Le 20 mai se tenait la 2e Journée nationale d’échanges sur le suivi médicosocial des personnes atteintes d’hépatite virales B et C et/ou d’infection à VIH sortant de prison. Act Up-Paris et Aides y étaient invités à répondre à la question suivante : le sida en prison est-il encore un problème en 2008 ?
Evidemment oui. Faut-il rappeler à la Direction régionale des services pénitentiaires de Toulouse, les résultats des enquêtes déjà menées à ce sujet ?
Prévalence du VIH en détention
Depuis 1991 et la mise en place de la première enquête, on note une baisse constante de la prévalence du VIH en détention : 5,8 % en 1990, 1,2 % en 2000 et 1,04 % en 2003. Cependant, la prévalence reste 3 à 4 fois supérieure à celle rencontrée en milieu libre, ce qui représente 650 personnes séropositives incarcérées pour une personne séropositive hors du milieu carcéral. Selon la même enquête de 2003, la prévalence du VHC était de 3,1 % alors que les données recueillies par le Premier Observatoire Prison-Hépatitce C (POPHEC) l’évaluait à 7,1 %.
Cette baisse peut s’expliquer par la mort de nombreux séropositifs qui, avant 1996, n’avaient pas accès aux antirétroviraux, ainsi que par la mise en place et le succès des programmes d’échange de seringues stériles en milieu libre. Il faut rappeler que les usagers de drogue représentent presque un tiers de la population carcérale.
Qu’en est-il des contaminations par le VIH et/ou le VHC en détention ?
Il n’existe aucun outil permettant d’évaluer le nombre de contaminations en détention en France. Pourtant, une étude américaine, HIV transmission among male inmates, Georgia, 1993-2005, a démontré 88 séroconversions au VIH sur 7 ans. Les facteurs sont multiples et englobent l’âge, la durée d’incarcération (+ de 5 ans), les rapports homosexuels et la
malnutrition. L’enquête ANRS/Coquelicot sur les usagers de drogue a montré que 61 % des usagers de drogue interrogés ont connut au moins un épisode d’incarcération. Parmi eux, 12 % disent avoir eu recours à l’injection durant leur incarcération. Et 30 % d’entre eux avoir partagé leur seringue. De plus, il apparaît que la prévalence du VIH et du VHC chez les usagers de drogue ayant un antécédent d’incarcération est plus élevée que chez ceux qui n’ont jamais été emprisonnés (11 % versus 5 % pour le VIH et 67 % versus 51 % pour le VHC).
Il y a cependant de fortes présomptions pour croire que les détenuEs se contaminent surtout durant leur incarcération. Malgré un contexte de forte prévalence du VIH et du VHC, les points d’accès aux préservatifs sont restreints, peu diversifiés, ne garantissant pas la confidentialité et ne sont jamais associés au gel à base d’eau. Enfin, il n’existe pas d’outils de réduction des risques liés à l’usage de drogue si ce n’est l’eau de javel pour la désinfection du matériel d’injection ou des aiguilles utilisées pour les tatouages et/ou les piercings.
La distribution d’eau de javel n’est pas systématique et doit parfois se faire sur demande du détenu. Celle-ci n’est pas titrée à 12° mais à 9° ce qui la rend moins efficace pour la désinfection du virus de l’hépatite C.
La forte proportion d’usagers de drogue incarcérés nécessite la mise en place d’outils de réduction des risques. Mais, l’Administration pénitentiaire s’y refuse toujours, sous prétextes d’impératifs sécuritaires et en arguant qu’on ne peut « encourager » l’usage de drogue en détention, pour des détenus qui ont été condamnés pour usage, possession ou trafic de stupéfiants.
De plus, si le dépistage du VIH et des hépatites est systématiquement proposé à l’entrée en détention, il est admis que ce moment n’est pas non plus le plus propice. Le choc de l’incarcération l’emporte, ainsi que la nécessité d’assimiler le fonctionnement de la prison. Il convient donc d’améliorer l’offre de dépistage tout au long de l’incarcération.
L’accès au traitement post exposition n’est proposé que lors de bagarres et de viols avérés avec une forte exposition au sang. Nous pouvons nous interroger sur les connaissances des détenus concernant le TPE, et sur le fait que les demandes doivent passer par les surveillants (quid du secret médical alors ?). Dans ce contexte, comment justifier la nécessité d’une prescription de TPE sans pour autant évoquer les prises de risques associées à des pratiques interdites en détention ?
Prise en charge du VIH en détention
Tous les traitements antirétroviraux sont disponibles en prison. Cependant, lors de l’entrée en détention ou lors des transferts, il arrive encore qu’il y ait des carences de quelques jours dans la prescription et l’accès aux antirétroviraux. Il faut rappeler que l’accès à des consultations spécialisées est aléatoire d’une prison à une autre, soit par manque de plateau technique à l’Unité de consultations et de soins ambulatoires (UCSA) ou parce que les extractions médicales à l’hôpital de rattachement sont complexes à mettre en place et contingentées. Le VIH est souvent associé à d’autres pathologies : cancers, atteintes cardiovasculaires, suicide ou hépatites virales associées.
Défendre un meilleur accès aux soins pour les personnes séropositives détenues ne se résume pas à la mise sous antirétroviraux et à des consultations d’infectiologie, c’est aussi permettre l’accès à l’ensemble des spécialistes pouvant intervenir dans l’apparition de maladies opportunistes et autres complications liées aux traitements, ce qui revient à faciliter l’accès à des consultations spécialisées pour l’ensemble des personnes atteintes de pathologies lourdes.
Préparation à la sortie et accès aux droits
A l’heure actuelle, la préparation à la sortie permettant une prise en charge médicale et sociale est insuffisante car nombreuses sont les libérations inopinées. Cette préparation à la sortie est nécessaire pour la santé des détenuEs et la prévention de tout risque de récidive. NombreuxSES sont les sortantEs, qui se retrouvent sans ressources et sans couverture sociale. L’ouverture de droits sociaux comme l’ALD, la CMU, l’AAH est difficile car les dates de sorties sont imprévisibles. Les conseillerEs d’insertion et de probation doivent aussi faire face à une surcharge de travail liée à la surpopulation carcérale, et les détenuEs ne peuvent pas touTEs justifier d’une domiciliation. C’est un frein pour assurer l’affiliation à la Sécurité sociale par la CPAM. Il conviendrait d’améliorer la cartographie des actions permettant une meilleure préparation à la sortie, afin de les évaluer et de les généraliser selon les contextes locaux et les populations rencontrées. Il y a trop peu de places dans les structures d’hébergement, que ce soit de l’hébergement d’urgence ou de l’hébergement thérapeutique ; et unE ancienNE détenuE peut y souffrir de stigmatisation.