Coordinatrice du Colloque « Femmes et VIH, 1997-2007, où en sommes-nous 10 ans après ? » Catherine Kapusta-Palmer a ouvert ces journées en tant que porte parole du collectif inter-associatif. Nous reproduisons en partie son discours ici.
En 1997, il y a dix ans, la Direction Générale de la Santé, en partenariat avec le Centre Européen de la Surveillance Epidémiologique du Sida et Sida Info Service, organisait le colloque « Femmes et infection à VIH en Europe ». Pour la première fois, la question des femmes face à cette épidémie était mise en avant. Des scientifiques, des médecins, des institutionnels, des associatifs se réunissaient pour prendre en compte la question des femmes vivant avec le VIH. Il était temps qu’un colloque s’intéresse aux spécificités des femmes dans cette épidémie. Mais la préoccupation essentielle les concernant, était, alors la transmission mère-enfant.
En 1997, les femmes séropositives ne parlaient pas en leur nom propre. Elles étaient encore plus dans une situation d’invisibilité. Des recommandations sont sorties de ce colloque :
– la nécessité d’une attention particulière dans le domaine de la prévention, à savoir, une écoute particulière, mais aussi des outils de prévention pour les femmes ;
– la nécessité d’un suivi gynécologique spécifique et l’importance du lien entre l’infectiologue, le gynécologue et les autres spécialistes ;
– des espaces de paroles, et pour cela un véritable soutien financier aux associations de femmes ;
– une véritable prise en compte des prostituées et des femmes usagères de drogues ;
– l’information des hommes hétérosexuels, que l’on parle de sexualité ou de la contraception.
– une représentation plus importante des femmes dans les essais thérapeutiques.
Nous en étions encore au début des trithérapies, raison pour laquelle les revendications sur les spécificités des femmes face aux traitements, n’étaient pas encore évoquées.
Ces questions nous tiennent toujours particulièrement à cœur. (…)
En 2003, le Mouvement Français pour le Planning Familial (MFPF), représenté par Carine Favier, qui est une association généraliste dans le champ des droits des femmes, a invité les associations de lutte contre le sida, afin de partager leurs préoccupations concernant les questions relatives à la vie des femmes concernées par le VIH. Ainsi, se créait le premier collectif inter-associatif réunissant Act Up-Paris, Aides, le Kiosque, le Mouvement Français pour le Planning Familial et Sida Info Service représenté par Hélène Freundlich, visant à inscrire le combat contre le VIH dans la lutte pour les droits des femmes et les droits des femmes dans la lutte contre le sida. Les premiers États généraux « Femmes et sida » se déroulent le 7 mars 2004, avec plus de 200 participantEs. La volonté revendiquée lors de cette première journée de réflexion était de mettre au premier plan la parole des femmes vivant avec le VIH. C’est à la première personne que les femmes concernées se sont exprimées en tant qu’experte de leur maladie et de leur vie, face aux institutionnelLEs, aux médecins et chercheurEs venuEs suivre la journée.
Parmi les points de ces États généraux, il y a eu l’affirmation que les femmes séropositives voulaient participer activement à leur parcour de soins, et qu’elles refusaient d’être les victimes face à cette maladie. Conscientes que ce n’était que le début d’un combat pour se faire entendre, les femmes présentes ont rappellé l’importance de transformer les normes et représentations sociales, de se faire entendre et donc de prendre la parole. Cette volonté de transformer les choses s’est faite aussi grâce à toutes les mobilisations en régions, à la création de réseaux, à la création du « Groupe Femmes » du TRT-5, au livre consacré aux femmes qu’a préparé l’ANRS et tout ce qui s’est fait en Afrique par les femmes elles-mêmes.
Aujourd’hui, Act Up-Paris, le MFPF et Sida Info Service rejoints par 16 associations de femmes et associations de lutte contre le sida, soutenues dès le départ par la Direction Générale de la Santé et le Sidaction, organisent le colloque « Femmes et VIH – dix ans après, où en sommes-nous ? » Au départ le projet s’est créé avec ces trois associations, mais il fut construit au fil des semaines, avec les autres associations, pour en faire cette production collective. Le travail collectif des associations permet de passer de la parole à la revendication. Ainsi, nous avons voulu faire le point, dix ans après, avec la participation actives des femmes concernées. Ce colloque sera un moment fort d’expression de ces femmes, et marquera également la rencontre entre le mouvement des droits des femmes et les associations de lutte contre le sida. Car les femmes séropositives, en tant que femmes, sont confrontées aux inégalités liées au statut social défavorable des femmes, dans toutes les sociétés, à des degrés divers, à savoir une plus grande précarité, des violences, le refus de reconnaître leurs droits à la sexualité, et dans certains pays, des inégalités de droits. La lutte contre l’épidémie qui nous rassemble aujourd’hui, nécessite que soient mises en œuvre des actions fortes pour une réelle égalité dans les lois et dans les faits. (…)
Moment fort de partage d’expériences, cette rencontre doit nous permettre ensemble de construire des propositions pour avancer dans la lutte contre la pandémie de sida au féminin. Nous avons besoin de faire circuler et de rendre accessible à toutes, les connaissances existantes : les connaissances médicales, épidémiologiques, sociologiques, mais aussi, et surtout, d’entendre et de faire entendre la parole des femmes vivant avec le VIH. Pour cela, les journées de réflexion seront organisées en deux temps.
La première journée est l’occasion de faire un état de la situation à partir d’interventions de chercheurEs, de professionnelLEs autour de quatre tables rondes présentées et animées par des femmes concernées, et précédées d’une introduction épidémiologique.
– La recherche : les femmes dans la recherche et la recherche dans le domaine de la prévention.
– Femmes, sexualité et VIH.
– La visibilité des femmes séropositives ou concernées.
– La mutualisation des actions à partir d’exemples d’associations du Nord et du Sud.
Un atelier permanent doit permettre aux femmes séropositives étrangères de témoigner afin de montrer que derrière les chiffres se cachent des vies. Le recueil de ces témoignages doit rendre visible les difficultés rencontrées par ces femmes.
La matinée de la seconde journée destinée aux femmes séropositives et personnellement concernées par le VIH, va permettre de faire émerger leurs paroles, leurs préoccupations et leurs revendications en 5 ateliers répartis comme suit :
– les représentations de la maladie ;
– le dire, ne pas le dire, témoigner ;
– prévention et réductions des risques ;
– corps, désir et séropositivité ;
– précarité et les droits.
Nous sommes très nombreuses, et très heureuses de cela. Nous devons être plus de 500 venues de toute la France Métropolitaine, de la Guadeloupe, de la Martinique, de la Réunion, de la Guyane mais aussi du Mali, du Togo, de la Guinée, du Burkina Faso, de Djibouti, de Grèce, de Roumanie, et même de Lituanie.
À l’issue de cette seconde journée, nous les femmes séropositives et concernées par le VIH, établirons, ensemble, ce que nous souhaitons aujourd’hui. L’ensemble de ces revendications sera présenté en séance plénière, ouverte à tous, pour préparer l’avenir de notre mobilisation et se retrouver aussi pour un moment festif.
– En 1997, le colloque « Femmes et infection à VIH en Europe » a permis de mettre en évidence les spécificités de l’infection à VIH chez les femmes.
– En 2004, les « Etats généraux Femmes et sida » et toutes les actions menées en régions, ont libéré une parole, qui depuis ne cesse de circuler.
– En 2007, nous rédigerons ensemble nos revendications et nos recommandations.