Dés son retour au ministère de l’Intérieur, Nicolas Sarkozy a clairement montré qu’il entendait faire des étrangerEs les boucs émissaires de sa campagne préélectorale. Retour sur un de nos combats.
Le 9 juin, lors de la convention de l’UMP sur l’immigration, alors que le ministre de l’Intérieur fustigeait une prétendue « immigration subie » au profit d’une « immigration choisie », nous voyions déjà de quel côté de la barrière Nicolas Sarkozy placerait les malades étrangerEs. Nos craintes ont malheureusement été confirmées à l’automne, par une note de Claude Guéant, son directeur de cabinet, annonçant les grandes lignes du projet de loi, parmi lesquelles étaient ciblés « les malades étrangers ».
Peut-être est-ce parce que nous avons déjà combattu plusieurs de ses projets de loi (sur la Sécurité intérieure en 2002, sur l’immigration en 2003) qu’il nous a semblé indispensable de ne pas attendre les premières fuites de son texte pour passer à l’offensive. Nous avons souhaité le faire avec un allié historique de notre association : le 9ème collectif des sans-papiers qui menait alors une campagne d’action publique et d’occupation dans les Hauts-de-Seine, fief de Nicolas Sarkozy.
Le 15 décembre nous organisions ensemble un die-in devant le ministère de l’Intérieur pour rendre visible les mortEs occasionnéEs par sa guerre contre les étrangerEs. Quelques jours plus tard nous collions dans Paris une affiche dénonçant la lepénisation de la politique du Ministre. Cette affiche a été largement relayée dans les médias et a suscité de nombreuses réactions. Beaucoup nous ont soutenuEs, d’autres nous ont remerciéEs, mais nous n’avons pas pour autant échappé aux immanquables attaques de nos ennemiEs entonnant, à l’exemple des jeunes populaires, le refrain : « Act Up est un groupe de gauchistes qui a délaissé la lutte contre le sida ».
Ces dernierEs étaient pourtant bien silencieuxSES lorsque le 3 janvier 2006 nous rendions publique, avec sept autres organisations, une première version de travail du projet de loi sur l’immigration et l’intégration. Rappelons que parmi le déchaînement de violence que prévoyait ce texte, le séjour de plein droit des malades étrangerEs résidant en France était abrogé au profit d’une possibilité de régularisation des étrangerEs nécessitant « des soins urgents dont l’absence mettrait en jeu le pronostic vital ».
Dès lors il est tentant de dire que lorsque Nicolas Sarkozy s’est senti obligé le 12 janvier 2006 de préciser dans ses vœux à la presse qu’il ne modifierait pas le droit aux séjours des malades, nous étions alors fièrEs de la réussite de cette affiche.
Ce n’est pourtant pas l’histoire que nous souhaitons écrire.
Car nous n’avons pas besoin de cette victoire pour être fièrEs de cette affiche, et nous savons que cette victoire n’est pas seulement la nôtre, mais aussi celle du 9ème Collectif, et plus largement des structures de santé communautaires et des associations membres de l’ODSE (Observatoire du Droit à la Santé des Etrangers) # et de toutes celles et ceux qui se battent pour faire respecter le droit au séjour pour raison médicale. Enfin et surtout car nous sommes conscientEs que nous n’avons gagné là qu’une bataille et que nous sommes loin d’avoir gagné la guerre : le projet de loi tel qu’il a été validé en Conseil des ministres le 28 mars 2006 comporte à l’endroit des étrangerEs des attaques toujours plus violentes qui ne feront qu’empirer une situation sanitaire déjà catastrophique. Cette guerre, Act Up-Paris la mène au sein du Collectif « UniEs contre une immigration jetable ».
L’avenir des étrangerEs malades : refus de séjour et expulsions.
Tout d’abord, nous sommes conscientEs que plusieurs députéEs proches du ministère de l’Intérieur vont chercher à faire passer par voie d’amendement les modifications initialement prévues à l’encontre du droit au séjour pour raisons médicales. Ensuite, quand bien même ce projet serait adopté en l’état par les parlementaires, plusieurs restrictions portées aux droits de touTEs les étrangerEs se traduira par une véritable mise en danger de la vie des malades.
Ce qu’induit la mise en place « d’objectifs quantitatifs » en matière de séjour, c’est la mise en place de véritables quotas limitant arbitrairement le nombre d’étrangerEs pouvant bénéficier d’un titre de séjour de plein droit, que les raisons en soient médicales, personnelles ou familiales. Il s’agit donc clairement de demander aux préfetEs de ne pas appliquer le droit au séjour, afin de respecter les « objectifs quantitatifs ». Par suite, et dans le but de s’assurer que ces étrangerEs ne puissent pas obtenir un jugement administratif pour le rétablissement de leur droit, la réforme de l’éloignement prévoit que le délai de recours en matière de refus de séjour passe de deux mois à deux semaines. Se profile ainsi dans les lignes de ce projet de loi une forte augmentation des refus de séjour à l’encontre des malades, qui ne pourront être que difficilement contestés, et qui amèneront immanquablement à des expulsions au mépris de la loi et de la vie des personnes concernées.
Le droit de vivre en famille, un lointain souvenir. Précarité subie et instituée pour touTEs.
Qu’il s’agisse du regroupement familial ou du droit au séjour en France du fait des liens personnels et familiaux, ce projet vise au premier chef le droit de vivre en famille, présenté comme les traits d’une immigration subie. Les malades seront ainsi condamnéEs, au mépris de leurs droits fondamentaux, à un isolement préjudiciable pour le bon suivi de leur prise en charge. Et pour celles et ceux de leurs proches qui les soutiendraient au quotidien, leur droit au séjour pourra en tant qu’accompagnantE de malade être dorénavant refusé sur des critères de ressources, de logement ou de d’insertion à la société française, laissant ainsi la place à l’arbitraire.
Plus globalement, la stratégie globale de ce projet de loi est l’institution d’une immigration jetable, celle qu’a choisie Nicolas Sarkozy. D’importantes restrictions faites à l’octroi de la carte de séjour «vie privée et familiale» et à la carte de résidentE produiront une augmentation artificielle et planifiée de sans-papiers, qui constitueront alors un vivier et seront forcéEs d’accepter les sous-statuts de travailleurSEs jetables (travailleurSEs temporaires ou saisonnierEs) dont le séjour sera entièrement conditionné à un contrat de travail spécifique avec unE employeurSE donnéE. En cas de fin de contrat de travail, le titre de séjour sera alors retiré. En d’autres termes, Nicolas Sarkozy a choisi pour réduire les étrangerEs à des travailleurSEs jetables, d’exercer sur elles et eux un chantage à la précarité et à l’exclusion.
Ce projet de loi n’est pas qu’une énième restriction aux droits des étrangerEs en France. Il s’agit d’un saut qualitatif qui institue une immigration jetable et corvéable, et qui s’intègre dans un projet politique plus global de précarisation générale, au mépris des enjeux de santé publique et des droits fondamentaux.