Le 4 avril dernier, nous occupions l’office de tourisme de Thaïlande. Nous entendions protester d’une part contre la remise en cause de l’accès aux génériques (voir dernier numéro d’ Action), mais aussi manifester notre colère à l’encontre des exécutions en masse d’usagerEs de drogue dans ce pays.
Le nouveau gouvernement de Thaïlande, issu des élections de décembre, a réactivé la politique menée en 2003 par le premier ministre de l’époque, Thaksin Shinawatra, celle de la « guerre à la drogue ». Cette politique consiste à faire tuer par la police ou des milices, des usagerEs de drogues interpelléEs dans la rue, ou sur des lieux de consommation, sans passer par un procès. Selon l’association Human Right Watch, ce dispositif d’extermination aurait causé 2 819 mortEs entre février et avril 2003. Notre action visait à demander l’arrêt de cette hécatombe et la mise en place d’une véritable politique de réduction des risques : implication des usagerEs, échange de seringues, accès aux produits de substitution, etc.
Les responsables de l’office du tourisme nous ont empêché de contacter les autorités thaïlandaises par téléphone et fax, se rendant ainsi complices de ces crimes. Ils et elles ont appelé la police, qui a négocié, pour nous, en vain, de passer un appel. Nous avons pu sortir sans problèmes. Comme l’indique Karyn Kaplan, directrice de l’association thaïlandaise d’usagerEs de drogues TTAG qui co-signait le communiqué de cette action : « C’est une réaction typique du silence et du déni de la majorité des ThaïlandaisES face à ce qui se passe dans notre pays. »
Le soir même, nous avions rendez-vous avec unE membre du cabinet de la secrétaire d’Etat aux droits humains, Rama Yade, et des responsables de la direction Asie du Ministère des affaires étrangères dirigé par Bernard Kouchner. Selon leurs dires, la France est diplomatiquement « coincée » et ne peut pour l’instant condamner la politique thaïlandaise ; en effet le 10 mars dernier, la Thaïlande a pris devant des ambassadeurRICEs européenNEs, l’engagement que la « guerre à la drogue » serait menée dans le « respect des droits humains ». Or, les autorités françaises n’ont pas à l’heure actuelle, de preuves remettant en cause cet engagement.
Cette position, si elle est diplomatiquement tenable, revient quand même à dire « attendons que le pire advienne pour réagir ». Les échos que nous avons de nos contacts activistes contredisent en effet totalement la parole thaïlandaise. Nous avons donc demandé à ce que l’Ambassade de France enquête et se mette en contact avec les activistes locauxLES, ce qui a été accepté. Nous avons par ailleurs mentionné qu’ONUSIDA tenait une réunion à Bangkok le 22 avril, ce qui pouvait être une occasion pour la France d’interpeller la Thaïlande sur le sujet. Il n’est pas question, pour nous, que l’hécatombe de 2003 reprenne.