Il y a un an nous consacrions un article au Biojector®, procédé qui pourrait faciliter la prise du Fuzéon®, si seulement les laboratoires Roche voulait bien se donner la peine d’écouter les malades, qui le réclament pour améliorer leur qualité de vie mise à mal par des injections souvent douloureuses.
Le Fuzéon® (enfuvirtide, ou T-20) est un inhibiteur de fusion, commercialisé par les laboratoires Roche depuis le 17 mai 2003. Il est utilisé pour traiter les personnes vivant avec le VIH en échec thérapeutique et disposant de peu d’autres options thérapeutiques. Il a l’inconvénient de devoir être administré par voie sous cutanée en deux injections injections. Il laisse des nodules douloureux sur les sites d’injection pendant plusieurs jours persistant même jusqu’à plusieurs semaines.
En 2005 apparaissent les premières communications scientifiques sur l’intérêt d’un dispositif sans aiguille : il s’agirait d’utiliser le dispositif Biojector® 2000 (ou B2000), sorte de pistolet à diffusion par pression, fabriqué par la société Bioject, et utilisé depuis 1996 pour les injections sous-cutanées et intramusculaires de vaccins. Lire à ce sujet le numéro [45 de Protocoles-art2831].
Études à l’appui
Deux premières études de comparaison de la diffusion du médicament sont alors réalisées, et concluent à des concentrations sanguines équivalentes pour les deux dispositifs.
Suite à cela, aux Etats-Unis, l’étude WAND (48 personnes naïves de Fuzéon®) compare l’efficacité et la tolérance entre deux groupes de personnes, l’un utilisant l’aiguille, l’autre Biojector®. Les résultats montrent que 87 % des participants préfèrent Biojector®, pour la facilité d’utilisation mais aussi pour le confort, car on n’enregistre plus aucune ecchymose et moins de nodules aux sites d’injection. Néanmoins, des troubles neurologiques locaux persistent chez certains utilisateurs multitraités et maigres, lorsque les sites d’injection se trouvent trop proches des articulations. On note qu’un participant hémophile déplore des hématomes importants, mais déclare vouloir poursuivre son traitement, on note aussi des compressions nerveuses, et des paresthésies (trouble de la sensibilité). L’Agence du médicament américaine a donc demandé des études supplémentaires.
Ainsi, l’essai BOSS, ouvert, randomisé, et incluant 300 personnes, a comparé la tolérance chez des personnes prétraitées par Fuzéon®. 74 % des participants se sont déclarés plus satisfaits par Biojector®. Il est important de contrôler ces conclusions, ce qui est fait actuellement.
Marché inaccessible aux malades
L’amélioration de la tolérance est donc significative. Pourtant, Roche, dans son courrier d’octobre « ne pense pas que le dispositif sans aiguille soit l’alternative idéale pour les patients ».
Le système Biojector® est en vente libre dans les pharmacies canadiennes depuis mars 2007, mais pas aux Etats-Unis. Or, en Europe, il dispose d’un marquage « CE » (autorisant la libre commercialisation dans toute l’Union) depuis la même date, ce qui en interdit la demande d’importation, mais pas la distribution. Mais la société Bioject refuse pour l’instant de vendre aux particuliers.
Refus incompréhensible
Avec le TRT-5, collectif interassociatif dont nous sommes membre, nous nous interrogeons sur les raisons qui motivent Roche a refuser de déposer une demande de modification de l’Autorisation de mise sur le marché à l’EMEA ? Ou du moins, pourquoi Roche ne dépose-t-il pas une demande d’autorisation pour un essai compassionnel, pour garantir l’accès au Biojector® jusqu’à sa mise à disposition, dans l’éventualité d’une commercialisation en France ? Cela permettrait un achat massif de Biojector® par une institution, et un accès gratuit au Biojector® pour les malades.
Après un courrier envoyé par Act Up-Paris en mars 2007 et resté sans réponse, le 5 septembre suivant, le TRT-5 demandait par écrit également des explications à Franz Humer, PDG de Roche, mis en copie à Jean Marimbert, Roselyne Bachelot, Pascal Chevit et Eric Abadie. C’est en réponse à ce courrier que Roche a annoncé son intention de ne pas poursuivre le développement du dispositif. Ainsi, après une nouvelle étude pourtant concluante sur l’amélioration de la tolérance locale du Fuzéon® par l’utilisation du Biojector®, les laboratoires Roche ont conclu à l’inutilité de poursuivre le développement du dispositif.
Perspectives
Le TRT-5 a donc décidé d’écrire un nouveau courrier, cette fois à l’EMEA pour contester les conclusions de Roche. Le courrier est parti début décembre. Nous attendons leur réponse et restons mobilisés sur cette question.
Pourtant, au même moment, des cliniciens français indépendants en contact avec l’équipe canadienne qui leur a envoyé les protocoles élaborés pour les essais canadiens, annonçaient qu’ils consentiraient à écrire un projet de protocole si un essai compassionnel était décidé. Affaire à suivre
A retenir
La question de la qualité de vie des malades sous Fuzéon® ne semble pas être la préoccupation première du laboratoire Roche, bien au contraire à voir les obstacles qu’ils mettent pour ralentir l’arrivée du Biojector® en France. De nouvelles pistes de recherche sont à l’ordre du jour pour améliorer la tolérance du Fuzéon® mais toujours sans Biojector®.