Ce mardi 1er juillet marque la sortie du Bulletin Épidémiologique Hebdomadaire (BEH) n°27 et de l’étude « Transsexuel(le)s : conditions de vie, santé perçue et comportements sexuels. Résultats d’une enquête exploratoire, par internet, 2007 », qui a été conçue et menée par le CRIPS Île-de-France et Act Up-Paris. Alors qu’après 25 ans d’épidémie, il n’existe toujours aucune donnée sur l’impact du sida parmi les personnes trans en France, ces résultats sont les premiers du genre à y être publiés. Il s’agit là d’une importante avancée dans la reconnaissance de la question du VIH/sida dans les communautés trans dans notre pays.
Depuis 2005, nous alertons les acteurs institutionnels de la lutte contre le sida sur la nécessité de mieux connaître, faire connaître et faire prendre en compte l’épidémie de sida parmi les personnes transexuelles et transgenres.
Cette enquête exploratoire, conçue et menée dans le cadre de la préparation de la rencontre organisée en juin 2007 sur les enjeux de santé des personnes trans, livre des résultats qui montrent la nécessité d’une action politique forte sur ces questions :
– sur le dépistage : 21 % des personnes interrogées déclarent n’avoir jamais eu recours à un test ;
– sur les comportements de prévention et les prises de risques par rapport au VIH : un nombre élevé de partenaires et une faible protection des relations sexuelles ;
– sur la prévalence du VIH : 5,7 % des personnes interrogées seraient séropositives, soit une situation de crise sanitaire majeure selon les critères de l’Organisation Mondiale de la Santé si l’on rapportait ce taux à un pays. Les quelques études menées dans le monde montrent que la prévalence du VIH se situe entre 15 et 40 % dans les communautés trans. On peut expliquer le chiffre relativement bas de l’enquête de 2007 par le mode de recrutement par internet, dont on peut supposer qu’il n’a pas permis d’atteindre des personnes très précarisées et éloignées du système de santé [[Rappelons qu’en matière de calcul de la prévalence du VIH en France, un obstacle de taille demeure : il n’existe aucune donnée sur le nombre de personnes trans (transexuelles, transgenres), hormis celles des équipes médicales « officielles » qui parlent de quelques centaines quand les associations l’estiment à 60 000]] ;
– sur les discriminations dans l’accès aux soins : 20% des participantEs déclarent avoir renoncé à voir un médecin par crainte d’être discriminéEs du fait de leur transsexualité ;
– sur les discriminations en général : 49% des participantEs ont subi une discrimination ou ont renoncé à un droit de peur de subir une discrimination du fait de leur transidentité.
Ces résultats confirment que les institutions sanitaires, les chercheurSEs, les soignantEs et les acteurTRICEs de la prévention doivent désormais s’impliquer dans une meilleure prise en compte des besoins spécifiques des trans en matière de VIH/sida, en particulier en termes d’accès au système de santé ou de prise en charge médicale adaptée.
L’absence de reconnaissance juridique et sociale, la mainmise de la psychiatrie, les violences exercées contre les trans (y compris par les forces de l’ordre) et la discrimination marginalisent les trans et sont les complices de l’épidémie. En France, les trans réclament en vain, pour les personnes non opérées, un changement du numéro de sécurité de sociale à leur demande, ce qui faciliterait les rapport avec l’administration et le système de soins.
L’accès au système de soins et aux services de santé des personnes trans touchées par le VIH est un des défis les plus criants de leur prise en charge médicale. La méconnaissance des enjeux spécifiques des trans par les professionnels de santé est un obstacle majeur au développement d’actions de prévention ou d’accès aux soins de qualité, allié à un très fort sentiment, chez les personnes concernées, d’isolement et de stigmatisation de la part des soignantEs, qui va parfois jusqu’au refus de soins.
Avec les trans, l’épidémie de VIH/sida pose, une fois de plus, la question des droits des personnes. L’absence des trans des systèmes de surveillance épidémiologique et des programmes de santé publique, la quasi-inexistence de stratégies de prévention et de réduction des risques en direction des trans – en dehors du prisme du travail du sexe -, l’absence de prise en compte de leurs spécificités en matière de prise en charge médicale et, bien sûr, les problèmes d’estime de soi, de discrimination et de stigmatisation font obstacle à la prise en compte de leurs problèmes de santé.
A l’occasion de cette publication, Act Up-Paris exige :
– le retrait du « transsexualisme » de la liste des maladies mentales ;
– une véritable politique de lutte contre les discriminations fondées sur l’identité de genre ;
– le droit au changement d’état civil des transgenres et l’obtention de papiers (carte d’identité, carte de sécurité sociale etc.) correspondant au genre qui est le leur, sans exiger pour cela une opération chirurgicale qu’ils ne souhaitent pas toujours subir ;
– la réalisation d’enquêtes épidémiologiques chez les personnes trans, qui permettent de connaître leurs facteurs de risque de contamination par le VIH, leurs comportements et pratiques de prévention ainsi que la prévalence du VIH parmi elles ;
– la réalisation d’études scientifiques permettant d’identifier et de prendre en compte les spécificité des trans séropositifVEs. Leur place dans les essais cliniques doit être promue, ainsi que des questionnements spécifiques, à commencer par les interactions entre les antirétroviraux et les traitements hormonaux ;
– la réalisation d’études sur les besoins de santé des personnes trans ;
– la conception d’action de préventions ciblées en direction des trans ;
– l’élaboration de campagnes de sensibilisation des personnels soignants, afin d’améliorer l’accueil des trans dans les structures de soin et, ainsi, leur meilleure inscription dans un suivi médical de qualité.