Cette tribune a été publiée dans le numéro d’Illico daté du 29 décembre 2005 et elle avait pour objet principal de relancer le débat communautaire à propos du porno bareback qu’Illico avait appelé de ses vœux mais qu’il était visiblement incapable de susciter. Le débat a donc pris la forme d’un dossier intitulé «vidéo bareback : le débat patine».
Dès l’introduction, Illico justifie son titre et considère que le «débat patine» à cause d’Act Up-Paris et nous accuse «d’avoir bloqué toute initiative en terme de prévention». Devant tant de mauvaise foi, nous sommes donc contraintEs de rappeler les raisons pour lesquelles nous avions interpellé l’été dernier dans un premier texte Jacky Fougeray, gérant du magazine Illico et des sexshops Menstore : nous avions dénoncé les propos de J. Fougeray qui se vantait après la parution de la brochure de prévention «Les génies du porno», à laquelle nous avions participé, « d’accompagner au mieux [le] phénomène [bareback] plutôt que [d’adopter] une opposition franche». Une des conditions de la participation d’Act Up-Paris à la réalisation de cette brochure était que les diffuseurs de productions bareback ne s’en servent pas comme caution pour se dédouaner de leurs responsabilités en la matière. C’est précisément ce que Jacky Fougeray a décidé de faire.
Depuis la fin des années 80 jusqu’au début des années 2000, acteurs, producteurs et diffuseurs de pornos gays ont fait de la prévention un enjeu essentiel de leurs films, par respect pour les modèles et par souci d’exemplarité vis-à-vis du public. Le vent change. Des scènes, voire des films, où les acteurs ne se protègent pas sont légion. Le sexe à risque devient un argument de vente.
Jacky Fougeray, gérant du groupe Illico/Menstore, que nous avons interpellé cet été sur sa responsabilité en la matière, évoque “l’impact de ces vidéos sur les comportements sexuels”. Il explique que ces films pourraient jouer un rôle d’exhutoire et empêcher les gens de passer à l’acte. Il pense que cela mérite un grand débat communautaire. Soit, mais le débat tarde à venir et Menstore, IEM ou d’autres, diffusent toujours des vidéos bareback.
Sans trancher ici sur le problème de l’exemplarité de ces films, ni se demander si leur diffusion influe sur les comportements, nous pointons un enjeu plus immédiat, celui de la santé et la vie des acteurs. Sur ce sujet, Jacky Fougeray se tait. Pourtant, vendre des films bareback, c’est montrer des personnes qui, potentiellement, se contaminent : VIH, hépatites et autres IST. Qu’importe si des acteurs sous-payés, recrutés majoritairement dans des pays où les droits sociaux et l’accès aux soins sont moindres, se retrouvent séropos. Qui pense à eux ?
Act Up-Paris est une association de séropos. Une de nos raisons d’être est de poser publiquement la responsabilité de chacunE dans la propagation de la pandémie. Nous interpellons donc Jacky Fougeray et Menstore : vous pouvez dire du mal d’Act Up ; vous pouvez dire qu’IEM ou les diffuseurs porno sur Internet sont pires que vous, reconnaissant par là que vous ne voulez pas leur concéder de lucratives parts de marché ; vous pouvez appeler vos clients à un grand débat (c’est sympa, il a déjà été lancé) ; vous pouvez omettre d’interroger les acteurs porno. Il n’en reste pas moins que vous diffusez des vidéos avec des scènes de contaminations potentielles, et qu’il est de VOTRE responsabilité que cela cesse.
Nous portons les mêmes exigences auprès de TOUS les diffuseurs. En vendant ces produits, vous participez à la banalisation du sida et à la mise en danger des acteurs. Vous en tirez profit. À vous d’assumer vos responsabilités. Cessez de vendre du bareback, cessez de vous rendre complices de l’épidémie.
Quant aux amateurs de porno, il est temps qu’ils se mobilisent. Comment pouvez-vous tolérer que ces producteurs et diffuseurs spéculent sur vos goûts, vos envies ? Voir des gens se contaminer, cela vous excite ? Qu’attendez-vous pour réagir et demander à ces diffuseurs de retirer leurs productions bareback ?