Il n’y a jamais eu en France autant de séropositifVEs qu’aujourd’hui. Depuis plusieurs années, le nombre de nouvelles contaminations se maintient à un niveau anormalement élevé. Alors que près des deux tiers de ces contaminations concernent des hétérosexuelLEs, les pouvoirs publics doivent impérativement se mobiliser et mettre en place une politique de prévention efficace qui s’adresse à toutes les tranches de la société. La reprise des contaminations dans le milieu gay exige quant à elle de nouvelles réponses, que les associations, qui assument bénévolement le travail de terrain depuis le début de l’épidémie, ne peuvent plus apporter seules. Dans un contexte de banalisation de l’épidémie et de forte démobilisation, l’État doit aujourd’hui prendre ses responsabilités en matière de santé publique.
L’Etat doit notamment s’engager plus fortement dans l’élaboration et la diffusion large de messages de prévention à destination de populations ciblées. S’il est vrai que deux campagnes ont été réalisées par les pouvoirs publics en direction des homosexuelLEs et des migrantEs, il est à regretter qu’elles n’aient fait l’objet que d’une très faible diffusion (deux campagnes télévisuelles par an avec une dizaine de jours d’antenne). Contre le sida, les IST et les hépatites, les plans médias des administrations doivent prévoir une réitération plus importante des messages de prévention.
Ces campagnes doivent aussi aller plus loin dans le « ciblage » des messages, et ce dans une perspective bien différente de celle, encore trop largement répandue, des « groupes à risque ». Nous voulons des campagnes précises qui emploient des tons, des modes, des représentations variés selon les personnes et les pratiques auxquelles elles s’adressent.
Nous voulons des campagnes à l’attention des couples hétérosexuels séronégatifs et des campagnes à l’attention des homos célibataires. Nous voulons des campagnes qui parlent à un homme séronégatif vivant en couple sérodiscordant et des campagnes adressées aux femmes séropositives. Nous voulons des campagnes qui prennent en compte les pratiques sexuelles et le mode de vie d’unE jeune de banlieue, mais aussi des campagnes qui intègrent la situation d’unE quadragénaire bisexuelLE. Il est nécessaire que chaque personne puisse rencontrer un message de prévention adapté à ses pratiques et à son environnement, car tout le monde n’a pas le même rapport au risque, à la santé, à la protection de soi et des autres.
L’Etat doit également renforcer les dispositifs de prévention secondaire. Depuis 2002, les recommandations d’expertEs sur la prise en charge des séropositifVEs comprennent la mise en place de consultations de sexologie et de prévention. Hormis quatre consultations expérimentales, rien n’a jusqu’à présent été fait pour mettre en place cette offre de soin. On sait pourtant que la qualité de vie affective et sexuelle des personnes vivant avec le VIH est déterminante dans leurs comportements préventifs.
L’Etat doit, enfin, relancer la coopération horizontale entre ses services, et verticale entre les différents échelons territoriaux de la politique de santé. Le pilotage actuel de la lutte contre le sida en France est défaillant parce qu’il ne permet pas une réelle lisibilité des crédits employés au niveau national. La régionalisation de la politique de santé publique exige aujourd’hui des adaptations. Depuis plusieurs années, le travail interministériel a été mis en veille. L’absence de travail croisé entre l’Education nationale et la Santé empêche la mise en place d’une politique de prévention chez les plus jeunes, à l’âge où se forme la sexualité. Aucune coordination non plus entre les ministères de la Santé, de l’Intérieur et de la Justice. Or nous sommes aujourd’hui confrontéEs à des politiques répressives à l’égard des usagerEs de drogue, des étrangerEs, des prostituéEs et des détenuEs qui ont des conséquences immédiates sur leur accès à la prévention et leurs comportements face au risque de transmission. Cette absence de coordination d’une part, et ces politiques sectorielles d’autre part, sont les ennemies d’une bonne politique de santé publique.
Act Up-Paris exige des candidatEs à l’élection présidentielle qu’ils et elles s’engagent à :
– développer des campagnes de prévention ciblées dans les médias grand public et multiplier le nombre de campagnes de prévention du sida, des IST et des hépatites ;
– mettre en place des campagnes de prévention qui désignent explicitement les pratiques sexuelles et s’adressent à toutes les catégories de population ;
– renouveler la politique de dépistage française sur la base des recommandations du Conseil national du sida ;
– créer une structure interministérielle de lutte contre le sida, les IST et les hépatites ;
– renforcer les crédits affectés à la prévention du sida, des IST et des hépatites en garantissant une lisibilité des sommes réellement investies sur le terrain ;
– évaluer les conséquences sanitaires de la LSI et abroger ce texte qui éloigne les prostituéEs de la prévention ;
– prendre position contre la pénalisation de la transmission du virus du sida ;
– commander une étude sur l’accessibilité du matériel de prévention dans les collèges et lycées, afin de pallier les manques ;
– mettre en place dans les lycées des heures d’éducation à la vie sexuelle et affective qui ne soient pas comprises dans le programme d’unE enseignantE, mais intégrées au cursus des élèves de manière indépendante.