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L’urgence imposée par la pandémie du sida a profondément modifié la recherche médicale. A la fin des années 80, alors qu’étaient expérimentées les premières molécules potentiellement actives contre le virus, les personnes vivant avec le VIH comprirent rapidement que de participer à ces recherches constituait pour elles le seul moyen d’accéder plus rapidement aux traitements qui augmenteraient leur chance de survie. Il a fallu se battre pour faire évoluer les procédures institutionnelles et les mentalités des chercheurs qui n’envisageaient pas un accès précoce aussi massif aux produits expérimentés. Si cette mobilisation des séropositifs a été un formidable accélérateur de la recherche, elle a aussi constitué une aubaine pour les industriels du médicament. Dans ce contexte, l’information aux personnes n’était pas une priorité, leur consentement était acquis d’avance, les résultats étaient partagés au jour le jour comme des informations vitales.

Avec l’arrivée des antiprotéases et des associations efficaces d’antirétroviraux, les trithérapies et celle des marqueurs de suivi, charge virale et compte de lymphocytes, les questions sont devenues plus complexes : comment associer les molécules, quand commencer un traitement, que faire des interruptions de traitement, comment comprendre les résistances… L’urgence s’est transformée en technicité, le partage des connaissances entre partenaires de la recherche est devenu affaire d’experts face aux malades. C’est dans ce contexte de normalisation des rapports médicaux que nous avons lancé « Protocoles » afin de permettre aux personnes vivant avec le VIH de poursuivre ce travail de partenariat avec les chercheurs en bénéficiant des meilleurs progrès de la science. En effet, sans les publications associatives comme la nôtre, seuls les lecteurs de revues médicales et scientifiques, les participants aux conférences internationales ou les initiés aux sites Internet de la recherche peuvent vivre en phase les avancées thérapeutiques. La grande majorité des personnes ayant participé à un essai thérapeutique ne reçoit comme seule information, que les résultats de leur propre suivi en fin d’essai. Pourtant, aujourd’hui, la participation à la recherche dans le domaine du sida ne peut plus se résumer à la lutte pour la survie. C’est un acte où l’altruisme et l’esprit citoyen ont une part d’autant plus importante que les bénéfices attendus pour les personnes sont faibles. Si cette participation des séropositifs ne baisse pas, c’est bien parce que leur intérêt pour l’amélioration des connaissances scientifiques est partagé avec les chercheurs. Comment comprendre, après les années sombres où l’on partageait sans distinction de personnes les espoirs et les déceptions, qu’aujourd’hui la science se fasse subitement si inaccessible ? Le législateur l’a bien compris, lui, puisque depuis 2004, le rendu des résultats de la recherche est dû aux participants. Dans ce domaine, nous attendons de la recherche publique qu’elle montre l’exemple à la recherche privée. Depuis de nombreuses années, nos associations, à travers le groupe interassociatif TRT-5, participent à l’élaboration des documents d’informations destinés aux personnes incluses dans les essais et les études de physiopathologie de l’ANRS. Certes, ces documents participent à l’information des personnes, mais les investigateurs doivent aussi contribuer à ce qu’après le temps indispensable de la réflexion, le consentement qu’ils vont recueillir des futurs participants soit réellement éclairé. Presque toujours, l’information transmise aux personnes sur la recherche s’arrête là et ses résultats ne sortent pas des publications scientifiques et des congrès médicaux. Depuis quelques mois, un groupe de travail de l’ANRS travaille à produire un cadre standard pour la notice d’information et le formulaire de consentement de tout nouvel essai. Ce travail devrait s’étendre aux études de cohortes à venir ainsi qu’aux recherches menées par l’Agence dans les pays du Sud où les documents produits doivent aussi tenir compte des populations, de leurs coutumes, de leurs langues. L’accès à l’information scientifique se met aussi progressivement en place dans les études de cohortes, dont certaines existent depuis près de 20 ans. Par exemple, Copilote produit une Gazette, actuellement au n°9, pour tenir informés les participants des avancées scientifiques et sociologiques permises par ce suivi prolongé. Ainsi, l’information due aux personnes qui participent à la recherche commence à exister et nous ne pouvons qu’encourager ces initiatives tout en déplorant leur infinie lenteur. Ce numéro 50 de Protocoles a été imaginé comme un retour à notre démarche initiale, la diffusion de l’information sur les essais cliniques à destination des personnes qui s’y prêtent. Notre plaidoyer pour inscrire dans la loi sur la recherche biomédicale l’information légitime due aux participants a porté. Mais cette petite révolution dans le monde de la recherche biomédicale commence à peine. Le courage et l’acharnement dont ont fait preuve les premiers séropositifs entrés dans les essais pour être de vrais partenaires de recherche doit servir d’exemple : c’est aux chercheurs maintenant à comprendre qu’ils ont tout à gagner à partager leurs connaissances, savoir expliquer aux autres, c’est aussi mieux comprendre soi-même. Et dans cette aventure, nous nous efforcerons de continuer à apporter notre contribution en vous proposant toujours plus d’outils pour faciliter le lien entre le monde de la recherche et celui des personnes vivant avec le VIH.

 

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