L’épidémie de sida qui ravage les pays pauvres finit par être apparentée à une catastrophe naturelle, ce qui est parfaitement aberrant. Le sida est un fléau que l’on peut prévenir en mettant en œuvre des programmes de prévention efficaces et, s’il s’agit toujours d’une maladie qu’on ne guérit pas, c’est en revanche une maladie que l’on sait aujourd’hui traiter. A cette réserve près que les traitements adéquats demeurent inaccessibles, du fait de promesses financières non tenues et d’un système de brevets conçu dans l’intérêt de la seule industrie pharmaceutique.
Financement de la lutte mondiale contre le sida
Le ou la prochainE présidentE de la République devra tenir les engagements internationaux pris par la France en matière de lutte contre l’hécatombe du sida (30 millions de mortEs depuis le début de l’épidémie). Les chefs d’Etat du G8 se sont engagéEs, il y a deux ans seulement, à atteindre l’accès universel au traitement du sida d’ici 2010. Depuis, ils et elles n’ont rien fait, et en particulier n’ont pas comblé le manque de financement qui aujourd’hui obère la réalisation de cet objectif dont dépend pourtant la survie de 42 millions de séropositifVEs.
Le premier objectif du ou de la prochainE présidentE sur cette question devra être d’atteindre 100 % de la part qui revient à la France dans l’effort financier mondial pour juguler la pandémie et permettre aux 42 millions de séropositifVEs d’accéder aux soins. D’après l’ONU, il manque au moins 13 milliards de dollars pour l’année 2007 (soit moins de 0,05% du PIB des sept pays les plus riches, selon l’OCDE ). Au prorata de sa part du PIB (6 %),
la France devrait donc augmenter sa contribution au financement de 780 millions de dollars en 2007
, qui viendraient s’ajouter aux 300 millions d’euros prévus dans les différentes lignes de la loi de finances (2007). En comparaison, la Grande-Bretagne y consacre déjà 900 millions de dollars par an, débloqués par le Premier Ministre Tony Blair.
Autre objectif, le ou la présidentE devra appeler publiquement ses homologues du G8 à établir la part de l’effort financier nécessaire que le G8 accepte de prendre à sa charge (les 8 États les plus riche concentrant 50 % du PIB mondial), et la répartition de cet effort. Une telle concertation au sommet est indispensable pour sortir de l’impasse actuelle, où chaque pays n’a de cesse d’affirmer être le ou la leaderSE de la générosité tout en attendant d’être rattrapéE par les autres avant d’augmenter sa quote-part.
La question de la propriété intellectuelle
Cinq ans après la signature des accords de Doha (sur la propriété intellectuelle et le droit à la santé) qui officialisait le droit des pays en développement de lever le monopole de brevet couvrant un médicament, en émettant une « licence obligatoire », moins d’une dizaine de ces pays l’ont utilisé et ces licences n’ont concerné qu’un ou deux médicaments VIH, sur les 18 médicaments existants. Selon des statistiques de l’OMS, 74 % des médicaments anti-sida sont toujours sous monopole et 77 % des africainNEs n’ont toujours pas accès aux traitements antirétroviraux.
Les trois mesures à prendre
Le ou la prochainE présidentE de la République devra prendre trois mesures pour le développement des génériques :
– amender l’article L613-5 du Code de la Propriété intellectuelle sur les exceptions aux monopoles de brevet, afin d’y intégrer la possibilité, pour des industrielLEs françaisES, d’exporter des médicaments génériques bon marché vers les pays qui en ont besoin ;
– exiger de l’industrie pharmaceutique qu’elle réponde favorablement à la proposition de l’OMS à ce que le système de «patent pool»[[Mise en commun, par un nombre élevé d’entreprises, d’un nombre élevé de brevets qui portent tous sur la même technologie. Voir notre note » Sortir de l’impasse : la voie du patent pool « .]], actuellement appliqué aux brevets sur les DVD, soit appliqué aux médicaments anti-sida, permettant enfin de diffuser massivement des versions génériques dans les pays pauvres ;
– organiser une réunion internationale où les pays pauvres décideront de la mise en pratique de leur droit de fabriquer ou d’importer des médicaments génériques prévu par les accords de l’OMC, afin de se protéger des pressions américaines.