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Le 24 janvier, dans Libération, le journaliste Eric Favereau écrivait un article intitulé « Sans papiers, HIV, et cas de conscience. »

Cet article relatait l’histoire d’un couple marié, ayant fait une demande d’Assistance Médicale à la Procréation (AMP) pour avoir unE enfant. Pour le journaliste, c’est la situation des deux parents qui fait l’intérêt de leur histoire : ils sont camerounaisES, la femme est sans-papiers, bénéficiaire de l’Aide Médicale d’Etat (AME) et l’homme est séropositif, régularisé pour soins et polygame. L’article reprend ce que sont censées avoir été les interrogations des médecins du service d’AMP, confrontéEs à leur demande : quel avenir pour l’enfant « entre une mère sans-papiers et un père séropositif » ? ou encore « Est-il «raisonnable» d’aider ce couple à avoir unE enfant ? ». Finalement, le Centre d’éthique clinique de l’hôpital Cochin a accédé à la demande du couple, « la femme est aujourd’hui enceinte ». Et le journaliste de se demander si l’AMP est un soin et si, à ce titre, il peut relever de de l’AME, dispositif d’accès aux soins pour les sans-papiers pauvres ayant des revenus inférieurs à 606 euros par mois.

Pour nous, malades du sida, cet article est inacceptable. Tout d’abord, par les éléments qu’il omet. L’AMP dont il s’agit ici est une AMP en contexte viral, c’est-à-dire une technique qui permet d’éviter la contamination de la mère et de l’enfant en pratiquant un lavage de sperme. Elle peut également être utilisée pour que les femmes séropositives puissent avoir des enfants. Pratiquée depuis 2001, cette technique a fait la preuve de sa fiabilité, sur les 400 AMP en contexte viral pratiquées depuis 2001, aucune contamination n’a été enregistrée. Comment alors oublier de mentionner que, grâce à l’AMP, non seulement cette femme est enceinte mais surtout que ni elle, ni son enfant ne seront séropositifVEs. Dans ces conditions, peut-on raisonnablement continuer à écrire qu’une technique qui évite des contaminations n’est pas un soin ? Les séropositifVEs ont le droit d’avoir des enfants, et l’accès à l’AMP pour les couples séropositifVEs ou sérodifférentEs est le résultat direct des actions menées par les associations de malades. Qu’un journal comme Libération considère qu’être séropositifVE est un « élément défavorable » pour être parentE, marque un recul insupportable et relève d’un profond mépris pour les malades. De même, comment priver des sans-papiers d’avoir des enfants ? Ou encore d’avoir moins accès à la prévention et aux soins ? Alors que l’AME est plus que jamais menacée par un gouvernement et un parlement qui multiplient les mesures racistes anti-immigréEs, essayer de faire passer l’AME comme un dispositif détourné de son objet, alors qu’il est le seul moyen pour des sans-papiers d’avoir accès à la prévention, au dépistage et aux soins ; c’est cautionner ces attaques. Le chroniqueur du Figaro, Ivan Rioufol n’a d’ailleurs pas manqué de citer cette histoire pour dénoncer l’étendue de la « solidarité nationale » et de l’AME, dispositif sur lequel même Libération exprime sa « perplexité ».

Si l’AME intéresse vraiment Libération, nous invitons ses journalistes à venir rencontrer les séropositifVEs de la « Permanence Droits aux titres de séjour pour personnes malades », d’enquêter sur les malades sans-papiers excluEs des soins faute de pouvoir prouver trois mois de présence en France, sur ceux et celles qui mettent des années à avoir des titres de séjour stables, et sont aussi réduitEs à vivre à la rue et à voir leur état de santé se dégrader.