Depuis de long mois des activistes OugandaiSEs cherchent à faire entendre leurs griefs vis-à-vis de l’essai DART (Development of AntiRetroviral Therapy in Africa). Act Up-Paris a choisi avec eux/elles de relayer leurs préoccupations au cours de la présentation des résultats préliminaires de l’essai DART à la Conférence internationale de Toronto.
Mené en Ouganda et au Zimbabwe, l’essai DART est un essai randomisé qui compare le suivi avec des analyses en laboratoire et le seul suivi clinique (par le/la médecin) pour la prise en charge de malades adultes sous traitements antirétroviraux dans le contexte africain. L’essai qui a enrôlé 3 314 malades, envisageait aussi, pour une partie des personnes incluses, des interruptions stratégiques de traitement (STI) afin de déterminer si elles pouvaient réduire les toxicités sans diminuer l’efficacité des traitements. La multiplicité des objectifs de cet essai, sa mauvaise conception, l’absence de véritable consentement éclairé et le manque de garanties quant à la continuité du traitement antirétroviral en cas de sortie de l’essai soulèvent de graves questions quant à la sécurité des personnes incluses et leur consentement tout au long de l’étude. Au cours des late breakers de la conférence de Toronto, les militantEs ont déroulé une grande banderole « Shame » devant l’un des investigateurRICEs de l’essai DART qui présentait les résultats du bras avec traitement intermittent. D’autres militantEs portaient des pancartes indiquant : « DART = unethical trial ». Cette action était silencieuse car nous ne souhaitions pas prendre la parole à la place des personnes incluses dans l’essai (celles avec qui nous avons travaillé n’ayant pas pu être présentes) et aussi pour se conformer aux règles de sécurité drastiques de la conférence – et son service d’ordre musclé – qui interdisait toute interruption de séance. Il n’est évidemment pas question ici de réclamer l’arrêt de cet essai qui semble tenter de répondre à des questions importantes sur l’accès aux traitements dans les pays du Sud. Il s’agit avant tout d’améliorer les conditions dans lesquelles se déroule cet essai du point de vue de la sécurité des personnes incluses et de leur consentement à y participer. Il ne s’agit pas ici de la défense d’un universalisme éthique abstrait mais de veiller à ce que les conditions locales ne soient pas prises comme prétextes pour faire l’impasse sur le respect des droits des personnes qui participent à la recherche. Depuis plus d’un an les activistes locaux essayent sans succès de faire entendre leurs préoccupations concernant l’essai DART. Ne pas être en mesure de répondre à ces questions c’est se rendre doublement coupable : coupable envers les personnes vivant avec le VIH/sida qui se soumettent à la recherche ; coupable encore envers la recherche elle-même. Au cours de l’action, plus de 200 tracts qui reprenaient les critiques soulevées par les communautés vis-à-vis de cet essai ont été distribués. Ce texte pointait plusieurs problèmes : Sur l’ensemble de l’essai : – L’information des participantEs potentielLEs au sujet des risques de santé présentés par l’essai est insuffisante et passe sous silence les risques d’émergence de résistances en cas de traitement sub-optimal ou l’éventuelle apparition de toxicités qui ne seraient pas identifiées sans les marqueurs biologiques ; – Les investigateurs/trices de DART ont choisi de conduire leur étude sur un traitement sans monitoring biologique dans des centres où ce monitoring est actuellement disponible, privant ainsi certaines personnes incluses des standards de soins auxquels d’autres ont accès. Si des tests sanguins sont effectués, les résultats ne sont communiqués aux médecins traitant qu’en cas d’incident de stade 4, c’est-à-dire à un stade trop avancé de la maladie. – Les participantEs qui voudraient sortir de l’essai de leur propre chef du fait de la dégradation de leur état de santé sont excluEs de l’offre mentionnée dans le formulaire de consentement de bénéficier des garanties d’accéder à un traitement optimal pour cinq ans. Pour le bras de traitement intermittent : Les investigateurs/trices de DART ont choisi d’étudier les interruptions de traitement en même temps que la comparaison entre le suivi biologique et le simple suivi clinique. – Les investigateurs/trices de DART ont choisi d’étudier les interruptions de traitement alors même que la communauté scientifique internationale les considérait déjà comme potentiellement dangereuses pour des personnes ayant eu une immunité sévèrement dégradée ; – De ce fait, exposer les participantEs à des interruptions de traitement sans monitoring biologique est d’autant plus risqué ; – Ce n’est que deux ans après le lancement de l’essai que les investigateurs/trices de DART ont fermé le bras avec interruption de traitement (en mars dernier). Les données déjà disponibles à propos de cet essai montrent une augmentation de 2,6 du risque de progression dans la maladie pour le bras avec interruption de traitement. Par ailleurs, dans l’ensemble de l’essai, un nombre très important de décès est déjà à déplorer. Il y a par ailleurs de nombreuxSES perduEs de vue dans l’étude qui n’ont pas été compris dans la présentation de Toronto contrairement aux règles communément admises par la communauté scientifique. Nos revendications : Act Up-Paris a repris les revendications suivantes portées localement par de nombreuxSES activistes locauxLES. – Les participantEs du bras avec interruption de traitement dont l’état clinique s’est dégradé doivent s’ils et elles le souhaitent pouvoir immédiatement intégrer le bras comportant un suivi biologique et bénéficier d’un traitement optimal. – Lorsque des personnes voient leur état clinique se dégrader excessivement, il doit être possible à leur médecin d’accéder à l’ensemble des résultats biologiques recueillis. Autrement dit, un DSMB doit pouvoir, par l’analyse rapprochée des résultats biologiques individuels (en temps réel), décider de lever l’aveugle selon des critères définis à l’avance sans attendre une dégradation dangereuse de l’état clinique telle que prévue dans le protocole (stade 4 de l’OMS). Idéalement, une chute importante des CD4 ou une remontée de la charge virale inquiétante devraient constituer des alertes suffisantes pour que les médecins soit aviséEs. – Dans les conditions actuelles, les participantEs qui choisissent de quitter l’essai de leur propre chef doivent pouvoir bénéficier du même standard de soin que ceux et celles qui restent dans l’essai afin que ce critère ne constitue pas une forme de pression incitant à ne pas quitter l’essai. – Il convient aujourd’hui que les investigateurs/trices présentent des résultats intermédiaires de l’ensemble de l’étude qui fassent figurer les perduEs de vue, que des représentantEs des personnes incluses soient directement associées au Comité de l’essai et que des rencontres régulières entre les personnes incluses et les investigateurs/trices aient lieu.