Ce contenu a 17 ans. Merci de lire cette page en gardant son âge et son contexte en tête.

Lors de l’ouverture de la Conférence Aids Impact à Marseille, le 1er juillet dernier, Vincent Pelletier, directeur de Aides, a tenu un discours salué par l’ensemble de l’assistance. Extraits.

« (…) l’heure est grave. Un laboratoire pharmaceutique, a décidé de déterrer la hache de guerre. La lutte contre le sida a beau avoir 25 ans, le combat continue, peut-être plus aujourd’hui encore qu’hier. (…)

Après le procès des laboratoires pharmaceutiques en Afrique du Sud dont vous vous rappelez sans doute, Abbott, parce qu’il s’agit d’eux, dans le même esprit, a décidé de ne plus commercialiser ses nouveaux médicaments en Thaïlande dont le Kaletra® en comprimé, appelé Aluvia® dans beaucoup de pays, médicament antirétroviral de deuxième ligne.(…) La décision d’Abbott revient donc à priver, en toute connaissance de cause, les malades thaïs d’un médicament indispensable car trop cher. Au-delà de la Thaïlande, ce sont tous les pays en développement qui se sentent menacés par cette odieuse mesure de rétorsion.

Partout dans le monde, on vante l’implication des personnes touchées dans la définition des politiques de santé et dans la mise en place de ces politiques. Mais quand il s’agit de nous assurer le droit à la vie avec des médicaments de qualité et efficaces alors là nous redevenons des marchandises. Rentables ou pas. Et là nous n’avons plus droit au chapitre. (…)

Et Abbott vient d’attaquer en justice Act Up-Paris suite à l’action menée contre lui le 26 avril 2007, menaçant ses dirigeants de prison et l’association d’une amende dont elle ne se relèverait pas. (…)

En tant que malade du sida prenant du Kaletra® en comprimé, je ne peux l’accepter. Je ne peux m’imaginer matin et soir prenant mes comprimés et continuer à me regarder dans la glace. En les prenant, je resterais en vie, mais j’accepterais aussi d’enrichir un labo qui décide froidement de priver d’une chance de survie des milliers de malades dans le monde. Comment pourrais-je continuer à vivre en sachant ça ?

Je ne jetterai pas mon Kaletra®, même si j’en ai très envie. Je sais la chance que j’ai, moi, vivant dans un pays riche. Je sais que ce serait un geste vain face aux centaines de milliers de séropositifs qui en ont besoin et qui ne peuvent le prendre. Mais je ne peux me résoudre à accepter l’inacceptable.

Alors puisque Abbott veut faire de notre santé un bien commercial, je voudrais que nous utilisions des méthodes commerciales contre Abbott. Nous sommes 40 millions de séropositifs dans le monde. Grâce à nos combats, plus de 2 millions d’entre nous bénéficient d’un traitement. Et demain beaucoup plus encore. Si pour Abbott, nous ne sommes que des consommateurs alors nous allons avoir des comportements de consommateurs, mais au niveau mondial. Ne dit-on pas que le client est roi ? La concurrence peut jouer, elle est une arme efficace.

Je vais donc demander à mon médecin de changer de traitement. Il en existe d’autres. Je vais faire jouer la concurrence.

Et j’appelle tous les séropositifs qui le peuvent, et après en avoir parlé à leur médecin, à faire de même. A demander à leur médecin de leur prescrire un autre produit qu’un de ceux de chez Abbott, si leur état de santé le leur permet. J’appelle tous les médecins prescripteurs à choisir une autre alternative médicamenteuse que les produits Abbott, toutes pathologies confondues, pour leurs patients pour ne pas cautionner l’odieux chantage que ce laboratoire fait aujourd’hui à la Thaïlande et demain au reste du monde en développement. Je leur demande également de ne plus aller dans les conférences organisées par Abbott, je leur demande de ne plus recevoir les délégués médicaux de ce laboratoire. Ne devenons pas complice d’un monde où les riches vivront sur la mort des plus pauvres. Et que cela serve d’exemple pour les autres laboratoires.

Au-delà des malades et de leurs médecins, je demande aux autres acteurs de la lutte contre le sida, à toutes les organisations, nationales ou internationales, gouvernementales ou non gouvernementales, de déclarer publiquement leur soutien aux malades thaïs et d’ailleurs qui ont besoin de traitements de deuxième ligne, efficaces et accessibles. Je demande aux orateurs qui vont se succéder à cette tribune pendant 4 jours, que ce soit Monsieur l’ambassadeur français du sida, au directeur du fonds mondial et à tous les autres de condamner les agissements inacceptables d’Abbott.

Je demande enfin à Abbott de mettre fin à ses poursuites contre Act Up, mais ça ne suffira pas, ça ne suffira plus. Je demande à Abbott et aux autres laboratoires de cesser les représailles envers les pays usant de la licence obligatoire.

A partir d’aujourd’hui, les règles du jeu vont changer. Les profits des laboratoires pharmaceutiques sont en jeu. Mais maintenant c’est nous, les malades du monde entier qui jouons ! Jouons tous ensemble !

Je compte sur vous, les malades thaïs comptent sur nous tous. »