Si nous nous félicitons du vote unanime du conseil d’administration de la CNAMTS contre le démantèlement du système de l’Affection longue durée (ALD), nous ne sommes pas dupes pour autant de ce revirement. Nous savons que pendant les années à venir nous devons restés sur nos gardes.
Dans l’édito du dernier Protocoles, nous lancions une alerte concernant la mise à jour des protocoles de soins (Anciennement PIRES pour protocoles inter-régimes d’examen spécial) que les malades en ALD devaient faire avant le 1er juillet 2008. C’est grâce à l’alerte lancée par les associations de malades et les nombreuses discussions avec la CNAMTS et la ministre de la Santé, que nous avons obtenu que ce délai, qui n’était pas tenable, soit repoussé au 31 décembre 2009.
Application des réformes à deux vitesses
Cette décision, rendue quelques jours après notre rencontre avec le Cabinet de Roselyne Bachelot-Narquin et la Direction générale de la CNAMTS, n’a pas été évidente à obtenir. Elle est venue clore plusieurs semaines de craintes concernant la continuité de la prise en charge à 100 % des soins des personnes vivant avec le VIH. Il semble que personne, dans l’institution, ne se soucie de la correcte mise en oeuvre de la réforme de l’assurance maladie de 2004. En décembre 2005, déjà, nous avions alerté le ministère de la Santé et la CNAMTS sur l’impossibilité de remplacer instantanément 7 millions de protocoles Pires par les nouveaux protocoles de soins. Dans la précipitation, le ministère avait instauré une période transitoire qui devait prendre fin le 1er juillet prochain. Pourtant, la mise en place du système du médecin traitant et du nouveau protocole de soins pour les personnes en ALD est restée en panne : à ce jour, seulement un tiers des personnes concernées sont entrées dans le nouveau système. En plus de deux ans, les pouvoirs publics n’ont pas effectué les démarches nécessaires (information aux assurés et aux professionnels de santé) pour mettre en œuvre ce nouveau système, pourtant présenté comme la pierre angulaire de la coordination et de la qualité des soins.
En revanche, il n’a fallu que deux semaines au ministère de la Santé et à la CNAMTS pour appliquer la loi du 17 décembre 2007 instaurant les franchises médicales dès le 1er janvier 2008. Manifestement, ils se montrent plus compétents pour prétendre assurer la santé du système que pour assurer la prise en charge médicale des personnes touchées par une maladie grave, à laquelle elles ont droit, pour le moment encore.
Si le délai supplémentaire a été obtenu, c’est vraiment grâce à la vigilance des associations de malades. Nous en avons assez de devoir jouer les pompiers d’une mise en oeuvre gravement défaillante de réformes de l’Assurance maladie qui se font sans amélioration du système de prise en charge, mais au détriment des intérêts des malades.
Mais nous devons rester attentifs, car deux semaines après cet épisode, le gouvernement sortait de son chapeau de nouvelles attaques contre les malades. La proposition se résumait au démantèlement du système des ALD, projet avant tout politique, issu d’un gouvernement qui a déclaré la guerre aux malades.
Une destruction préméditée
Depuis 4 ans, des mesures prises par cette majorité ont déjà, de fait, remis en cause le statut de l’ALD : le forfait à 1 E sur chaque consultation ou chaque examen ; les franchises sur chaque boîte de médicaments ou sur les transports sanitaires ; le forfait hospitalier ; les déremboursements systématiques, etc. Toutes ces mesures ont frappé bien plus fort les personnes gravement malades. Aucun membre du gouvernement ne peut espérer être crédible en nous faisant croire œuvrer pour les plus malades tant que de telles mesures seront encore effectives.
La polémique qui a suivi l’annonce de Frédéric Van Roekeghem, directeur de la CNAMTS s’insère dans un agenda politique précis et ordonné : rapport Briet et Fragonard sur les ALD en octobre 2007, instauration des franchises en janvier dernier, instauration d’un « bouclier sanitaire » en débat en juin et juillet.
Le « plan de redressement » proposé par Frédéric Van Roekeghem est l’arbre qui cache la forêt, un ballon d’essai pour créer une polémique sur une mesure intolérable et rendre acceptables les propositions qui vont ensuite être appliquées. Et le prétendu discours d’apaisement de la ministre de la Santé n’est en fin de compte qu’un assentiment des propositions du directeur de l’Assurance Maladie. En effet, Roselyne Bachelot-Narquin envisage simplement que les réductions soient progressivement prises en charge par des assurances privées. Le tout étant approuvé par Eric Woerth, le ministre du Budget.
La preuve en est, par exemple, la dernière déclaration de Xavier Bertrand sur le sujet. Selon lui, il ne faut « certainement pas s’arrêter » dans la lutte contre le déficit de la Sécurité sociale, « il faut donc maintenant un nouveau plan (…) avec des nouvelles mesures ». Le ministre de « la Solidarité » fait partie d’un gouvernement qui a accordé au moins 14 milliards d’euros de cadeau fiscal aux plus riches, en un an. Et il ose encore parler d’une réforme de la Sécurité sociale destinée à faire des économies.
Quand communication rime avec désinformation
Dans ce plan de communication, la manipulation la plus honteuse veut faire croire que ne seraient concernés que les traitements « de confort ». Essayant ainsi de faire passer la pilule auprès du « grand public » (qui comme le suggère frontalement la ministre de la Santé n’a pas à se sentir concerné puisque les personnes prises en charge en ALD constituent une infime partie des assurés) en transformant les plus malades qui se révoltent en parasites. Alors que les traitements dits de confort dont il est souvent question sont des éléments indispensables de la prise en charge thérapeutique, qui permettent de rendre possible la prise de traitements lourds : anti-douleur, anti-diarrhéique, anti-dépresseurs ou anxiolitiques, etc.
Les informations concernant la prolongation des droits des malades en ALD ont été envoyées par le ministère à la CNAMTS 10 jours après l’annonce, soit moins de 2 semaines avant la date limite. Cette information a été transmise aux CPAM, et devait être complétée par un courrier plus explicatif sur les raisons et les conséquences de cette prolongation. La situation des assurés concernés doit rester inchangée.
Act Up-Paris, aux côtés des autres associations, restera mobilisée cet été et à la rentrée contre les mesures de démantèlement de la Sécurité Sociale. Nous exigeons le retrait du forfait à 1 euro et des franchises médicales, réformes qui ont déjà démontré leur injustice dans leur application et dont la répartition des recettes n’est pas claire.