1/5 : ce serait la part d’homosexuels touchés par le VIH en France. Alors que les gays sont censés être les mieux informés parmi la population, quel paradoxe nous conduit aujourd’hui à de tels chiffres, 25 ans après le début de l’épidémie ? Portrait d’un serpent qui se mord la queue…
Ce constat, pressenti à travers l’analyse des dernières enquêtes épidémiologiques, n’a rien de fictif et nous ramène à une triste réalité au niveau national, et d’autant plus vraie pour les métropoles régionales et l’agglomération parisienne. C’est aussi sans compter la recrudescence inquiétante de certaines Infections sexuellement transmissibles (IST) et le recours à des pratiques à risque de plus en plus banalisées.
Au début de l’épidémie, mourir du sida, c’était un tableau commun lorsqu’on était séropositif. Se battre contre le sida, en étant pédé, c’était un autre tableau tout aussi commun, presque naturel de fait, lorsqu’on voyait partir, peu à peu, ses amis, ses amours, ses amants. Aujourd’hui, malgré, les avancées scientifiques, une prévention toujours plus ciblée et répétée, le travail acharné des associations de lutte contre le sida, le silence règne, le déni s’installe et l’épidémie continue sa course, plus rapide que jamais. Au fur et à mesure que progresse l’histoire de la recherche et des trithérapies, lentement, la mémoire s’efface, la vigilance baisse, l’oubli s’installe.
Les données épidémiologiques révélées en novembre dernier par l’Institut de veille sanitaire (InVS) se voulaient alarmistes. Représentants à eux seuls près du tiers des nouveaux diagnostics au VIH comptabilisés en France en 2006, les pédés seraient-ils devenus les mauvais élèves de la prévention ? Ou ce bilan reflèterait-il plutôt un meilleur recours aux pratiques de dépistage que celui des hétérosexuels ?
L’enquête Presse Gay de 2004 révélait effectivement que 86 % des répondants avaient eu recours au test VIH au cours de leur vie. Or parmi ceux-ci, 13 % déclaraient être séropositifs et 15 % n’étaient plus certains d’être encore séronégatifs. Ces derniers, les incertains, sont aussi appelés « séro-interrogatifs ». A croire que, plutôt que de connaître son statut sérologique, de respecter son corps et de prendre sa santé en main, 15 % des homosexuels préfèreraient rester dans le doute, par peur d’affronter la réalité. Images d’une perte de confiance communautaire ou d’un fatalisme immuable ?
Elle semble bien loin aujourd’hui l’ère du soutien mutuel au sein des lieux communautaires. Par un jeu de vases communicants, leur désaffection progressive remplit le web, qui devient peu à peu notre « nouveau milieu ». Vaste champ de recherches, on y filtre l’information, on y flirte
et la discussion peine toujours à y prendre place. Pourtant, les campagnes de prévention tentent de s’imposer. Et pour autant, l’épidémie de sida continue sa course-poursuite, tout autant que certaines IST, à l’instar de la syphilis ou des gonococcies. Sur un fond de fausses croyances, on pensera que, contrairement au VIH, contracter une IST est un fait sans gravité, que cela se traite sans grande peine. Alors si on en transmet une à son partenaire, par méconnaissance, ou par insouciance, là encore, il n’y a aura pas mort d’homme. Encore une fois, c’est sans savoir que la présence d’une IST ulcérante est reconnue comme un co-facteur
de haut risque à la transmission du VIH. En utilisant le préservatif dans tout rapport sexuel, qu’il soit anal, buccal ou vaginal, directement ou indirectement, c’est du VIH et des IST que nous nous protégeons, et que nous protégeons aussi nos partenaires.
Depuis près de 20 ans, nos positions en matière de prévention n’ont pas changé, et la recherche en matière de prévention continue à confirmer nos discours. A Act Up-Paris, touTEs militantEs que nous sommes, pédés, lesbiennes, trans, bi, hétéros, séropositifVEs et séronégatifVEs, nous savons touTEs que c’est ensemble que le sida doit être combattu. Sida,
25 ans après : la méconnaissance, l’inconscience et le déni sont nos pires ennemiEs.