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La réforme de la Sécu provoque une véritable gabegie administrative qui menace de rompre la prise en charge à 100 % des personnes atteintes d’affections de longue durée (ALD).

Depuis un mois, les refus administratifs de prise en charge à 100 % des soins nécessaires à des pathologies graves se multiplient. Les médecins, que l’on aimerait voir passer plus de temps à soigner des malades qu’à remplir des papiers, s’énervent, n’y comprennent rien, et les malades non plus ! Une vraie pagaille dont la victime, in fine, est toujours le patient !

A peine un mois après l’entrée en vigueur de nouvelles mesures de la loi sur l’Assurance maladie concernant les personnes atteintes d’affections de longue durée (ALD), la situation prend une tournure alarmante : la grogne se généralise dans les services de soins, certains syndicats de médecins [[Communiqué de presse du SML daté du 21|02|06 « ALD : Opération Super Maîtrise »]] font du chantage sur le dos des patients, des personnes malades nécessitant des soins vitaux et coûteux sont menacées de rupture de prise en charge !

Complexes, inapplicables et inadaptées à la prise en charge d’une personne en ALD, ces mesures ne sont pas comprises des patients, des médecins, ni même des personnels des caisses de Sécurité sociale ! Depuis l’année dernière, les associations ne cessent pourtant de prévenir la Caisse Nationale d’Assurance Maladie des Travailleurs Salariés (CNAMTS) !

Les médecins sont désarçonnés par les nouveaux formulaires qu’on leur demande de remplir : dans le cas de personnes gravement malades, atteintes de pathologies complexes, la prise en charge médicale ne peut pas être résumée en 3 lignes sur un formulaire Cerfa ! Dans un récent communiqué de presse, un syndicat de médecins déclare ainsi que les médecins ne disposent pas, aujourd’hui, des informations leur permettant de remplir les papiers exigés par la Sécu [[<1>]] ; et va même, méthode déplorable, jusqu’à les inciter à nier le droit à l’ALD de leur patient, pour ne pas être accusés de dépenses infondées…

Les associations Act Up-Paris, Actions Traitements, Arcat, AIDES, Sida Info Service, Sol En Si et le TRT-5 demandent au Ministre de la Santé de réagir pour mettre fin à ce désordre. La CNAMTS doit en urgence adapter l’application de la réforme des ALD à la réalité des maladies graves. Sinon, les autorités devront rapidement assumer les conséquences médicales — et économiques — désastreuses de leur réforme.


Complément d’information

LA THÉORIE

Les nouvelles mesures pour les personnes en affection de longue durée (ALD), d’après le site de la Caisse Nationale d’Assurance Maladie des Travailleurs Salariés (CNAMTS)

« Les patients atteints d’une affection de longue durée (ALD) peuvent bénéficier d’une prise en charge à 100 % pour les soins et traitements liés à leur maladie.??A cet effet, leur médecin traitant établit un protocole de soins, en concertation avec les autres médecins qui interviennent dans le suivi de l’affection de longue durée.?Il y indique notamment tous les soins et traitement liés à l’affection de longue durée, et qui seront pris en charge à 100 % après accord de l’Assurance Maladie.?Un volet de ce formulaire de prise en charge est remis au patient, qui doit le signer et le présenter à chaque médecin qui le suit dans le cadre de son ALD pour être pris en charge à 100 %.??Ce nouveau dispositif permet au patient d’être mieux informé sur son traitement et sur ce qui est pris en charge à 100 %. Cela permet également d’assurer une meilleure circulation de l’information et une meilleure coordination des soins entre les différents médecins qui suivent le patient ».

LA PRATIQUE

– En pratique, ce dispositif comporte des dysfonctionnements à tous les étages. La réforme de l’Assurance Maladie, telle qu’elle est mise en œuvre, n’a à ce jour, contrairement à ses objectifs, aucun effet positif sur la qualité des soins. A l’inverse, le désordre est tel que les personnes les plus fragilisées, les plus malades, les plus précarisées socialement, risquent fort d’être découragées de se soigner.

1/ Des personnes malades ne trouvant pas de médecin traitant

Des malades atteints de pathologies complexes, entrant dans le système des affections longue durée (ALD), peinent à trouver des médecins traitants : les spécialistes hospitaliers sont débordés et, pour la plupart, refusent ce rôle ; de nombreux généralistes ne souhaitent pas endosser la responsabilité de la coordination de soins aussi compliqués.

2/ Remplir le protocole de soins en concertation avec les médecins spécialistes ? Plus facile à dire qu’à faire

Les médecins traitants éprouvent les plus grandes difficultés à compléter le formulaire de « protocole de soins », qui définit les soins pris en charge à 100 %. Aujourd’hui, personne — ni les médecins, ni les CPAM — ne peut dire comment il faut remplir ces nouveaux protocoles de soins, qui sont totalement inadaptés aux pathologies complexes : comment, en effet, un médecin traitant peut-il à un instant « t » faire une liste exhaustive des traitements, actes, suivis biologiques, consultations de spécialistes et de paramédicaux qui vont être nécessaires à la prise en charge d’une pathologie complexe, constamment évolutive, et dont les complications potentielles sont malheureusement nombreuses et imprévisibles ? C’est impossible.

La CNAMTS précise que le protocole peut être « actualisé », en cas d’oubli dans la liste notamment, ou en cas d’évolution de la maladie. Cela signifie-t-il que les médecins vont passer leur temps à corriger le formulaire, à le renvoyer à la Sécu, à attendre la validation par le médecin-conseil et à dire au patient que la prise en charge de ce soin est en suspends ?

Cela fait plusieurs mois que les associations du TRT-5 dénoncent la lourdeur inadaptée, dangereuse et inutile de ce système. Il aura fallu attendre les premières protestations du corps médical pour que la CNAMTS commence à prendre conscience du problème. Dans les faits, depuis janvier, les refus d’entrée en ALD ou de renouvellement d’ALD se multiplient pour des motifs administratifs : les formulaires ne sont pas bien remplis, ce n’est pas le bon médecin qui a signé le papier, etc.

La CNAMTS conseille par ailleurs aux médecins traitants de « se concerter » avec les médecins « qui interviennent dans la prise en charge de l’ALD » pour établir le protocole. Avec quels outils ? Quels moyens ? Dans les faits, les médecins hospitaliers, déjà surchargés, reçoivent actuellement des courriers de la part des médecins traitants, également surchargés, leur demandant « de bien vouloir remplir le protocole de soins de leur patient ». Faute de temps et d’outil de concertation, cette dernière ressemble donc beaucoup plus à une redistribution des tâches qu’à un véritable dialogue entre médecins.

3/ Remplir les protocoles sur la base de référentiels établis par la Haute autorité en santé… qui n’existent pas

Le remplissage des nouveaux protocoles de soins doit normalement se faire sur la base de référentiels par pathologie élaborés par la Haute Autorité de Santé (HAS). Hélas, la CNAMTS et la HAS n’ont pas les mêmes agendas ! Alors que les nouveaux protocoles étaient prêts dès la fin 2005, la HAS n’a pour l’instant pas publié un seul référentiel.

4/ Pas d’information, ni de recours clair en cas de problème

Quand, dans leur bon droit, les patients veulent contester, on les renvoie vers des médiateurs-fantômes, dont l’existence n’est même pas connue des CPAM où ils sont censés exercer ! Par ailleurs, la plateforme téléphonique d’information sur la réforme mise en place par la CNAMTS (payante) vient d’être fermée.

5/ Les personnes malades ayant de faibles revenus sont particulièrement pénalisées !

Les refus de prise en charge à 100 % dissuadent les patients d’avoir recours aux soins qui leur sont nécessaires. La situation est tellement incompréhensible — le médecin lui-même ne sait pas quoi faire — qu’il est difficile de rester serein quant aux remboursements qui seront — on non — effectués. A-t-on vraiment besoin de ça lorsqu’on est déjà gravement malade ?

– L’obligation de recourir à un médecin traitant (en pratique, un médecin généraliste en ville dans l’immense majorité des cas) oblige les personnes ayant de faibles revenus à avancer les frais de consultation : peu de médecins de ville acceptent la dispense d’avance des frais pour les personnes ayant la Couverture Maladie Universelle (CMU) complémentaire. Et les personnes malades qui vivent avec l’Allocation aux adultes handicapés (AAH) n’ont pas droit à la CMU complémentaire…
– L’application du forfait de 1 euro donne lieu à des dérives inquiétantes : il arrive, par exemple, qu’il soit appliqué plusieurs fois sur le même bilan sanguin, si celui-ci comporte différents actes de biologie. Quand on vit avec l’AAH (moins de 20 euros par jour), ça compte…
– Les dépassements d’honoraires se généralisent, dans un contexte où le système de tarification des consultations et de remboursement est devenu si complexe que personne n’y comprend rien, ni les patients, ni les médecins.

Depuis plus d’un an, les associations d’usagers du système de santé interpellent la CNAMTS, essaient de nouer un dialogue constructif, mettent en garde contre les dysfonctionnements prévisibles que l’on observe aujourd’hui.

Face à ce constat, les associations du TRT-5 demandent :
– une réaction en urgence du Ministre et de la CNAMTS pour régler les problèmes liés à la mise en place du nouveau protocole de soins pour les patients en ALD atteints de pathologies complexes ;
– un moratoire sur les sanctions appliquées dans le cadre du parcours de soins pour l’ensemble des usagers du système de santé et pendant toute la période transitoire de rodage du nouveau système ;
– la généralisation de la dispense d’avance des frais dans le cadre du parcours de soin ;
– la mise en place, par la CNAMTS, d’une plateforme téléphonique gratuite pour tous sur la réforme de l’assurance maladie en général et sur les problèmes spécifiques liés aux ALD.

Les associations appellent par ailleurs tous les usagers du système de santé à faire valoir leurs droits aux soins et à faire connaître les dysfonctionnements dont ils sont les témoins.