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Lundi matin, première plénière de cette 15e CROI. Comment arriver à comprendre la composition de cette réunion consacrée d’une part à la mortalité des séropositifs depuis l’arrivée des trithérapies et d’autre part à la recherche génétique ? Le seul point commun qui vient immédiatement à l’esprit, c’est l’inégalité flagrante des personnes vivant avec le VIH face à la sordide loterie de la maladie.

Vivre ou mourir avec le VIH

Andrew Phillips ouvrait donc cette journée par une présentation sur les analyses de la morbidité et la mortalité des séropositifs au temps des trithérapies, c’est-à-dire depuis 1996, date de l’arrivée des premières antiprotéases. Il a d’abord rappelé combien cette date a pu marquer l’histoire de l’épidémie par l’impressionnante réduction de la mortalité induite par l’introduction des traitements hautement efficaces. Il a ensuite présenté les principales études européennes récentes sur la morbidité et la mortalité comme l’enquête EN19 de l’ANRS, « mortalité 2005 » conduite en France, mais aussi les études anglaises sur le sujet. Ces résultats montrent qu’au-delà des complications et des maladies opportunistes, les décès peuvent être attribués pour 40% au retard de diagnostic de l’infection à VIH tandis que les décès directement attribuables au sida ne représentent plus que 5% du total. Surtout, l’incidence des décès non liés au sida est particulièrement inquiétante. Ils augmentent d’un pour cent chaque année, contrairement aux autres causes de décès qui toutes diminuent. Le chercheur londonien avance plusieurs hypothèses concernant les mécanismes qui pourraient expliquer ce problème parmi lesquels la destruction drastique des lymphocytes T CD4+ très tôt dans l’infection.

Les principales causes de ces décès non liés au sida comprennent les complications rénales, cardio-vasculaires, hépatiques et diverses complications métaboliques. Comparé à une population générale, le risque pour les séropositifs de développer de telles complications est nettement supérieur, parfois de beaucoup, et se trouve encore aggravé par divers facteurs comportementaux courants chez les séropositifs comme le fait d’y trouver plus de fumeurs. Cependant, en comparant la population des séropositifs à une cohorte de personnes immunodéprimées du fait d’une transplantation d’organes, on ne trouve pas de différence dans l’aggravation du risque de développement de cancers. Ce qui prouve que c’est bien le déficit immunitaire qui doit être mis en cause.

D’où l’idée d’étudier le rôle de l’immunodéficience dans cette aggravation du risque et évidemment de son marqueur le plus connu, le compte de lymphocytes CD4. Et là, pas de surprise : les études CASCADE et DAD montrent que les risques de décès liés au sida, comme ceux qui ne le sont pas, sont associés au compte de lymphocytes CD4. L’hospitalisation constitue un autre risque associé à ce marqueur de l’immunité selon l’étude de cohorte CO3 de l’ANRS, « AQUITAINE ».

Pour conclure, Andrew Phillips rappelle le principal constat : chez les séropositifs ayant un compte de lymphocytes élevés, les complications non liées au sida sont prépondérantes et diminuent moins que celles liés au sida. Les efforts pour améliorer cette situation devront comprendre une amélioration du diagostic précoce de l’infection et le renforcement de la recherche pour comprendre les causes des complications non liées au sida. Mais surtout, cette situation repose sérieusement la question du moment opportun pour démarrer le traitement. Le seuil d’initiation d’un traitement, au lieu d’être autour de 350 CD4 devrait probablement être ramené vers 500 CD4.

Génétique et sida

Sous le nom un peu barbare de génomique se cache une stratégie très puissante pour identifier dans une large population d’individus des gènes associés à une caractéristique précise. David Goldstein de l’université Duke à Durham aux Etats-Unis s’est intéressé aux gènes qui influencent la réponse précoce au VIH-1, plus précisément à la susceptibilité à l’infection et au contrôle précoce de celle-ci.

D’un individu à un autre, un gène présente de petites variations dans sa séquence, ce que l’on nomme savamment un polymorphisme au niveau d’un seul nucléotide, l’unité de base de nos gènes – il s’agit des SNP ou « single nucléotide polymorphisme » en anglais. En comparant les séquences de différentes personnes infectées par le VIH et leur réponse au VIH-1, il a ainsi été possible d’établir une corrélation entre un ou plusieurs SNP et cette réponse. Par exemple, si l’on s’intéresse aux caractéristiques qui permettent à certaines personnes de mieux contrôler l’infection, on recherchera s’il existe des gènes différant au niveau de modifications ponctuelles dans leur séquence entre les personnes progressant rapidement dans la maladie, celles dans la moyenne et celles contrôlant l’infection. En cas de succès, de là à conclure que le gène, ou du moins son produit, joue un rôle dans cette réponse, il y a encore du chemin à parcourir en terme de recherche – l’association ne signifie pas nécessairement causalité. Cependant, il est intéressant de constater que les études présentées ont permis d’identifier deux sites dans le génome apparemment associés avec le contrôle du VIH.

Les noms n’évoquent pas toujours quelque chose d’explicite, en l’occurrence il s’agit de sites baptisés HLA-C et ZNRD1. Sans rentrer dans les détails, il est intéressant de constater que le premier était déjà connu comme jouant un rôle dans l’infection à VIH. Pour le second, il s’agit d’une découverte intéressante d’autant plus qu’un autre groupe, par une méthodologie complètement différente l’a aussi identifié comme susceptible de participer au contrôle de l’infection ; cette fois, il s’agit d’une méthode dite fonctionnelle réalisée sur des cellules cultivées en dehors de l’organisme et en tirant partie de la récente technologie dite d’interférence au niveau de l’ARN, ces messagers qui codent pour les protéines de l’organisme et qui sont calquées sur les séquences de nos gènes. Incidemment, les chercheurs qui ont identifié cette méthodologie ont été récompensés l’année dernière par un prix Nobel. Le détail des travaux correspondants sera présenté plus tard pendant la conférence. Les chercheurs ont identifié des gènes susceptibles de coder pour des co-facteurs cellulaires – et non viraux – importants pour l’infection à VIH : 36 étaient déjà connus et 237 étaient nouveaux, ce qui ouvre la voie à autant de pistes de recherche nouvelles. Le gène ZNRD1 fait partie de ces co-facteurs.

Bien, quel intérêt peut avoir concrètement cette découverte pour les personnes vivant avec le VIH ? Il se passera certainement longtemps avant qu’une application thérapeutique puisse en découler, mais d’ores et déjà, ce type d’approche ouvre la voie du suivi individualisé des personnes infectées, la présence ou non du polymorphisme pouvant prédire comment la personne réagira à l’infection. Il pourra être possible d’adapter son suivi en fonction de cette prédiction.