En envisageant l’instauration d’un ticket modérateur sur l’AME, Roselyne Bachelot-Narquin met en danger la vie des séropositifVES étrangerEs.
Exercer pleinement son droit à se soigner implique un accès à une véritable couverture maladie. Elle seule peut garantir la continuité des soins : par une affiliation à la Sécurité Sociale, en donnant accès à la carte vitale et, pour les plus démuniEs (vivant en dessous du seuil de pauvreté avec moins de 606 euros par mois), par une prise en charge complète des dépenses de santé. Depuis 1999, la Couverture Maladie Universelle (CMU), et la Couverture Maladie Universelle Complémentaire (CMU-C) assurent cette protection. Pourtant, en ont été exclus d’emblée les étrangerEs en situation irrégulière présentant pourtant les mêmes conditions de ressources. La création, la même année, de l’Aide Médicale d’Etat (AME) devait donc leur permettre de se soigner ad minima. En effet, l’AME reste un dispositif précaire d’accès aux soins puisqu’elle ne prend pas en charge l’intégralité des majorations des soins dentaires, optiques et hospitaliers à la différence de la CMU-C. Et que de nombreux spécialistes refusent, pour cette raison, de délivrer des soins à ses bénéficiaires. En 2002 et 2003, la droite a renforcé ce processus d’exclusion. Désormais, outre les conditions de ressources spécifiques, seulEs les étrangerEs capables de justifier d’une présence de plus de trois mois sur le territoire français peuvent en bénéficier.
Et, à présent, si l’on en croit les propos tenus par la ministre de la Santé, de la Jeunesse et des Sports[[Propos tenus par la Ministre le 6 novembre 2007,
lors de son audition en commission élargie pour le Plan pour la Loi de Finances 2008 (PLF)]], il s’agit de remettre en cause la gratuité, pourtant déjà relative, des soins couverts par l’AME en demandant à ses bénéficiaires de s’acquitter d’un reste à charge forfaitaire. Si la mise en place d’un tel forfait a été votée en 2002, aucun décret d’application ne l’a jamais rendue effective. Par cette proposition, la Ministre décide donc d’ignorer la dénonciation constante des associations de malades et de défense de droits des migrantEs d’une mesure qui vise clairement à exclure les sans papiers du système des soins. L’égalité d’accès aux soins, pourtant garantie par les textes constitutionnels et internationaux, sera remise en cause par l’application de cette loi qui instaure, par ailleurs, une différence fondée sur la régularité au séjour. En outre, exiger une participation financière qui ne peut être fournie, c’est clairement condamner les bénéficiaires de l’ AME à ne plus pouvoir user de cette aide ! Et remettre en cause un accès effectif aux soins qui mettra en danger la vie de nombreuxSES séropositifVES étrangeEs. C’est aussi limiter l’accès au dépistage et à la prévention et donc, prendre la responsabilité d’une reprise de l’épidémie, alors même que le nombre de contaminations a marqué le pas dans la population étrangère sur le territoire depuis 2004[[Dossier de presse de l’Institut National de Prévention et d’Education à la Santé (INPES) lors de la Journée mondiale de lutte contre le sida du 1er décembre 2007.]].
Roselyne Bachelot-Narquin décide également de rompre avec les exigences légitimes de concertation avec les associations, puisqu’elle agit sans tenir informer le Comité inter-associatif de suivi de l’AME et laisse sans réponse les demandes d’éclaircissements qui lui sont adressées sur cette question.
Rappelons donc ce qui a pourtant déjà été dénoncé maintes fois : le ticket modérateur doit soi-disant permettre de mieux contrôler les dépenses de santé. Or, on sait qu’il entraînera au contraire un surcoût et un danger en termes de santé publique. Des pathologies simples qui auraient pu être soignées efficacement et à peu de frais ne seront pas prises en charges et dégénéreront en complications graves et coûteuses à traiter. Il induira également des coûts supplémentaires de gestion pour récupérer ces sommes forfaitaires auprès d’étrangerEs disposant d’une très faible solvabilité. Et il fera supporter ces coûts aux professionnelLEs de la santé, renforçant ainsi les logiques de conflits entre médecins et malades qui vont à l’encontre des intérêts de ces dernierEs.
En outre, cet argumentaire est indécent, il prétend responsabiliser les bénéficiaires de l’AME. en leur faisant payer une somme dont ils/elles ne peuvent s’acquitter, tout en arguant qu’ils/elles sont des « malades irresponsables ». On sait au contraire que les bénéficiaires de l’AME ont recours beaucoup plus systématiquement aux génériques que les affiliéEs du régime général de Sécurité Sociale, et que lorsque leurs dépenses de santé sont plus importantes que celles des autres assuréEs, ce n’est pas leur sens de la responsabilité qui est en cause, mais c’est qu’ils/elles sont atteintEs, proportionnellement, de pathologies plus lourdes.
Prétendre qu’il est possible d’instaurer un forfait à la charge des bénéficiaires de l’AME, c’est donc méconnaître la précarité financière des étrangerEs qui en bénéficient, et les priver d’un accès effectif aux soins. Qui est irresponsable dans cette histoire ?
Sous couvert de « responsabiliser les malades étrangerEs », il s’agit surtout de poursuivre la même logique de culpabilisation déjà à l’œuvre avec les franchises médicales : stigmatiser des malades étrangerEs plus « irresponsables » que des malades en situation régulière, eux/elles-mêmes plus « irresponsables » que des non-malades, etc. Il s’agit encore une fois de stigmatiser pour mieux désolidariser.
Act Up-Paris exige :
– l’abandon immédiat de tout projet visant à la mise en place d’un forfait à la charge des bénéficiaires de l’AME ;
– l’application à touTEs, avec ou sans papiers, du dispositif CMU.