Événement incontournable de visibilité des communautés Lesbiennes Gais Bis et Trans (LGBT), la marche des fiertés LGBT est aussi un rendez-vous essentiel de la lutte contre le sida. Face à une situation où l’épidémie se poursuit de façon inquiétante, Act Up-Paris et AIDES, deux des principales associations françaises de lutte contre le sida, défileront pour la première fois ensemble, derrière le mot d’ordre : sortons le sida du placard.
Mise à jour du 4 juillet 2008 : Une vidéo et un portfolio du cortège commun d’Act Up-Paris & AIDES est disponible ici.
La communauté gay vit plus que jamais avec le VIH.
Le recours au dépistage y est beaucoup plus développé que dans n’importe quel autre groupe de la population générale. Quant à la protection systématique des relations sexuelles, elle concerne près de deux tiers des gays, soit une part beaucoup plus importante que chez les hétérosexuels. Malgré cela, les contaminations par le VIH parmi les gays se maintiennent à un niveau anormalement élevé, toutes tranches d’âges confondues : en 2006, elles représentaient près de 30 % des nouvelles découvertes de séropositivité. Aujourd’hui, en France, 1 gay sur 5 est séropositif.Dans nos vies sociales, affectives et sexuelles, nous sommes tous touchés de très près par le VIH.
Il n’y a jamais eu autant de séropositifs parmi les gays, pourtant, l’invisibilité de l’épidémie s’est installée dans la communauté : on n’y parle plus que marginalement du sida, qui pourtant structure une partie des relations entre les individus, on n’y dévoile que trop peu son propre statut sérologique, de peur d’y être stigmatisé ou mis à l’écart, on n’y semble plus solidaire avec les conditions de vie des séropositifs.Contre la mise au placard de l’épidémie.
Face à cette situation, Act Up-Paris et AIDES défileront ensemble pour alerter sur la situation préoccupante de l’épidémie aujourd’hui et porter publiquement la nécessité d’une remobilisation collective des gays. Et ce d’autant plus que l’Etat est particulièrement défaillant, tant en matière de prévention qu’en matière de reconnaissance de cette communauté. La communauté gay a été la première à s’organiser pour faire face à l’épidémie du sida : avec des parcours, des modalités et une relation à la communauté très différents, nos deux associations incarnent, avec d’autres, cette mobilisation. Cette réponse communautaire a besoin aujourd’hui de trouver un nouveau souffle. De points de vue différents, et au-delà de nos divergences, nous appelons les gays à une remobilisation massive. Nous voulons rappeler que le sida n’est pas une fatalité et que chacun peut et doit faire barrière à la propagation de l’épidémie. Nous voulons rappeler que pour lutter contre le sida, il faut remettre la parole et le débat au coeur de nos relations : parler de son statut sérologique et celui des autres, parler de sa sexualité et de ses pratiques de prévention. Aujourd’hui, il est plus que jamais nécessaire de retrouver l’engagement individuel et la capacité collective à endiguer l’épidémie. Et de faire front commun. Séropos, séronegs, on vit tous avec le VIH, sortons le sida du placard !SOMMAIRE
- Aujourd’hui, en France, 1 gay sur 5 est séropositif – Données épidémiologiques
- Les conditions de vie des séropositifs – Témoignages
- L’Etat est particulièrement défaillant – Points de vue
- Au-delà de nos divergences – Points de vue
- Annexe – Documents de référence
Aujourd’hui, en France, 1 gay sur 5 est séropositif
– Données épidémiologiques Dans les publications de l’InVS, les chiffres annoncent environ 15 % des homosexuels séropositifs. Et ce, de manière sensiblement récurrente à travers le temps et les étudesCf. enquête Presse Gay 04, Baromètre Gay 05, ou Net Gay Baromètre 06, en annexe. Dans ces études, en plus des 15 % de déclarations de séropositivité au VIH, il est fait mention qu’environ 6 % des répondants ne sont plus certains d’être séronegatifs, et que près de 15 % des répondants ne connaissent pas leur statut sérologique. Voilà pourquoi nous estimons qu’aujourd’hui 20% d’homosexuels sont touchés par le VIH, soit 1 sur 5. Ce constat est d’autant plus vrai en métropole et dans les grandes villes, là où il y a le plus de gays, mais aussi le plus de séropos. Il nous semble d’autant plus juste d’intégrer la part de « séro-interrogatifs » et « séro-sceptiques », alors qu’on sait que la moitié des contaminations se font avec un partenaire primo-infecté, qui généralement ignore son statut sérologique au moment de la prise de risque.
L’invisibilité de l’épidémie s’est installée dans la communauté
– Témoignages- Sébastien – juin 2008 Action 113
- États Généraux des Gays touchés par le VIH/sida. Novembre 2006
- Extraits de la préface – Christian Saout
[…]Le deuxième obstacle sur la route d’une bonne vie gay, c’est évidemment la persistance de l’épidémie de sida au sein de la communauté. Spécialement en France : on annonce le chiffre de 15 % de prévalence. Ce qui est énorme. Et dissimule probablement dans certaines régions des prévalences plus élevées. Rencontrer un gay, le désirer, avoir avec lui une vie affective et sexuelle, c’est donc souvent maintenant rencontrer, désirer, et aimer une personne séropositive. Mais que font les gays de cette donnée nouvelle dans la vie de leur communauté ? Ils considèrent fréquemment que le combat contre l’épidémie est une affaire collective remise entre les mains des seules associations de lutte contre le sida. Les gays eux-mêmes, pris individuellement ou au sein de leurs associations identitaires, se préoccupent peu de mener ce combat. Certains le font, heureusement, en lien avec AIDES.
Pourtant, en préfaçant ces Actes des États généraux des gays séropositifs, pour témoigner de ce que j’y ai entendu, je ne peux qu’appeler à un sursaut des gays partout où ils sont, pour inventer les formes actuelles d’un combat qui doit constituer pour eux une ardente obligation si la notion de communauté à laquelle ils se déclarent attachés a encore pour eux un sens militant et ne reste pas une simple évocation commode pour se démarquer sur le marché moderne de la catégorie des égotistes !
Venez à AIDES, militons ensemble, vivons ensemble les solidarités qu’exige le sentiment d’appartenance à une communauté plus touchée que d’autres !
- Ma place dans la ou les communauté(s) gay
Témoignages et propos entendus [page 103]
« Y a -t-il une seule communauté ? Plusieurs ? Pour moi il y a une communauté plurielle avec une orientation affective identique et des sous-communautés diverses. Par contre il n’y a pas de sous-communauté séropo. Ce qui m’importe, c’est de trouver ma place. » ; « Pour moi, une communauté doit partager des choses communes. Les séropos doivent être plus présents, mais les gays ne veulent pas les voir, ni parler du sida. » La communauté ou le milieu gay sont très souvent évoqués comme un lieu de discrimination et de stigmatisation.
« Je n’ai plus ma place dans la communauté gay. La communauté gay, le Marais, c’est à mourir. » ; « Quand je pense à la communauté et à ma place, c’est mon âge qui vient en premier, puis ma condition sociale et en troisième, ma santé. Moi je n’existe pas dans le Marais. On se fout de savoir si je suis homo et/ou séropo, je suis un consommateur et rien que ça. » ; « Je me sens minoritaire (malade) dans une communauté minoritaire. C’est à moi de m’affirmer dans cette communauté, mon “handicap” est quelque chose en plus. » ; « Je me suis tourné vers la communauté gay mais je suis mal à l’aise car il faut être éternellement jeune et physiquement en forme. » Faut-il des sous-communautés ? Et faut-il une sous-communauté de gays séropos ?
« Dans le milieu SM j’ai trouvé ma place. Il y a possibilité de parler et d’échanger, contrairement au milieu gay “traditionnel”. Être vieux et séropo, c’est la double peine. C’est la même chose pour la communauté “bareback”. Il n’y a plus de solidarité envers les personnes séropositives. » ; « Je m’épanouis dans le milieu SM qui est plus ouvert. » ; « Maintenant, je pense qu’il faut construire une communauté gay séropositive. Ici on entend des gens seuls face au VIH. Ils doivent devenir militants auprès des gays. » ; « J’aimerais que la communauté séropo soit plus présente dans le Marais. »
Les conditions de vie des séropositifs
– Témoignages- Christophe – juillet 2007 – Action 108
- Le « confort » des malades du sida
Fin du 100% pour les ALD : l’Etat déclare la guerre aux malades
- Réaction de Fred Bladou, séropositif depuis 23 ans, sous traitements ARV depuis 1996, invalide de niveau 2, précaire et en colère :
L’Etat est particulièrement défaillant
– Points de vue- Extrait de la tribune commune à paraître dans L’Humanité, ce vendredi :
- Un exemple : l’homophobie latente est encore aujourd’hui un frein à la prévention.
Au-delà de nos divergences
– Points de vue- Rachel Easterman-Ulmann, co-présidente d’Act Up-Paris : « Cette année nous avons décidé de nous unir pour envoyer le signal le plus clair et le plus fort possible que l’union fera notre force face à l’épidémie. Que la prévalence du VIH, si importante dans la communauté gay, n’est pas une fatalité et que nous devons trouver touTEs ensemble les moyens de parler de séropositivité, de repenser la prévention, de combattre le sida. »
- Bruno Spire, président de AIDES : « Act Up et AIDES sont deux associations issues des mêmes communautés qui désirent une transformation de la société pour une meilleure prévention, un accès aux soins pour tous et une prise en charge globale. Elles prônent toutes les deux les valeurs communautaires. Elles rejettent toutes les deux toutes les formes de stigmatisation : sexisme, xénophobie, toxicophobie, sérophobie, homophobie. C’est en se battant ensemble sur ces valeurs communes que nous dialoguerons plus et mieux avec l’ensemble des gays pour trouver les meilleures solutions possibles aux besoins de prévention de la communauté. »
- Aides veut « pacifier les relations interassociatives » : interview de Bruno Spire dans Le Journal du Sida (N°203, 2008/02-03). Extraits :
C’est un bon exemple. On a bien entendu les contre-arguments qui avaient été développés, et on se sentait un peu désemparés, parce qu’il n’y avait pas beaucoup d’équipes de recherche qui nous aidaient sur la questions. Quel bilan faites-vous de cette expérience ?
C’est un exemple où la désunion associative a abouti à une guerre institutionnelle, au lieu d’un débat sobre et serein. Des personnes d’Aides et d’Act Up en ont fait une querelle d’association à association, alors qu’on peut débattre de cela exactement comme de l’indication d’un médicament. Travailler à se rapprocher entre associations va permettre d’aborder ça de façon sereine, en cherchant quel scientifique peut nous aider sur ces questions. Vous pensez pouvoir arriver à un discours de prévention uni avec Act Up ?
Oui, pace que je crois qu’il y a une volonté des deux associations de faire en sorte que la recherche nous aide. Même si on peut avoir des idées a priori, on est capable de faire des hypothèses, d’accepter d’expérimenter, puis d’évaluer les résultats. Avant, si une idée venait de Aides ou d’ Act Up, on en faisait des combats de structures… Vous voulez aussi favoriser la « dicibilité » de la séropositivité…
C’est aussi un axe que je voudrais qu’on développe. Nos dernières campagnes sont plutôt autour du thème de l’entendabilité, car il faut déjà que la société soit prête à entendre les personnes atteintes […]. En quoi l’approche communautaire est-elle encore adaptée à l’époque, ou en quoi doit-elle être corrigée ?
A l’époque de Daniel Defert, l’approche communautaire s’est faite dans la douleur parce qu’il fallait l’inventer et parce qu’on était très combattus par l’approche professionnelle […] Je dirais que ce qui aujourd’hui, politiquement, fait bouger, c’est l’approche communautaire.[…].
- Pride is my girlfriend, édito Action 113, Marjolaine Dégremont & Rachel Easterman-Ulmann, co-présidentes, Act Up-Paris. Extraits :
Remettre la parole et le débat au coeur de nos relations
– Témoignage- Gérald – novembre 2006 Action 104
Annexe
– Documents de référence- BEH (Bulletin Epidémiologique Hebdomadaire, édité par l’Institut de Veille Sanitaire) du 27/11/ 2007
Numéro thématique – L’infection à VIH/sida en France et en Europe – Extraits :
La stabilisation du nombre de découvertes de séropositivité chez les homosexuels en 2006 est en soi un constat encourageant, après une période d’augmentation de ce nombre entre 2003 et 2005, dans un contexte d’augmentation des comportements à risque.
Cependant, les hommes homosexuels restent la seule population pour laquelle on n’observe pas de diminution des découvertes de séropositivité et la seule pour laquelle l’âge moyen au diagnostic n’augmente pas, signe d’un renouvellement plus important des séropositifs dans cette population. Les homosexuels restent nettement plus touchés par le VIH que la population hétérosexuelle (70 fois plus si on rapporte le nombre de découvertes de séropositivité à la population) et que les UDI (4 fois plus).
La proportion d’infections récentes (< ou = à 6 %) est toujours beaucoup plus élevée chez les hommes homosexuels (41% en 2006) que chez les hétérosexuels ou les UDI. Paradoxalement, cette proportion est stable au cours du temps, alors qu'on observe une augmentation des découvertes au stade de primo-infection chez les homosexuels. Ceci s'explique par le fait que le nombre d'hommes homosexuels diagnostiqués dans les 6 mois après leur contamination mais qui ne sont plus au stade de primo-infection diminue, alors que le nombre de diagnostics très précoces, au stade de primo-infection, augmente. Ainsi, parmi les infections récentes, la part des primo-infections est passée de 37% en 2003 à 47% en 2006.
- Le Net Gay Baromètre 2006 : une enquête auprès des internautes gays fréquentant des sites de rencontre français
CNRS – Université du Québec à Montréal _ INVS -Extraits :
En ce qui concerne les tests de dépistage pour le VIH, 82,5 % ont déjà, au cours de leur vie, passé un test de dépistage duVIH. Dans ce groupe, 22,2 % ont passé ce test une seule fois et 60,3 % ont passé ce test plusieurs fois. Sur le plan de l’ancienneté du dépistage, le tiers (31,1 %) ont passé ce test il y a plus de deux ans, 11,7 % il y a plus d’un an, mais moins de 24 mois, 50,8 % il y a plus de 3 mois, mais moins d’un an et 6,4 % l’ont passé au cours des trois derniers mois.
Toujours parmi ces répondants ayant passé un test de dépistage du VIH au cours des 12 derniers mois, 75,6 % ont passé un seul test, 19,5 % en ont passé deux ou trois, 3,8 % en ont passé cinq ou six et 1,2 % ont passé sept tests ou plus. Dépistage de la Syphilis Concernant le passage d’un test de dépistage de la syphilis, le quart (24,4 %) des répondants rapportent avoir passé un test au cours des 12 derniers mois, 16 % ont passé un test il y a plus d’un an et 59,6 % n’ont jamais passé de test de dépistage de la syphilis. Séropositivité Un répondant sur dix (10,2 %) rapporte qu’il est infecté par le VIH. Bien que 69,2 % des répondants se disent non infectés par le VIH, 14,7 % rapportaient ne pas savoir et 5,9 % disaient ne plus être certains qu’ils étaient toujours séronégatifs. La contraction d’IST En ce qui concerne les antécédents d’IST au cours des 12 derniers mois, 4,5 % des répondants rapportent qu’ils ont eu une blennorragie, 0,9 % une gonorrhée rectale, 2,6% la syphilis, 0,8 % ont été infecté par le lymphogranulome vénérien et 3,9 % ont eu des condylomes.
- Baromètre Gay 05 (InVS) : réponse flash – Extraits :
Parmi les 35 % qui ont eu au moins une pénétration anale non protégée : – 28 % d’entre vous ne protègent pas régulièrement les pénétrations anales avec leurs partenaires occasionnels. C’est plus souvent le cas des hommes séropositifs et des hommes séro-interrogatifs ; – 70 % d’entre vous ont eu des pénétrations anales non protégées avec des partenaires dont vous ignorez le statut sérologique.