En janvier 2007, la Thaïlande utilise les dispositions prévues par les accords internationaux sur la propriété intellectuelle (les accords TRIPS signés par tous les États-membres de l’Organisation Mondiale du Commerce). Elle émet des licences obligatoires sur trois médicaments, dont le Kaletra® du laboratoire Abbott. Elle se donne ainsi le droit de produire ou d’importer des copies, beaucoup moins chères, de molécules, donc de soigner plus de malades. En réponse, Abbott annonce qu’il prive la Thaïlande de ses nouveautés thérapeutiques, en ne déposant plus de dossier d’enregistrement.
Un géant pharmaceutique s’arroge donc un droit d’ingérence dans la politique sanitaire d’un pays souverain sans qu’aucun gouvernement, aucune structure, en dehors des associations, ne réagisse. Parmi les nouveautés thérapeutiques dont se retrouvent privéEs les Thaïs, on compte l’Aluvia®, une nouvelle forme de Kaletra®, qui n’a pas besoin d’être conservé au réfrigérateur : un médicament de seconde ligne, indispensable, donc.
Le laboratoire a voulu nous traîner en justice pour avoir bloqué son site internet lors de la journée de mobilisation (voir dernier numéro d’Action). Devant la levée de boucliers et la dégradation de leur image, ils ont battu en retraite (voir « retour de baton »). Cette semi-victoire ne doit pas faire oublier que le blocus thérapeutique du laboratoire continue, et que les pressions sur la Thaïlande s’accumulent (voir l’exemple de la Commission européenne). Le laboratoire, consacré « géant pharmaceutique » le plus cupide par les activistes internationaux, est un habitué des pires obscénités (voir chronologie et encadrés 1, 2, 3, 4). L’indifférence générale dans laquelle Abbott peut agir est insupportable. Combien de temps faudra-t-il encore attendre pour que la vie des malades compte plus que les dividendes de quelques actionnaires ?