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La commission fédérale suisse sur le sida a récemment affiché une conviction bien troublante en affirmant que, dans certaines conditions qu’elle précise, les séropositifVEs ne risqueraient pas de transmettre le virus à leur partenaire. Il n’en fallait pas moins pour lancer un débat mondial.

Pour notre part, nous avons choisi d’appeler les médias à la prudence dans leurs réactions à ce texte. Combien de fois n’a-t-on pas dû faire face aux annonces tonitruantes de la presse sur des sujets mal maîtrisés, donnant à croire au miracle sans avoir pris le temps de traiter leurs informations à la mesure de leur public : on n’annonce pas la découverte d’un traitement définitif au grand public qui compte nombre de séropositifVEs lorsqu’il s’agit de résultats de recherche fondamentale qui n’aboutiront, si ça se trouve, jamais à rien, on ne sort pas de grands titres sur les promesses d’un vaccin fabuleux lors du démarrage d’essais préliminaires de tolérance, c’est, nous semble-t-il, une question élémentaire de déontologie. Mais pour autant, l’information mérite évidemment d’être diffusée, dès lors qu’elle est présentée de manière compréhensible pour l’auditoire visé, et à condition qu’elle ne soit pas tronquée. C’est ce que nous tentons de faire ici en nous basant avant tout sur le texte suisse.

Dans un long article adressé « avant tout aux médecins », et publié le 30 janvier par le bulletin des médecins suisses, « la Commission fédérale pour les problèmes liés au sida (CFS) arrive à la conclusion suivante.

« Une personne séropositive suivant un traitement antirétroviral avec une virémie entièrement supprimée (condition désignée par « TAR (Traitement Anti Rétroviral) efficace » ci-après) ne transmet pas le VIH par voie sexuelle, c’est-à-dire qu’elle ne transmet pas le virus par le biais de contacts sexuels. Cette affirmation reste valable à condition que :
– la personne séropositive applique le traitement antirétroviral à la lettre et soit suivie par un médecin traitant ;
– la charge virale (CV) se situe en dessous du seuil de détection depuis au moins six mois (autrement dit : la virémie doit être supprimée depuis au moins six mois) ;
– la personne séropositive ne soit atteinte d’aucune autre infection sexuellement transmissible (IST). »

L’article de la CFS apporte ensuite un certain nombre de précisions sans lesquelles cette affirmation se prête trop facilement à des interprétations hasardeuses :

« La CFS est consciente que d’un point de vue strictement scientifique, les éléments médicaux et biologiques disponibles à l’heure actuelle ne prouvent pas qu’un TAR efficace empêche toute infection au VIH (en effet, il n’est pas possible de prouver la non survenance d’un événement certes improbable, mais théoriquement envisageable). Reste que du point de vue de la CFS et des organisations concernées, les informations disponibles à ce jour sont suffisantes pour justifier ce message. Si le risque résiduel ne peut être exclu du point de vue scientifique, la CFS et les organisations concernées estiment néanmoins qu’il est négligeable. »

C’est surtout cet aspect du message suisse qui fait l’objet d’une discussion animée actuellement. En effet, depuis sa sortie, la discussion dans la communauté scientifique laisse apparaître de plus en plus d’avis contraires. Des équipes concernées par ces recherches se prononcent pour dire que le message suisse n’est pas raisonnable :

« Les personnes séropositives qui suivent un TAR efficace doivent savoir qu’elles ne transmettent pas le VIH par voie sexuelle tant qu’elles suivent le TAR à la lettre et de manière conséquente, qu’elles sont régulièrement suivies par un médecin et qu’elles ne souffrent pas d’autres infections sexuellement transmissibles (IST). »

« Après avoir été informé et conseillé dans les détails, il appartient au partenaire séronégatif de décider si le couple sérodifférent doit renoncer, ou non, à toute autre mesure de protection. »

« Le message selon lequel « les personnes séropositives suivant un TAR efficace ne transmettent pas le VIH par voie sexuelle » ne modifie en rien la stratégie de prévention appliquée en Suisse. En effet, à l’exception des couples fidèles pour lesquels la séropositivité et l’efficacité du traitement sont établies, les mesures de protection usuelles sont à respecter en tout temps. »

« La CFS appelle les médecins, les organisations de lutte contre le sida et les médias à prendre leurs responsabilités lorsqu’ils informeront le public sur ce thème complexe. Cette condition doit absolument être respectée si l’on veut éviter que ce message, en soi réjouissant pour beaucoup de personnes concernées, ne soit mal interprété et ne mette un nombre encore plus grand de personnes séronégatives en situation de risque. »

Quel média grand public avide de scoop va prendre la peine de citer ou d’expliquer tous ces attendus pour faire comprendre clairement la position suisse ? Quel groupe peut se permettre, sans faire preuve d’une imprudente mauvaise foi, d’afficher un signe approbateur de relâchement de la protection sans discernement ? Que diront les responsables de tels messages à celles et ceux qui les ont crus et qui seront devenus séropositifVEs ? A Act Up-Paris, nous avons toujours pris le parti de diffuser l’information qui concerne le sida le plus largement possible. Mais de manière compréhensible, exhaustive et documentée. L’article de la CFS est une prise de position, non une recommandation ni un résultat d’étude. Il doit être considéré comme tel, il concerne le comportement personnel autant que la santé publique. Mais il nous appartient de mettre en garde les personnes de ne pas utiliser ces affirmations pour justifier un comportement imprudent, puis d’espérer rejeter la responsabilité de leur contamination vers la CFS. En se défaussant de cette responsabilité, la CFS ne fait rien d’autre que leur tendre par avance un miroir pour assurer la tranquillité de leur conscience.