Les infections à HPV génitaux sont contractées rapidement après l’entrée dans la vie sexuelle, mais ce n’est pas systématique. Entre 50 et 75 % des jeunes femmes (15-44 ans) sont ou ont été porteuses d’une infection génitale à HPV. Comme du point de vue épidémiologique, la majorité des cancers à HPV sont du type cancer du col de l’utérus, il est apparu logique aux développeurs de vouloir cibler en priorité les femmes et, du fait du mode et du moment d’infection, plus particulièrement les adolescentes et préadolescentes pour une vaccination anti-HPV.
Au vu de la multiplicité des types de HPV susceptibles d’être contractés, un vaccin présenterait aussi un intérêt pour les femmes n’ayant pas encore contracté les types visés. Par contre, pour les femmes déjà infectées, il est peu probable qu’un vaccin induise une régression des lésions existantes. Le potentiel thérapeutique des vaccins anti-HPV du type de celui qui vient d’être approuvé en France (Gardasil®) n’est pas prouvé à ce jour. Il s’agit donc de vaccins préventifs. Une étude rapporte néanmoins un effet bénéfique d’un vaccin anti-HPV de type 6 avec une disparition plus fréquente de verrues génitales préexistantes chez l’homme que ce qui est observé de façon spontanée (cependant l’essai n’incluait pas un groupe placebo comme comparateur, ce qui peut limiter la valeur des résultats).
Par ailleurs, plusieurs compagnies s’intéressent au développement des vaccins anti-HPV à visée thérapeutique pour contrer le cancer du col de l’utérus. C’est le cas par exemple de la société strasbourgeoise Transgene qui devrait débuter des essais de phase III fin 2007 avec son vaccin TG 4001 pour traiter les lésions précancéreuses du col.
Les vaccins préventifs anti-HPV existants
Dans le passé de nombreux efforts ont été dédiés à la recherche de vaccins préventifs contre les maladies sexuellement transmissibles, sans résultats véritablement probants. Deux compagnies se sont néanmoins lancées dans la recherche de vaccins contre les HPV, dans le but ultime de prévenir en priorité le cancer du col de l’utérus. Le choix des développeurs s’est pour le moment porté vers le ciblage des types majoritairement associés à ce cancer : les HPV 16 et 18. Trois types de vaccins ont été étudiés dans des essais cliniques portant sur des effectifs de plusieurs centaines de participantes. Il s’agit de deux vaccins de la compagnie Merck & Co (un monovalent contre le HPV de type 16 et l’autre tétravalent contre les HPV 6, 11, 16 et 18) et d’un vaccin des laboratoires GlaxoSmithKline (divalent contre les HPV 16 et 18). Le vaccin tétravalent de Merck, baptisé Gardasil® a été approuvé par l’Agence du médicament américaine (FDA) en juin 2006 (ainsi qu’en Australie, au Brésil, Canada, Mexique et Nouvelle-Zélande), puis par l’Agence européenne (EMEA) en septembre 2006. Il a reçu l’autorisation de mise sur le marché par l’AFSSaPS le même mois et est déjà disponible en France. Le vaccin divalent de GSK, baptisé Cervarix®, est toujours en études cliniques de phase III et a fait l’objet d’une demande d’approbation auprès de l’EMEA et d’un dossier auprès de la FDA.
L’effet des vaccins sur la prévention des lésions pré-cancéreuses a permis d’accélérer sa mise à disposition sur le marché, même si l’efficacité sur les cancers n’est pas encore prouvée par les essais cliniques. Le recul n’est pas suffisant pour évaluer cet effet, les périodes maximales d’évaluation dans les essais étant de cinq ans seulement. Rappelons que les cancers du col de l’utérus mettent en général plus de dix ans avant de se développer après la phase d’infection par le HPV.
Efficacité des vaccins anti-HPV
L’étude la plus longue à ce jour vient d’être publiée et concerne le protocole Merck V501-007. Il s’agit d’une phase II (efficacité) portant sur 552 femmes de 16 à 23 ans dont 110 ont reçu le vaccin tétravalent anti-HPV 6, 11, 16 et 18 et ont été suivies sur plus de cinq ans. Sur toute cette durée et avec le schéma de trois injections intramusculaires (au 1er mois, puis 2 et 6 mois après), la réponse immune au vaccin est restée au moins égale sinon supérieure à celle de la réponse immune naturelle à l’infection par les HPV ciblés. Ces vaccins peuvent induire la production d’une quantités d’anticorps anti-HPV jusqu’à dix fois supérieure à la réponse naturelle face à une infection par un HPV. Dans les autres essais avec les trois vaccins précédemment cités (protocoles Merck 005 contre le HPV 16, protocoles Merck 007, 013 ou FUTURE I et 015 ou FUTURE II contre les HPV 6, 11, 16 et 18 ; protocoles GSK contre les HPV 16 et 18), les périodes d’observation étaient plus courtes (1,9 à 4,5 ans). Dans tous les cas, les vaccins ont été efficaces pour prévenir à la fois l’infection persistante avec les HPV ciblés (réduction de plus de 90 %) et le développement de verrues ou lésions pré-cancéreuses (100 % d’efficacité). L’étude de la réponse immune après vaccination avec le vaccin tétravalent en fonction de l’âge a montré qu’elle était plus forte chez les 9-15 ans que chez les 16-23 ans, un argument en faveur d’une vaccination précoce, avant les premiers rapports sexuels.
Tolérance aux vaccins
La tolérance est bonne en général (possibilité de légère fièvre transitoire et de réaction au site d’injection). Sur 5 088 femmes de 9 à 26 ans ayant reçu le vaccin Gardasil®, 0,1 % seulement ont arrêté avant d’avoir reçu les trois injections. Néanmoins, faute de données consolidées sur les risques encourus, la vaccination chez les femmes enceintes n’est pas recommandée.
Limites du vaccin
Tout d’abord, rappelons qu’à l’évidence la durée de protection n’est pas encore connue, le recul étant de cinq ans seulement d’utilisation en clinique. Ensuite, parce que la couverture ne sera pas complète contre tous les types de HPV associés aux cancers, il sera important de continuer d’avoir recours aux stratégies de dépistage, en particulier pour les cancers du col de l’utérus et de l’anus. En effet, 30 % des cancers du col et des lésions pré-cancéreuses sont associées à des HPV non ciblés par le vaccin tétravalent Gardasil® de Merck.
En dehors des possibles réactions croisées des vaccins (contre les HPV 31 et 45 associés dans près de 10 % des cas au cancer du col), il reste néanmoins encore 11 HPV à cibler parmi ceux qui sont associés aux cancers du col. Leur fréquence individuelle d’association avec les cancers est certes plus faible (0,3 à 2,6 % des cas). Pour atteindre plus de 90 % de protection, un vaccin contre les 8 HPV les plus fréquents (16, 18, 45, 31, 33, 52, 58 et 35) pourrait être fabriqué. Il pourrait être utile au niveau mondial, les HPV se distribuant de façon assez semblable aux quatre coins du globe. L’obstacle pour un tel développement tient plus du niveau de la volonté des développeurs car les coûts accrus de production ne seraient pas nécessairement compensés par un retour sur investissement à la vente. Le prix élevé du vaccin empêcherait évidemment sa large distribution.
L’avenir montrera si la stratégie de vaccination anti-HPV a une incidence pour réduire le nombre de cancers du col de l’utérus et qui sait peut-être aussi sur les autres cancers moins fréquents mais associés aux HPV à haut risque. Si les vaccins évalués à ce jour ont réussi à prévenir les infections au niveau du col, l’efficacité au niveau de l’anus ou de la bouche n’est pas encore connue et n’a pas été rapportée, ni étudiée.
Disponibilité et coût des vaccins
Etonnamment, alors que le Gardasil® a déjà obtenu son autorisation de mise sur le marché en France, ses modalités de remboursement ne sont pas encore fixées et font l’objet de réflexions qui devraient aboutir au premier trimestre 2007. Le coût est de 438 € pour trois injections intramusculaires, hors frais d’acte de vaccination. Incidemment, certains assureurs anticipent et promettent déjà une prise en charge du remboursement (partielle mais conséquente en attendant la part de la sécurité sociale).
Le cancer du col de l’utérus est une pathologie qui touche plus particulièrement les femmes en situation économique désavantageuse, en particulier du fait de l’absence d’accès au dépistage précoce. Le coût actuel du vaccin est peu susceptible de faciliter son accès aux personnes démunies. Encore faudrait-il d’ailleurs que la production permette d’assurer sa disponibilité pour une grande diffusion. Il sera donc sans doute accessible en priorité aux personnes des pays riches qui ont aussi accès au dépistage pour les cancers du col de l’utérus et de l’anus. Enfin, l’expérience passée avec d’autres vaccins montre qu’il peut s’écouler 10 à 20 ans avant qu’un vaccin validé dans les pays riches soit déployé dans les pays en développement. Un sursaut international à tous les niveaux est donc attendu pour accélérer le processus …
Obligation de vaccination ?
Trois mois seulement après l’autorisation de mise sur le marché du Gardasil® par la FDA et face aux réactions de certains tristes esprits, l’état américain du Michigan a proposé une loi rendant obligatoire cette vaccination pour les jeunes filles entrant au collège. L’opposition tient dans la supposition que cette vaccination liée à une future activité sexuelle, serait une «invitation à la débauche». En Europe, c’est l’Autriche qui est le premier pays à inscrire la vaccination préventive contre le cancer du col de l’utérus dans son programme national de vaccination.
Selon les pays, des obstacles émergeront sans doute pour limiter la diffusion d’un tel vaccin en priorité destiné aux femmes, qui plus est adolescentes et dans un contexte lié à une transmission par voie sexuelle majoritairement. Ces obstacles devront être surmontés si l’on veut contrer cette épidémie mondiale. De plus, pour qu’un programme de vaccination soit efficace, il faut une forte volonté politique afin de conditionner tous les aspects logistiques, mais aussi une communication claire et précise pour faire tomber les réticences culturelles – en particulier, parce que la virginité n’est pas une garantie de non-contamination par les HPV, l’argument d’un refus de vaccination avant le mariage n’est pas recevable.
A retenir
Un vaccin est déjà disponible ; le Gardasil® des laboratoires Merck et un second en attente ; le Cervarix® des laboratoires GSK. Ils visent tous les deux les HPV à haut risque 16 et 18 associés aux cancers du col de l’utérus. Le vaccin de Merck cible aussi les HPV de bas risque 6 et 11 associés à l’apparition des verrues génitales. La couverture n’étant pas totale contre tous les types de HPV, la vaccination avec les vaccins actuels ne dispensera pas des mesures de protection et des tests de dépistage des cancers du col et de l’anus.