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Troisième et dernière chronique de la conférence de l’IAS qui s’est déroulée à Sydney du 22 au 25 juillet 2007.

Après dix ans de trithérapies, il est temps de penser à se renouveler. Depuis peu, beaucoup de choses bougent dans toutes sortes de directions. Certes, on assiste à l’arrivée tant attendue de nouveaux antirétroviraux, des médicaments explorant des pistes non explorées jusque là, mais des techniques totalement nouvelles voient aussi le jour.

Pour mon traitement, quoi de neuf, Doc ?

On n’y échappe pas, à chaque conférence sur le VIH il est d’usage de faire le point sur les nouveaux antirétroviraux en développement. Ici, à Sydney, c’est le Pr. Joseph Eron de l’Université de Caroline du Nord qui s’y colle. Avant de se lancer dans la description des nouveaux produits, il rappelle qu’il est encore et toujours nécessaire de mettre au point de nouveaux agents, que ce soit pour les malades qui n’ont jamais été exposés aux antirétroviraux pour qui de meilleurs traitements donneront plus et plus longtemps de chances de succès de ce premier traitement, ou pour les personnes plus avancées qui ont besoin de nouvelles lignes de traitement capables d’efficacité sur des virus résistants aux agents existants. Ce besoin est d’autant plus étendu que de plus en plus de malades sont sous traitement, notamment dans les pays du sud où le nombre de personnes dont le virus a développé des résistances augmente.

Examinons maintenant le « pipe line ». En développement clinique précoce, autrement dit en phase 2A, ce ne sont pas moins de huit produits qui sont actuellement testés. Apricitabine, Amdoxovir, Fosalvudine, Elvucitabine et le petit dernier UK-453.061 sont les nouveaux inhibiteurs de la transcriptase inverse. On compte aussi deux nouveaux anti-CCR5 en cours de test et un produit original, un inhibiteur de maturation, le Bevirimat (PA 457) voir notre compte rendu de la 12e CROI.

Les produits les plus avancés en recherche, autrement dit ceux dont on parle maintenant depuis pas mal de temps et qui vont arriver prochainement sur le marché sont au nombre de six. Trois parmi eux sont déjà disponibles en ATU, ce sont :
– L’Etravirine (TMC 125) de Tibotec, un inhibiteur de la transcriptase inverse,
– Le Maraviroc de Pfizer, le premier anti-CCR5,
– Le Raltegravir de MSD, le premier inhibiteur de l’intégrase.

Ces trois produits sont suivis de près par trois autres dans les mêmes classes :
– La Rilpivirine (TMC 278) de Tibotec est un autre inhibiteur de la transcriptase inverse du laboratoire belge,
– Le Vicriviroc est le second anti-CCR5, mis au point par Shering-Plough,
– L’Elvitegravir est le prochain inhibiteur d’intégrase sur lequel travaille Gilead.

Les questions qui se posent le plus à propos de tous ces produits concernent avant tout les agents des nouvelles classes d’antirétroviraux. En effet, dans les classes anciennes, on a appris avec le temps à connaître leur manière d’agir cliniquement, les effets indésirables et les toxicités, les résistances susceptibles de se développer. C’est tout cela qui reste à découvrir au fil du temps d’utilisation des inhibiteurs de l’intégrase et du corécepteur d’entrée CCR5. Plusieurs sessions au cours de la conférence de Sydney sont venues apporter divers résultats nouveaux, d’usage à plus long terme ou de quelques études complémentaires.

Les résultats accumulés dans les essais du reltegravir et de l’elvitegravir, les deux inhibiteurs d’intégrase, montrent que ces produits sont particulièrement puissants. Une combinaison thérapeutique qui les associe arrive à réduire la charge virale des patients nettement plus rapidement que l’efavirenz. En revanche, les mutations de résistance du VIH contre ces attaques sont typiques et très efficaces. Autrement dit, ils ont non seulement une barrière génétique faible mais en plus les résistances sont croisées. Il s’agit essentiellement des codons 155 et 148. Utilisés aujourd’hui essentiellement en traitement de l’échec, il est donc plus que jamais nécessaire d’associer ces nouveaux composants à d’autres produits efficaces pour ne pas risquer de griller des cartouches inutilement.

Pour les anti CCR5, les choses sont toujours aussi étranges et les questions qui se posent sont toujours les mêmes. Il y a un certain paradoxe à constater que ces traitements donnent des résultats intéressants dans les essais menés chez les personnes ayant reçu des traitements depuis longtemps et semblent moins intéressants comme traitement de première ligne. L’essai de ce type du vicriviroc avait d’ailleurs été suspendu pour manque d’efficacité. Les résultats de l’essai MERIT de phase III montre en effet une certaine faiblesse du maraviroc comparé à l’efavirenz. Le paradoxe vient de ce que tout le monde s’accorde sur le fait que, dans l’histoire naturelle de la maladie, les virus utilisant le CCR5 comme co-récepteur d’entrée sont largement dominants dans les premières phases tandis que le tropisme CXCR4 apparaîtrait en fin de maladie en s’accompagnant d’un aggravation clinique et d’une virulence plus forte. Faute d’avoir étudié et mieux compris le changement de tropisme dans l’histoire naturelle de la maladie, les cliniciens cherchent aujourd’hui à l’aveuglette à se servir de ces médicaments un peu étranges.

Dans la pratique, il reste deux choses à ne pas manquer sur le sujet :
– Contrairement à l’argumentaire développé à l’origine qui prétendait qu’en utilisant un médicament qui cible un composant cellulaire, il n’y aurait pas de développement de résistance possible, on voit aujourd’hui qu’il existe aussi une résistance aux anti CCR5. La première est évidente, c’est le changement de tropisme du virus. Il semble que dans la plupart des cas apparus dans les essais, la cause a été la présence initiale d’un virus à double tropisme — capable d’utiliser CCR5 aussi bien que CXCR4 pour entrer — ou d’un mélange de virus dans lequel les VIH au tropisme CXCR4 sont en trop petit nombre pour être détectés par le test utilisé. Mais il existe aussi des mutations de résistance du virus qui s’adapte au complexe formé par le récepteur CCR5 auquel est attaché la molécule inhibitrice.
– Reste la question du test de tropisme. Le traitement n’ayant résolument aucun intérêt chez les personnes dont le virus est à tropisme CXCR4 ou chez les double tropismes, un test est nécessaire avant l’usage de ce médicament. Ce test phénotypique est fourni par une seule firme américaine à ce jour, il est cher et il est assez peu sensible puisque notamment, il rate des personnes ayant un mélange de virus dans lesquels les tropismes CXCR4 sont trop faiblement représentés.

Science fiction pourrait devenir réalité

Le Dr. John Rossi, professeur de biologie moléculaire du Beckman Research Institute à Hope nous expose les récents développements en thérapie génique de ce que l’on peut faire contre l’infection à VIH. Il s’agit là de traiter les maladies en contrôlant des gènes qui permettent de bloquer la progression du mal. Rossi a expliqué en plénière le processus d’interférences RNA. C’est donc un peu l’épisode suivant de l’histoire apparue à la Conférence de Boston en 2003 et que nous suivons depuis pas mal de temps, notamment lors de la CROI 2007 de Los Angeles. Il a montré aussi les résultats des travaux de son laboratoire qui a identifié trois petits gênes inhibiteurs formés d’ARN capables de bloquer la réplication du VIH. Mais l’intérêt de ce nouvel épisode est le passage à la pratique. Rossi explique le travail accompli dans la recherche d’un vecteur capable de véhiculer le matériel génétique jusqu’aux cellules du patient. Il utilise un virus manipulé afin de transporter les gênes thérapeutiques. La technique permet d’agir de trois manières différentes : en ciblant le virus lui-même ou bien les protéines virales ou encore des sites cellulaires susceptibles d’interagir avec le virus. Le chercheur expose aussi les différents tests de validité de la méthode, prouvant qu’avec cette combinaison de cibles, il dispose d’un outil thérapeutique efficace pour combattre le VIH. Son virus thérapeutique ayant été soumis à toute la batterie de tests précliniques, l’équipe envisage maintenant les essais sur l’homme. Il s’agit dans l’immédiat d’une technique extrêmement délicate et complexe puisqu’elle consiste à prélever des cellules que l’on va traiter avant de les réimplanter chez le patient. Mais il faut bien comprendre que nous sommes là dans une technique totalement nouvelle qu’il convient d’étudier et de développer encore pendant de nombreuses années. Nous y reviendrons sans aucun doute lors dans nos comptes rendus des conférences à venir.