La nouvelle formule de Kalétra® pourra être conservée hors du frigo, car le ritonavir a été modifié pour cette combinaison. Mais Abbott refuse d’appliquer la formule au Norvir® seul. La logique mise en avant est consternante.
Quand en 2003 le laboratoire Abbott a multiplié par 5 le prix de Norvir® (ritonavir) aux USA, leur équipe marketing donnait comme justification les coûts de développement d’une nouvelle galénique pour cette spécialité. Mais depuis, le laboratoire a trahi cette promesse de nouvelle galénique du Norvir®, ils sont revenus sur cet engagement, pour ne développer qu’une nouvelle formule du Kalétra® (une combinaison du lopinavir, un autre inhibiteur de protéase, avec du ritonavir à faible dose). Cette nouvelle galénique est appelée Kalétra® Meltrex, du nom du procédé employé pour sa production. Le Norvir® est surtout utilisé en combinaison avec une autre antiprotéase afin d’en augmenter la disponibilité dans le corps (c’est l’effet booster). Ceci permet, soit de bénéficier d’un traitement antirétroviral suffisamment efficace, soit de réduire la dose prescrite de l’antiprotéase associée afin de mieux la tolérer. La forme actuelle du Norvir® doit être conservée dans un réfrigérateur. De plus, l’un des composants du produit nuit fortement à sa tolérance, provoquant nausées et diarrhées. Ces particularités réduisent l’accès au Norvir® et excluent des traitements boostés (hors Kalétra® Meltrex) les malades qui n’ont pas de frigo, chose courante pour les séropositifs à très faibles revenus, ceux de plus en plus nombreux qui ont un revenu mais pas de logement adéquat, un squat par exemple, ou ceux (séropositifs qui vivent avec leurs parents par exemple) qui ne peuvent pas, pour des raisons de confidentialité, mettre leurs antiviraux dans le frigo du logement. Ainsi le cas d’un militant d’Act Up qui a dû déménager car le Norvir® dans le frigo aurait révélé à sa famille sa séropositivité, nouvelle inenvisageable à l’époque. Cet effet secondaire n’apparaît pas dans la notice du Norvir®, mais découle pourtant de la nécessité de le maintenir au frais. L’intolérance au Norvir® peut donc être forte, même à faible dose. La nouvelle formule du Kalétra® n’a plus besoin d’être maintenue au froid et réduit fortement l’incidence des diarrhées. Ce qu’Abbott a réalisé pour le Kalétra®, n’est plus à l’ordre du jour pour le Norvir®. Le statu quo des dirigeants d’Abbott sur le Norvir® est motivé par de bas calculs de rentabilité peu convaincants : d’une part, le monopole du Norvir® comme booster leur garantit des revenus obtenus sur cette indication ; d’autre part, ils ont l’ambition, naïve, d’imposer Kalétra® face aux autres antiprotéases, au vu des résultats obtenus sur la charge virale par Kalétra® comparé à ceux obtenus par un traitement boosté au Norvir® à faible dose. Pour toutes ces raisons, nous demandons au laboratoire Abbott de mettre à disposition du Norvir® Meltrex ; aux médecins de définir le meilleur substitut possible au Norvir® «booster», en attendant la nouvelle galénique ; aux autorités sanitaires de faire pression (AMM, injonction, prix, etc.) sur le laboratoire s’il persiste dans son refus. Les responsables d’Abbott sont informés de tous ces faits. Ils doivent répondre à leurs responsabilités éthiques, financières et vitales envers les personnes à qui leurs produits sont destinés.