Nous avons l’habitude que la question du sida chez les femmes, la prise en compte de leurs spécificités (hors transmission mère/enfant), leur place dans les essais, ne soient ni entendues et ni présentées, et quand elles le sont, c’est avec beaucoup de suspicion quant à leurs réelles raisons d’être.
Pourtant, quoi qu’il arrive, nous persistons à revendiquer que la femme séropositive n’est pas l’égale de l’homme face à la maladie en général et au sida en particulier. Nous, les femmes séropositives, nous vivons avec ce virus et tout ce qu’il entraîne, nous prenons les médicaments qui certes nous permettent de vivre mais qui ont des incidences, non seulement sur notre vie, mais aussi sur notre santé. Nous nous interrogeons depuis longtemps sur les différences homme/femme face à l’infection à VIH. Nos questions restent souvent sans réponse faute d’études, de données et de motivations d’une partie des chercheurSEs, des pouvoirs publics et des laboratoires. Encore récemment à la dernière CROI on apprenait que dans les essais Benchmark 1 et 2, étudiant le raltégravir (MK 0518), l’effectif des participantEs se composait de 80 à 90 % d’hommes. Nous ne cherchons pas à démontrer que cette maladie est plus grave pour les femmes que pour les hommes, mais qu’elle est différente. Tout le monde s’accorde à dire maintenant que l’épidémie se féminise, mais dans les actes il ne semble pas se passer grand chose au féminin. Nous ne cessons de rappeler qu’aux Etats Unis, ce n’est qu’en 1997, soit 17 ans après le début de l’épidémie, que la FDA (Food and Drug Administration, l’Agence du médicament nord-américaine) a recommandé à l’industrie pharmaceutique d’inclure des femmes dans les essais cliniques ; aujourd’hui nous ne représentons encore que 20 % des inclusions, chiffre abstrait puisqu’il inclut les participantes aux essais sur la transmission mère/enfant (qui, biologie oblige, ne recrutent que des femmes). En 1990, en France, les femmes représentaient 15 à 20 % des cas de sida. Aujourd’hui ce chiffre atteint 35 % (sources : VESPA et FHDH). Avec l’échec des essais vaccinaux, des microbicides testés, des campagnes de prévention qui ne sont pas ou mal ciblées, rappelons que face au VIH, les femmes sont plus vulnérables que les hommes socialement, mais aussi biologiquement. Le risque d’être contaminées est plus élevé pour elles. Le virus ou les effets secondaires des traitements peuvent être différents selon le sexe. Nous restons toujours sous-représentées dans les essais thérapeutiques et même si nous l’étions plus, les questions pour permettre de mieux comprendre les différences entre les hommes et les femmes sont peu ou pas posées. Au début de l’épidémie nous avons eu le rôle de coupables, puisqu’aux yeux de touTEs nous étions soit toxicomanes, soit amantes d’un toxicomane ou d’un bi-sexuel, soit nous avions sans doute trop de partenaires, bref nous l’avions bien mérité. Aujourd’hui, ces mêmes personnes préfèrent nous classer dans la liste des victimes, c’est sans doute plus facile et cela permet de ne pas admettre l’échec des campagnes de prévention, ou le manque de considération même pour les femmes. On nous rappelle à chaque présentation d’enquête que les chiffres sont là, que l’épidémie se féminise, que nous représentons plus de la moitié des personnes touchées. Mais certains ne manquent pas de nous rappeller aussitôt qu’en France, la majorité de ces femmes sont d’origine sub-saharienne et que 80 % des femmes contaminées l’ont été dans une relation stable et suivie. Les rares essais menés sur les femmes se font dans les pays en développement, preuve que la recherche peut le faire, même si au Sud, l’éthique n’est pas toujours au rendez-vous. Pourtant nous, femmes des pays riches, nous en profiterons sans doute un jour, mais nous sommes loin de croire que ce sont les malades dans ces pays qui en profiteront. Et même si ces malades étrangerEs vivent dans les pays du Nord, la tournure que prennent les événements politiques actuels ne nous assure pas qu’ils et elles auront la chance d’être soignéEs.