Le Monde a publié le texte ci-dessous, écrit par une de nos militantes qui interpellait Ségolène Royal, la seule femme qui pouvait être présente au 2ème tour. Malheureusement nous savons que Ségolène Royal ne sera pas la Présidente et nous le regrettons, nous osions imaginer qu’une femme présidente aurait eu une écoute particulière à l’égard des femmes et du sida.
Chère Ségolène Royal, bien que touchée par ton geste de solidarité [[sa participation à la campagne de Aides « si j’étais séropositive, voteriez-vous pour moi ? »]] nous ne pouvons nous empêcher de voir là toute la démagogie du système politique, ou alors une grande naïveté de ta part et une totale méconnaissance du sida. Car si tu étais séropositive nous ne pensons pas que tu te présenterais à l’élection présidentielle.
Si tu étais séropositive depuis 1980, tu serais passée par tous les stades de la maladie : dans les années 90, tu aurais sans doute développé une, voire des maladies opportunistes tu serais sous multithérapies aujourd’hui avec un virus multi-résistant, donc un traitement très lourd qui entraîne des effets secondaires assez handicapants. Tu ne serais pas assez en forme pour faire des meetings, tu aurais peut-être des nausées ou des diarrhées fulgurantes, tu serais certainement amaigrie et fatiguée, tu aurais du mal à t’engager pour des voyages et des émissions de télévision. Ta santé te dicterait ton planning.
Si tu étais séropositive depuis 1990, cela voudrait dire que les campagnes de prévention sida des gouvernements Mitterand et Jospin n’ont vraiment pas fonctionné – ce qui par ailleurs est vrai. Tu serais néanmoins sous trithérapie, sans doute moins violente que précédemment, mais tu aurais du mal a échapper aux charmants effets secondaires… De plus quand tu étais ministre de la famille, tu te serais engagée dans la lutte contre le sida au lieu de ne penser qu’à la contraception avec la pilule du lendemain.
Si tu étais séropositive depuis 2000, tu ne serais pas forcément sous traitement, tu aurais donc les capacités physiques d’assurer une campagne présidentielle. Mais sept ans c’est à peu près le temps qu’il faut pour digérer sa séropositivité et dans ce cas, ta carrière politique se serait légèrement enrayée entre 2000 et 2005. Tu serais allé plus souvent chez le psy que rue de Solférino, tu ne serais certainement pas au devant de la scène aujourd’hui.
Si tu étais séropositive depuis un an, tu commencerais à émerger du coup de massue reçue, tu n’aurais même pas envisagé de te présenter. Tu pourrais aussi faire l’autruche mais refouler une telle angoisse demande une énergie énorme qui te déconcentrerait de ta campagne et de tes discours. Difficile.
Si tu étais séropositive depuis deux mois, tu n’aurais qu’une obsession en tête « que cela ne se sache pas ». Tu aurais très peur de ne pas être élue présidente à cause de la suspicion quasiment inévitable qui en découlerait. Contaminée il y a deux mois, cela voudrait dire que tu as des amants – mais as-tu le temps d’avoir des amants en pleine campagne électorale ? Dans tous les cas, cela remettrait en question ton image de femme de tête, capable d’imposer un préservatif à ses partenaires. Impossible. Reste François avec ses airs bien sage. Dans les deux cas : silence de rigueur.
Voilà un petit cours sur le sida qui te fera peut-être comprendre que la lutte contre le sida chez les femmes est une priorité aujourd’hui, qu’être séropositive cela peut nous arriver à toutes et que cela met en péril une partie de notre vie.