Une quinzaine de militants d’Act Up-Paris ont interrompu le 25 novembre 2006 la session du congrès annuel de l’Association dentaire française (ADF) ayant pour thème « Hygiène et asepsie ». Ils ont obtenu d’y intervenir. Ils entendaient dénoncer les refus de soins dont de très nombreux séropositifs sont victimes de la part de certains chirurgiens-dentistes. Un refus odieusement discriminatoire en contradiction avec le serment d’Hypocrate qui tend également à démontrer une méconnaissance, voire un mépris, des règles fondamentales d’asepsie.
D’après le sondage réalisé, en 2005, par Sida Info Service sur les discriminations dont sont l’objet les séropositifs, 45 % des personnes interrogées se sont déclarées victimes de discrimination de la part du milieu médical, premier domaine de discrimination ; de manière récurrente, les dentistes sont cités le plus souvent. Pourtant, en mars 2005, le Conseil national de l’Ordre des chirurgiens-dentistes a, en termes très clairs, rappelé à ses membres le caractère inadmissible que représente le « refus de prise en charge des pathologies bucco-dentaires » des séropositifs, le refus de soins ne peut « en aucun cas être justifié par l’état de santé d’un patient ». Voir Protocoles 37 Il rappelait également à cette occasion que de tels actes étaient passibles de sanctions pénales et disciplinaires. Ces refus de soins traduisent en outre le manque effarant de connaissances et de compétences de ces praticiens dans les domaines de l’hygiène et de l’asepsie. En effet, on sait que les « précautions universelles » en la matière (port de gants, utilisation de matériel stérile ou à usage unique, etc.) constituent déjà un bouclier efficace contre les risques de transmission virale. La prise de précautions redoublées pour les séropositifs ne se justifie donc absolument pas. Elle est même en soi absurde car elle ne tient pas du tout compte d’une donnée fondamentale de l’épidémie : le grand nombre de séropositifs (50 000) qui ne connaissent pas leur propre statut sérologique. La logique, tout comme le principe de non-discrimination, commande donc que les « précautions universelles » en matière d’hygiène et d’asepsie soient appliquées à tous les patients. Les praticiens qui refusent de soigner des séropositifs invoquent leur inquiétude du risque de transmission du VIH à leurs autres patients. Ils feraient bien de se soucier des risques que leurs pratiques discriminatoires font courir aux séropositifs, personnes immunodéprimées qui ne doivent pas être exposées aux risques viraux ou bactériens. Cette discrimination fondée sur l’état de santé est d’autant plus insupportable que les séropositifs sont déjà et régulièrement confrontés à des discriminations socio-économiques : ainsi beaucoup de titulaires de la CMU ne peuvent avoir accès aux soins dentaires, alors que l’hygiène et les soins bucco-dentaires sont un enjeu majeur pour la santé des personnes séropositives. 25 ans après le début de l’épidémie, les dentistes sont toujours l’une des professions de santé les moins bien formées et les moins soucieuses de se former à propos du VIH. S’ils appliquaient dans tous les cas et pour tous leurs patients les précautions universelles en matière d’asepsie et d’hygiène, non seulement ils se protégeraient eux-mêmes, mais ils veilleraient aussi à la protection de l’ensemble de leur clientèle, séropositive ou non au VIH.A retenir
– Le Conseil national de l’Ordre des chirurgiens-dentistes doit faire respecter son rappel à l’ordre de 2005 et sanctionner les praticiens contrevenants. – L’Association dentaire française doit prendre publiquement position contre les refus de soins pratiqués par les chirurgiens-dentistes à l’encontre des personnes séropositives.A suivre
Depuis cette action nous avons reçu des courriers de dénonciations de pratiques discriminatoires. Si vous avez subi ce type de rejet, contactez-nous. Nous ne manquerons pas de vous tenir au courant des suites de ce dossier. Nous saisirons, dans les prochaines semaines, le Conseil national de l’Ordre des chirurgiens-dentistes et la HALDE des cas de refus de soins portés à la connaissance de l’association.