Chez les personnes séropositives, les infections opportunistes à virus de type Herpesviridae sont majoritairement celles impliquant les HSV, le cytomégalovirus CMV et le virus de la varicelle-zona VZV.
L’herpès chez la personne séropositive est-il différent de chez la personne séronégative pour le VIH ?
Oui et il se caractérise par le fait d’être plus sévère avec des épisodes de maladie symptomatique plus longs, une production virale chronique fréquente, cette infection chronique peut mettre en jeu le pronostic vital. De façon générale, les deux virus HSV-1 et HSV-2 peut donner lieu à un herpès progressif chez les personnes présentant une fragilité de leurs défenses immunitaires, le HSV-1 pouvant aussi évoluer vers un eczéma herpétisé. On notera aussi qu’il y a plus de VIH retrouvé au niveau des fluides génitaux. Il faut cependant distinguer selon les phases de l’infection à VIH : à un stade précoce, l’infection due aux HSV reste transitoire et bénigne. La chronicité et l’ampleur des lésions qui affectent la peau et les muqueuses signent une évolution vers le stade sida. 15 à 20 % des personnes atteintes par le VIH développent un herpès chronique ou extensif.
Quelle est la manifestation prédominante ?
Il s’agit de l’atteinte génitale et anale, caractérisée par de nombreuses lésions ulcéreuses chroniques. La chronicité se définit par l’absence de guérison spontanée après 4 semaines et constitue une manifestation dite classante pour le sida. On parle d’herpès cutanéo-muqueux progressif. Il se caractérise par des lésions de type ulcères au niveau des organes génitaux, mais cela peut aussi se produire au niveau de la bouche.
Quels sont les autres organes susceptibles d’être atteints au cours de l’infection opportuniste à HSV ?
Chez la personne séropositive pour le VIH, les zones glabres peuvent être le siège d’atteintes herpétiques : jambes, mains, périnée, visage. Une ulcération chronique autour de l’anus, du nez ou au niveau d’un doigt est a priori d’origine herpétique. Une atteinte oesophagienne par le HSV-1 est aussi possible. Si l’atteinte du foie (hépatite herpétique) reste exceptionnelle en cas de co-infection avec le VIH, son évolution peut être très sévère. Par ailleurs, l’encéphalite herpétique par infection au HSV-1 est rare, et moins aiguë, chez les personnes vivant avec le VIH par rapport aux personnes séronégatives. Elle peut être due aussi au HSV-2, ce qui est exceptionnel chez les personnes séronégatives pour le VIH. D’autres virus de la famille des Herpesviridae (CMV, VZV) peuvent déclencher ce type d’encéphalite chez les personnes séropositives pour le VIH. Enfin, si les kératites de la cornée ne sont pas plus fréquentes chez les personnes séropositives pour le VIH, elles sont plus longues à guérir, avec un taux de récidives plus élevé que chez les personnes séronégatives.
Comment traite-t-on le HSV chez les personnes séropositives pour le VIH ?
La dernière édition des recommandations du groupe d’experts pour la prise en charge médicale des personnes infectées par le VIH (rapport 2006 sous la direction du professeur Patrick Yeni) aborde le traitement du HSV.
Le traitement recommandé est fonction de la quantité de CD4 et de la gravité de l’atteinte : pour plus de 200 CD4, 500 mg deux fois par jour de valaciclovir en comprimé (Zelitrex®), remplacés pour les formes particulièrement sévères par l’administration intraveineuse d’aciclovir (Zovirax®) de 5 à 10 mg/kg toutes les 8 heures sur huit jours ; à moins de 200 CD4, la forme intraveineuse est recommandée, à moins que l’atteinte cutanée et des muqueuses ne soit pas sévère et détectée précocement (utilisation du valaciclovir dans ce cas).
De manière générale, il est important de cibler les deux virus (HSV et VIH) pour mieux juguler la co-infection.
Le HSV peut-il devenir résistant au traitement ?
Oui, un traitement à l’aciclovir peut favoriser l’émergence d’une souche de HSV qui devient résistante. Le risque est faible et estimé à moins de 5 %. Cette résistance s’accompagne d’une résistance croisée au valaciclovir (ce qui n’est pas surprenant, ce dernier étant une prodrogue de l’aciclovir), au ganciclovir (antiviral utilisé notamment pour le traitement du CMV) et au famciclovir (antiviral utilisé pour le traitement des infections à HSV et VZV). Incidemment, le valaciclovir et l’aciclovir sont aussi utilisés pour le traitement de la varicelle et du zona chez les personnes vivant avec le VIH. En cas de résistance avérée des HSV, le traitement recommandé par le groupe d’experts français est alors une administration intraveineuse de foscarnet (Foscavir®) à 90 mg/kg toutes les 12 heures pendant au moins 10 à 14 jours. Une hyperhydratation est requise et la posologie doit être adaptée en tenant compte de la fonction rénale.
Prévention de l’infection à HSV et de ses récidives chez les personnes séropositives pour le VIH
Une prophylaxie primaire est-elle recommandée ?
Quelle que soit la situation, une prophylaxie primaire n’est pas recommandée par le groupe d’experts. De plus, bon nombre de personnes séropositives pour le VIH sont déjà infectées par un virus de la famille herpès et il s’agit plutôt de s’interroger sur la prophylaxie secondaire pour prévenir les récidives lors d’une réactivation du virus. Cette capacité de réactivation typique des virus Herpesviridae implique des mesures de prévention distinctes de celles applicables aux autres infections opportunistes.
Peut-on prévenir les récidives ?
Les recommandations d’une prophylaxie de ce type, dite secondaire, concernent les lésions fréquemment récidivantes (plus de 4 à 6 récidives annuelles) ou chroniques et les lésions sévères (herpès génital géant invalidant chez la personne ayant moins de 100 CD4). Le traitement recommandé consiste en la prise de valaciclovir par voie orale (500 mg deux fois par jour). En cas de bénéfice constaté, le traitement peut être poursuivi de façon prolongée.
Du fait du traitement prolongé, la prophylaxie secondaire présente le risque de faire apparaître une résistance à l’aciclovir. Même s’il est faible, ce risque doit être pris en compte pour la décision d’un tel traitement.
Risque de transmission du VIH chez les partenaires de personnes co-infectées par le VIH et le HSV-2
Avoir le HSV-2 augmente-t-il le risque de transmettre le VIH à ses partenaires ?
Oui, chez une personne séropositive pour le VIH, l’infection par le HSV-2 augmente le taux de VIH dans les fluides génitaux. Le HSV est capable d’activer la réplication du VIH, ce qui augmente les risques de transmission du VIH.
Le traitement du HSV diminue-t-il le risque de transmission du VIH ?
A la dernière conférence sur les rétrovirus et les infections opportunistes (CROI de février 2007), une étude franco-britannique en collaboration avec le centre Muraz au Burkina Faso portant sur 150 femmes séropositives pour le VIH et infectées par le HSV-2 a montré une diminution modeste des quantités de VIH au niveau génital chez des femmes séropositives pour le VIH qui ne nécessitaient pas un traitement pour le VIH mais qui étaient traitées par l’anti-HSV-2 valaciclovir (baisse de 2.41 log copies/mL d’ARN messager du VIH à 2.15 log copies/mL pendant le traitement, soit -0.26 log copies/mL, alors que les variations du groupe placebo étaient en augmentation de +0.009 log copies/mL). Au niveau sanguin, la diminution était plus marquée, mais encore modeste (-0.39 log copies/mL dans le groupe traité contre +0.12 log copies/mL dans le groupe placebo), quoique significative dans les deux cas (génital ou plasmatique). L’effet sur le HSV-2 était, comme attendu, nettement plus marqué.
Une autre étude menée en Tanzanie chez des femmes séropositives pour le VIH et infectées par le HSV-2 ne va pas dans le sens d’une diminution du risque de transmission du VIH après traitement du HSV-2. En effet, au cours de cet essai présenté à l’IAS 2007, il n’a pas été constaté de réduction de la production de VIH (et du HSV-2) dans les sécrétions vaginales après traitement à l’aciclovir. Ceci suggère que le risque d’exposition au VIH n’est donc pas diminué pour les partenaires au cours de rapports sexuels. Cependant, dans l’étude rapportée, la moitié seulement des participantes ont déclaré avoir pris plus de 90 % de leurs comprimés. Pour être potentiellement efficace, cette stratégie nécessiterait donc d’observer strictement les prises du médicament.
Risque de contamination par le VIH chez les personnes infectées par le HSV-2
Avoir le HSV-2 augmente-t-il le risque de contracter le VIH ?
Oui, ce virus permet l’ouverture des portes d’accès au VIH du fait des lésions ulcéreuses lors des phases symptomatiques de l’herpès génital, mais aussi à cause de l’existence de microlésions pendant les phases non symptomatiques. Ces lésions s’accompagnent de la présence de lymphocytes de type CD4. Le mécanisme avancé pour expliquer le lien entre HSV-2 et VIH est que ces CD4 seraient les cibles du VIH. L’infection au HSV-2 augmente par trois le risque de contracter le VIH. De fait, on estime qu’une moitié environ des nouvelles contaminations par le VIH serait due à une infection par le HSV-2.
Le traitement du HSV diminue-t-il le risque de contraction du VIH ?
Le HSV-2 favorisant l’apparition de lésions susceptibles de faciliter l’entrée du VIH dans l’organisme, la question est donc légitime. La réponse est cependant ambiguë. En effet, les résultats d’une étude récente menée en Tanzanie et rapportés à l’IAS 2007 ne vont pas dans ce sens. 820 femmes séronégatives pour le VIH ont été incluses, (60 %, ont terminé l’étude, soit 492 femmes) et réparties en deux groupes : placebo versus aciclovir à 400 mg par jour avec un suivi sur 30 mois. Les femmes avaient été recrutées dans un secteur minier et présentaient un haut risque d’infection au VIH du fait de leur emploi (travailleuses du sexe) dans des bars et des maisons d’hôte. Malgré les conseils de prévention prodigués et la mise à disposition de préservatifs, 8 % des femmes ayant terminé l’étude (60 % des recrutées initialement) ont été contaminées par le VIH, avec un pourcentage très proche dans les deux groupes. Comme pour l’étude chez les femmes séropositives, la stricte observance de la prise des traitements n’a pas été constatée (estimée par le comptage des comprimés non utilisés et des tests urinaires pour doser l’aciclovir). En effet, la moitié des femmes participant à l’essai n’ont pas suffisamment adhéré au protocole de prise de traitement qui préconisait plus de 90 % de comprimés effectivement pris. 19 % ont pris entre 75 et 90 % de leurs comprimés. Lorsque les résultats tiennent compte de ce constat, une tendance à la diminution de l’incidence de l’infection à VIH est observée dans le groupe traité en ne prenant en compte que les femmes ayant adhéré à plus de 75 % au protocole de prises de traitement, mais cette tendance n’est pas significative en termes statistiques, ce qui ne permet pas de conclure à un effet réel du traitement.
A retenir
L’infection à VIH augmente le risque d’acquisition et de transmission du HSV-2 et modifie les signes cliniques de l’infection à HSV-2, notamment en augmentant les épisodes de production virale, mais aussi la durée d’apparition des lésions (pour les personnes avec moins de 200 CD4). Le HSV-2 augmente le risque d’être infecté par le VIH, la transmission du VIH et le niveau de VIH dans le sang et les fluides génitaux. Il pourrait aussi accentuer la pathologie due au VIH.
Les essais de réduction de transmission ou de prévention d’infection du VIH par un traitement du HSV-2 avec l’aciclovir ou le valaciclovir n’ont pas été à la hauteur des espérances puisqu’ils n’ont pas montré d’effet bénéfique. Cela ne met néanmoins pas un point final à l’intérêt de traiter le HSV-2 dans ces deux cas, car il semblerait que l’absence d’effet constaté soit plutôt le résultat d’une mauvaise adhérence au traitement. Comme pour le traitement du VIH, une observance stricte garantirait certainement le succès de l’approche. Rappelons aussi que ce n’est qu’un moyen de réduire les risques et que les méthodes éprouvées doivent continuer à être utilisées (utilisation du préservatif).