ngos09102003.html ]]. Force est de constater que, deux ans après son adoption, la procédure de 2003 n’a jamais été utilisée. D’ailleurs, les industriels du médicaments générique, qui pourtant n’ont que peu d’intérêt pour les marchés pauvres, ont rejoint les rangs des détracteurs de cette procédure [[
http://www.egagenerics.com/doc/ ega_compulsory-licensing_2005-03.pdf ]]. L’une des principales raisons pour lesquelles l’accord de 2003 avait été rendu temporaire, était que les pays pauvres anticipaient dès 2003 la nécessité de revoir cette procédure à brève échéance.
Les principaux reproches faits à cette procédure tiennent à son incroyable lourdeur administrative (obligation de recommencer toute la procédure de zéro à chaque fois qu’il faut modifier les quantités concernées, obligation de changer la couleur, la forme et le packaging des génériques pour chaque nouvelle transaction, etc) et aux risques juridiques qu’elle fait encourir aux pays qui souhaiteraient l’utiliser (les pays pauvres peuvent être traînés devant le tribunal de l’OMC pour avoir mal rempli les formulaires exigés par l’OMC) [[voir notre analyse dans le document rtf joint à ce communiqué de presse]].
L’Union Européenne a bloqué l’Afrique
Face à ce constat d’inapplicabilité de la procédure de 2003, en avril 2005 les pays africains ont déposé à l’OMC une demande de simplification [[
http://www.cptech.org/ip/wto/africagroup03232005.doc ]].
Malheureusement, le 7 novembre l’UE a bloqué cette demande simplification, en déposant à l’OMC une contre-demande [[
http://www.cptech.org/ip/wto/p6/ec-tripsamendmentproposal.html ]] visant à ce que la procédure transitoire de 2003 soit conservée telle quelle – sans la moindre simplification – et verrouillée sous la forme d’un amendement à l’accord général de l’OMC sur la propriété intellectuelle. C’est précisément ce que les pays africains ont accepté aujourd’hui à l’OMC, suites aux menaces européennes de rétorsions sur les négociations NAMA, services et agricoles.
La France a soutenu l’Union Européenne
La ministre française du Commerce Extérieur, Christine Lagarde, a rendu public le soutien de la France à l’UE dans les négociations sur le médicament, dans son entretien au quotidien La Tribune du 18 octobre 2005. Ce qui ne l’empêche pas d’affirmer le 11 novembre devant le gouvernement kenyan « l’importance prioritaire que la France porte à l’accès aux médicaments pour les pays les plus pauvres ».
La position de la ministre peut s’expliquer par le fait que le syndicat français de l’industrie pharmaceutique soutenait la même position que l’UE [[
http://www.leem.fr/actualite/argumentaires/argumentaire%20site%20net%20n4.pdf ]], et s’opposait à ce que la procédure de 2003 soit simplifiée. A noter, avant d’être ministre, Madame Lagarde était PDG du plus grand cabinet d’avocats du monde (Baker & McKenzie, Chicago), qui cite parmi ses principales activités la vente de conseil en droits des brevets à l’industrie pharmaceutique.
Mais en réalité, c’est au final le président de République lui-même qui définit les positions que la France défend à Bruxelles en matière de négociations OMC. Ainsi le 22 octobre dernier, c’est bien Jacques Chirac qui a brandi devant ses partenaires européens la menace d’un véto français unilatéral en cas de mauvais accord sur l’agriculture à l’OMC. Les malades du sida n’oublieront pas que, lorsqu’il s’est agi de s’opposer à Peter Mandelson pour défendre les pays africains, Jacques Chirac a choisi de se coucher.
Alors que la France est censée taxer les billets d’avion pour financer l’achat de médicaments anti-sida en Afrique, et qu’une trithérapie coûte 110 euros par an en version générique au lieu de 8 000 en version brevetée — ce qui permet de soigner 80 fois plus de malades — Jacques Chirac s’est une fois de plus rendu complice de l’hécatombe du sida.
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