Jusqu’à présent les moyens de dépistage du VIH nécessitent une prise de sang en CDAG ou en laboratoire privé et en cas de positivité, une confirmation un mois plus tard. Aujourd’hui les tests rapides élargissent la palette d’outils de dépistage. Comment fonctionne-t-ils ?
Pour connaître un statut sérologique, les biologistes ont actuellement plusieurs techniques à leur disposition : le test Elisa, la PCR, le bDNA, le Western Blot. Ces outils ne ciblent pas les mêmes éléments.
Tout est une question de vocabulaire
Les anticorps sont des protéines plasmatiques produites par les lymphocytes B pour tenter de détruire ou neutraliser les antigènes. Les antigènes sont des éléments (bactérie, virus, médicament, particules inertes, etc.) pénétrant dans l’organisme et pouvant déclencher une réponse immunitaire avec production d’anticorps spécifiques. La propriété essentielle d’un anticorps est de se lier spécifiquement avec l’antigène qui a induit sa production, dans le but de le neutraliser. Certains anticorps sont protecteurs. À chaque antigène correspond un anticorps spécifique qui persistera plus ou moins longtemps dans le sang ; il servira de marqueur et pourra être détecté (exemple : les anticorps anti-VHB, anti-CMV, etc.). La présence d’un anticorps anti-VIH présent dans le sang d’une personne signifie que celle-ci est infectée par le VIH. Les tests Elisa et Western Blot recherchent ces anticorps et signent une infection à VIH.
L’apparition dans le sang de l’antigène p24 précède celle des anticorps spécifiques au VIH, lorsqu’il y a contamination récente. Cette recherche permet de réaliser un diagnostic précoce de l’infection. La présence de l’antigène p24 dans le sang est transitoire, elle apparaît 2 à 3 semaines après la contamination et disparaît dans les semaines qui suivent, mais il peut réapparaître ultérieurement. Cet antigène correspond aux protéines dont est constituée l’enveloppe du virus.
Les outils disponibles
– Le test Elisa (enzyme-Linked Immuno-Sorbent Assay) est une technique utilisée pour détecter des anticorps antibactériens ou antiviraux. Elle sert notamment à détecter les anticorps anti-VIH au moment de la séroconversion et sert également au diagnostic des hépatites.
– Le Western Blot est un test permettant de détecter les anticorps spécifiques du VIH dans le sang, par une technique d’électrophorèse spéciale. Il permet de confirmer ou non une séropositivité, après avoir pratiqué un test Elisa pour un premier dépistage.
– Le bDNA (branched DNA) est une technique de biologie moléculaire, dite de l’ADN branché ou bDNA, utilisée pour déterminer une charge virale, par exemple : la charge virale plasmatique du VIH.
– La PCR (Polymérase Chain Reaction) est une technique de biologie moléculaire de haute sensibilité qui permet de détecter dans le sang et dans les tissus des fragments d’ADN et d’ARN de virus, de bactéries ou autres micro-organismes en les recopiant presque à l’infini. C’est cette technique et ses variantes qui servent à la recherche qualitative et quantitative du VIH. La PCR a permis le développement de tests ultra-sensibles pour le VIH, grâce auxquels le diagnostic précoce de ces infections est possible, avant l’apparition des anticorps spécifiques de chacune d’elles. Elle est indispensable dans le domaine de la transfusion sanguine. La PCR en temps réel est une nouvelle technique, plus sensible et moins onéreuse, qui devra permettre un suivi virologique réel.
– La charge virale plasmatique correspond au nombre de particules virales contenues dans un échantillon de sang. Dans le cas du VIH, la charge virale est utilisée comme marqueur afin de suivre la progression de la maladie et mesurer l’efficacité des traitements. Elle s’évalue aujourd’hui à l’aide de deux techniques de biologie moléculaire, PCR ou bDNA, et s’exprime en nombre de copies d’ARN-VIH/mL. On exprime souvent également la charge virale en logarithmes (log en abrégé).
Une découverte en plusieurs étapes
La détection des anticorps anti-VIH repose donc sur la réalisation d’une réaction antigène-anticorps : les anticorps de la personne pouvant être infectée sont mis en contact avec des antigènes viraux produits en laboratoire. L’utilisation du sérum sanguin est la méthode de référence, la salive ou d’autres liquides biologiques ont été proposés.
Les méthodes utilisées sont dites immuno-enzymatiques de type Elisa. Les tests actuellement rencontrés détectent des anticorps anti-VIH-1 et anti-VIH-2 ainsi que la protéine p24 du VIH-1. La recherche de celle-ci est indispensable en cas de suspicion de primo-infection. Les techniques Elisa sont réalisables en 60 à 120 minutes environ.
Trois types de marqueurs sont utilisés :
– l’ARN-VIH par amplification génétique PCR peut être détecté 10 jours après la contamination. Il exprime la charge virale quantitative en copies/mL.
– l’antigène p24, détectable environ 15 jours après la contamination, disparaît au bout de quelques semaines et signe par sa présence une infection récente.
– les anticorps anti-VIH, mis en évidence par la technique sérologique de type Elisa, sont détectables 25 à 30 jours après la contamination.
Ces tests de dépistage comportent le risque de résultats faussement positifs et ce malgré les progrès réalisés dans ce domaine. Ceci impose la réalisation de techniques de confirmation, le test de Western-blot en est la référence. Il s’agit d’une technique de séparation des protéines virales par électrophorèse (possible pour le VIH-1 et le VIH-2).
Lorsque la date de la contamination est inconnue et remonte à plusieurs mois ou années, on fait : une recherche d’anticorps par Elisa, confirmée par un western blot et en cas de positivité, elle s’accompagne de la détermination de la charge virale.
Une réponse définitive sur le statut sérologique peut donc être obtenue en 4 semaines[[En cas de prise de risque (blessure par matériel médical, viol, rupture de préservatif, partage de seringues, etc.), un traitement prophylactique peut être prescrit. C’est une combinaison de 3 médicaments antirétroviraux à prendre pendant 4 semaines. Ce traitement doit intervenir dans les 48 heures qui suivent l’événement. Il sera encore plus efficace s’il est administré dans les 4 heures qui suivent la prise de risque.]].
L’arrivée des tests rapides
En novembre 2007, le Sidaction a organisé une journée consacrée à l’utilisation de ces tests en toutes circonstances. Les autorités de santé publique ont participé à cette réflexion. Sur le plan légal, en 2008, il est toujours nécessaire de pratiquer dans un premier temps un double test, prescrit par un médecin, puis un test de confirmation.
Pourtant, en 2008, il semble possible de ne pratiquer qu’un seul test ELISA pour avoir une sécurité suffisante de dépistage. Des recommandations devraient suivre en ce sens, de la Haute autorité de santé et de la Direction Générale de la Santé (DGS). En France, aujourd’hui, le double test est toujours exigé pour le dépistage du VIH, contrairement à la plupart des autres pays.
Fin 2007, le Conseil National du sida avait déjà recommandé l’utilisation d’un test unique, avec l’accord de la personne, lors de consultations médicales.
Plusieurs laboratoires, dont le français BioMérieux, ont lancé sur le marché des tests rapides de détection du VIH-1 et du VIH-2. Ces tests sont d’utilisation très simple, réalisables dans des circonstances très variables, dans les services d’urgence, en cas d’exposition au sang par un médecin ou par du personnel infirmier, ils ne nécessitent pas de formation technique particulière. Une petite goutte de sang prélevée au bout du doigt, 15 à 20 minutes pour avoir le résultat ! Un contrôle sera pratiqué le lendemain si nécessaire. Ces tests sont soumis à la législation européenne et française. L’Afssaps a donné son autorisation après obtention du « marquage CE », certificat acquis après la vérification de la fiabilité technique du test : spécificité, sensibilité et résultats des études pratiquées.
Termes choisis
On demande aux tests rapides d’être spécifiques (détection des anticorps anti-VIH-1 et VIH-2 et de l’antigène Gp24 ) et sensibles, même à de faibles taux, pour n’avoir ni faux positifs ni faux négatifs.
– Spécifique : littéralement qui est propre à une espèce et à elle seule.
En immunologie, se dit lorsqu’un antigène, en pénétrant dans un organisme, provoque la production d’un anticorps qui lui est spécifique. Par extension, dans le domaine scientifique, une technique est dite spécifique lorsque les résultats qu’elle donne correspondent à la cible choisie et uniquement à elle.
Exemples : anticorps anti Hbs, anticorps anti VIH-1, VIH-2. On parle de spécificité.
– Sensibilité : littéralement aptitude à détecter et amplifier les faibles variations d’une grandeur. Ce terme peut s’appliquer à un instrument scientifique de mesure.
En virologie, les progrès de la science font que les techniques deviennent de plus en plus sensibles, c’est-à-dire qu’elles permettent de déceler des taux d’anticorps ou des quantités d’ARN, d’ADN de plus en plus faibles.
Pendant un temps, la limite de recherche de la charge virale était de 500, puis de 200 et enfin de 50 copies/mL. Aujourd’hui elle est possible à des taux encore plus bas.
– Fiabilité : qualité d’une technique à laquelle on peut se fier (faire confiance) en termes de reproductibilité (même qualité de résultats), quelque soit le nombre d’échantillons, et dans le temps.
Comment utiliser les tests rapides ?
Actuellement ces tests sont à l’essai auprès de certains hôpitaux de la région parisienne (hôpital Bichat, hôpital Hôtel Dieu, hôpital Kremlin Bicêtre, etc.), ils sont pratiqués dès l’arrivée dans les services d’urgences, après un délai de réflexion bien évidemment. Le résultat est ensuite communiqué par le personnel infirmier, ayant suivi une formation adaptée. Ces personnes ne sont pas nécessairement des médecins lesquels sont parfois très mal à l’aise dans ces circonstances. Il peut aussi être proposé de faire un test rapide de dépistage dans certains cabinets de médecins généralistes.
Des études doivent être menées en France en associant des organismes tels que l’Agence nationale de recherche sur le sida et les hépatites (ANRS), la DGS, les centres de dépistage anonyme et gratuit (CDAG) et aussi les associations de personnes vivant avec le VIH (Aides, Act Up-Paris, etc.) pour aboutir en toute sécurité à un élargissement du dépistage du VIH vers tous les publics et à l’aide de tests rapides. Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la Santé s’est prononcée pour une expérimentation prochaine des tests rapides de dépistage du VIH, faits par des non-médecins en s’appuyant sur le tissus associatif afin d’aider le malade qui apprend sa séropositivité. Un projet devrait être accepté par l’ANRS et les comités d’éthique et devrait se mettre en place d’ici la fin de l’année 2008.
Beaucoup des personnes découvrent leur séropositivité à un stade tardif de la maladie, augmentant ainsi le risque de mortalité et de transmission. La connaissance du statut sérologique peut entraîner dans tous les milieux un comportement de prévention. Un diagnostic plus précoce est réalisé dans certains groupes très exposés, et chez les femmes enceintes, à qui est proposé un test de dépistage VIH au moment d’une grossesse. Par contre, l’arrivée des tests rapides pourrait aussi permettre de proposer un dépistage systématique au moment d’une consultation médicale, à des personnes âgées, à des migrants, à des jeunes adultes et à des hétérosexuels ayant des partenaires multiples. Pourtant, si ces études semblent nécessaires, elles ne doivent pas conduire à remettre à plus tard, les décisions qui d’imposent.
A retenir
Les tests rapides donnent un résultat en 20 minutes, aussi fiable que ceux des tests classiques. Ils nécessitent également une confirmation par un test classique en cas de positivité. Ces tests rapides sont un nouvel outil pour atteindre les personnes qui ne se font pas dépister par les moyens existants actuellement. La France est un des derniers pays européens à mettre en place l’utilisation des tests rapides, mais le monde évolue, et l’arrivée de ces tests sur le marché ne doit pas faire l’économie d’un débat important, en termes éthiques et politiques.