Chez les personnes vivant avec le VIH, l’impact qu’auront les vaccins pour diminuer les infections par HPV – et potentiellement, à terme, l’incidence des cancers qui leur sont associés – va dépendre de plusieurs paramètres.
Une réponse immune à la vaccination est-elle possible chez les séropositifs ? La réponse à cette question n’est pas encore connue. En tout premier lieu, évidemment, le degré de réponse immune, mais aussi les types de HPV associés qui peuvent différer chez les séropositifs par rapport au reste de la population. Les exemples de vaccination recommandée chez l’adulte et l’enfant séropositifs contre différents virus et bactéries, et notamment contre les virus de l’hépatite A et B, sont instructifs et plutôt rassurants quant à une réponse possible suite à une vaccination anti-HPV. En effet, des anticorps anti-VHB (virus de l’hépatite B) sont produits après vaccination contre l’hépatite, quoique l’ampleur de la réponse soit fortement liée au nombre de CD4. Par contre, pour l’hépatite A, la réponse est bonne même en cas de CD4 bas, de même que pour les femmes infectées par le HPV de type 16 et qui ont néanmoins réussi à produire des anticorps naturellement. Ceci donne bon espoir qu’une réponse aux vaccins anti-HPV soit possible chez les personnes vivant avec le VIH, même avec peu de CD4.
Du fait de l’impact possible du nombre de CD4 sur la réponse immune induite par un vaccin anti-HPV, la démonstration de son efficacité va nécessiter des essais cliniques avec un nombre suffisant de participants séropositifs, hommes et femmes, pour pouvoir justement distinguer les effets en fonction du nombre de CD4 et éviter de conclure à un manque éventuel d’activité parce que les personnes susceptibles de mieux répondre n’auraient pas été représentées en nombre suffisant.
Essais cliniques chez les personnes séropositives
Des essais cliniques sont actuellement en cours ou programmés. La France a été associée aux essais chez les jeunes femmes et participe actuellement à l’essai 019 pour des femmes de 26 à 45 ans. Il s’agit en priorité d’évaluer la sécurité d’utilisation chez les séropositifs. Le Gardasil® de Merck sera l’objet de l’essai 021/PACTG 1047 (Pediatric AIDS Clinical Trials Group) d’une durée de deux ans portant tout d’abord sur la sécurité d’emploi et la réponse immunologique induite par le Gardasil®, puis, selon les résultats, sur l’efficacité. Cet essai concerne des enfants porteurs du VIH de 7 à 12 ans, nés de mères séropositives, répartis en deux groupes (90 recevant le vaccin et 30 un placebo). Il est conçu pour intégrer l’influence du nadir des CD4. L’étude a commencé et les résultats sont attendus pour 2008. D’autres essais d’évaluation de sécurité d’utilisation et d’étude de la réponse immunologique, voire d’efficacité, sont prévus pour début 2007 chez des femmes séropositives en comparaison à des femmes séronégatives. Le design de ces essais est en cours de discussion. Rien n’est prévu chez les hommes séropositifs, malgré la forte prévalence du cancer de l’anus attribuables majoritairement aux HPV.
Comment améliorer la vaccination chez les séropositifs ?
En attendant des données dans la population séropositive, les experts dans le domaine proposent déjà un certain nombre de pistes à explorer dans des essais cliniques pour renforcer la réponse immune. Ainsi, il pourra être utile de renforcer la réponse vis-à-vis des particules virales incomplètes constituant le vaccin en essayant, au cours d’essais cliniques, d’augmenter les doses injectées (une stratégie efficace pour le vaccin anti-VHB), ou bien en les multipliant au-delà des trois actuellement prescrites ou encore en ajoutant au vaccin des adjuvants plus puissants. La mise sous antirétroviraux peut aussi s’avérer utile pour renforcer la réponse immune. Cette dernière considération est liée à l’interrogation suivante : quand devra-t-on vacciner une personne séropositive pour assurer une meilleure protection ? Cette question doit aussi faire l’objet d’essais cliniques.
Pour les types de HPV non couverts, il faudra peut-être développer un nouveau type de vaccin, soit en intégrant des particules virales incomplètes correspondant aux autres types de HPV fréquemment rencontrés chez les séropositifs, soit en utilisant une autre protéine protectrice du virus comme agent immunogène.
A retenir
Les personnes vivant avec le VIH sont plus susceptibles d’être infectées par les HPV que la population générale et les types de HPV peuvent différer. L’introduction des antirétroviraux n’a pas changé la situation ; la fréquence d’apparition de cancers associés aux HPV (anus et col de l’utérus) reste plus élevée que dans la population générale. L’expérience de vaccination contre d’autres virus et certaines bactéries chez les personnes vivant avec le VIH donne bon espoir d’obtenir des vaccins anti-HPV efficaces, objet des essais cliniques actuels. Par rapport au reste de la population, la couverture ne sera sans doute pas suffisante pour les séropositifs du fait de l’existence plus fréquente d’infections avec des HPV non ciblés par les vaccins disponibles. Il faut attendre les résultats d’essais cliniques réalisés dans cette population avant de statuer sur la tolérance et l’efficacité de ces vaccins chez elle.