La France s’apprête à lancer une nouvelle initiative internationale pour lutter contre le sida, la tuberculose et le paludisme : UNITAID. Cette initiative, qui se concentra sur l’achat d’articles médicaux essentiels pour lutter contre ces grandes hécatombes (médicaments, tests diagnostics, pour des maladies qui tuent plus de 6 millions de personnes par an), sera financée par l’établissement dans plusieurs pays d’une taxe sur les billets d’avion.
Act Up-Paris se réjouit du lancement de cette initiative. En effet, à en croire le gouvernement, UNITAID va chercher à assurer la baisse des prix mondiaux des médicaments et autres produits essentiels contre le sida. Ceci correspond à un vrai besoin, dans la mesure où, par exemple, une trithérapie de troisième génération est vendue par les laboratoires pour environ 10 000 euros par patient et par an. Tant que les prix ne baisseront pas, ils condamneront à mort des millions de malades du sida vivant dans des pays pauvres.
Toutefois, certaines des orientations envisagées pour UNITAID paraissent quelque peu absurdes au regard des besoins, comme par exemple la centralisation mondiale des commandes de médicaments, censée permettre de faire baisser les prix : l’hyper-centralisation des commandes est malheureusement bien connue pour engendrer des erreurs et des ruptures d’approvisionnement telles que résistances virales et décès deviennent communs. De même devra-t-on être extrêmement vigilants sur le fait que cette initiative s’appuie le plus possible sur les médicaments les moins chers, et donc des traitements génériques, pour optimiser son impact.
Mais UNITAID ne doit pas servir de distraction, et faire oublier que la France ne tient toujours pas ses engagements financiers internationaux en matière de lutte contre le sida.
En 2001, à l’ONU, la France et les autres gouvernements du monde s’étaient engagés à financer un plan mondial de contrôle de la pandémie du sida, pour un montant 10 milliards de dollars annuels. On en est bien loin en 2006 : entre 6 et 8 milliards. Pis, comme ces sommes ne furent pas versées en 2002, 2003, 2004 et 2005 l’épidémie a continué de s’accélérer, si bien que d’après l’ONU [[Rapport Ressource Needs, ONUSIDA, Août 2005.]], ce sont au final non plus 10 mais 15 milliards qui sont nécessaires pour 2006.
Or, en 2006, sur ces 15 milliards nécessaires, la France ne contribue au niveau budgétaire que 200 millions de dollars [[D’après le ministère des affaires étrangères (voir sur leur site), la contribution 2004 à la lutte mondiale contre le sida s’élève à 120 millions d’euros. En 2006, elle augmente par rapport à 2005 de 45 millions d’euros (à travers le Fonds mondial, qui va aussi recevoir 30 millions pour le paludisme + la tuberculose). Ainsi le total 2006 est de 165 millions d’euros, soit 200 millions de dollars.]], soit 1,3%. A titre de comparaison, la France concentre 6% du PIB des pays riches [[« Gross Domestic Product, Main Economic Indicators », March 2006, OECD.]]. Même en anticipant le produit de la taxe (250 millions de dollars en année pleine), la France restera loin derrière un pays équivalent comme la Grande-Bretagne, qui contribue 900 millions de dollars [[« Taking Action – The UK’s strategy for tackling HIV and AIDS in the developing world », July 2004, DFID (foreword by Tony Blair).]] à la lutte mondiale contre le sida.
Afin d’être sûr qu’UNITAID soit réellement utile sur le terrain, Act Up-Paris appelle la France à impliquer dans la conception d’UNITAID celles et ceux qui sont censéEs en devenir les futurs utilisatrices et utilisateurs : les malades des pays en développement, ainsi que les programmes d’accès au traitement de ces pays.
Act Up-Paris appelle une nouvelle fois le gouvernement à tenir des engagements financiers qu’aucune opération de communication ne saurait nous faire oublier.