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La professeur Christine Rouzioux, virologue à l’hôpital Necker à Paris, a abordé la façon dont se comporte le virus dans notre corps, en détaillant notamment les compartiments d’assemblage et de stockage du virus.

Elle est revenue sur la question de la présence du virus chez les personnes traitées et l’effet préventif des traitements antirétroviraux sur ces mécanismes de transmission, afin de faire un état des lieux en lien avec la phrase de l’annonce suisse : « La trithérapie peut être aussi un outil de prévention ».

Si les spermatozoïdes ne sont pas infectés par le VIH, ils peuvent cependant véhiculer des particules virales par adhérence. Des cellules lymphocytaires infectées sont également présentes dans le sperme de façon extrêmement variable d’une personne à une autre. Il peut y en avoir beaucoup en cas d’inflammation ou d’infections sexuellement transmissibles puisqu’elles activent alors le système immunitaire.

Du virus dans le sperme

Lorsqu’une personne est mise sous traitement antirétroviral, celui-ci bloque la progression du virus et limite la charge virale dans le sang et le liquide séminal. Puis, progressivement, le traitement agit sur les cellules réservoir. Le virus pénètre dans les CD4 ou à l’intérieur d’un macrophage, où il peut se répliquer, mais il est aussi capable de rentrer dans d’autres cellules où il ne peut pas se répliquer. Ce sont les cellules réservoir qui, probablement à cause d’un état d’activation intègrent le virus et restent dormantes. Globalement, quand il y a beaucoup de virus dans le sang, il y en a beaucoup dans le liquide séminal, mais tout n’est pas aussi bien corrélé et systématique, et l’étude menée[[C’est peu, mais elle les a remerciés puisqu’au cours du temps, ils ont donné des échantillons de sperme permettant ainsi d’étudier le virus non seulement dans le liquide séminal, mais aussi d’étudier les corrélations entre l’ARN VIH plasmatique dans le sang, et l’ADN des cellules présentes dans le sperme.]] par Christine Rouzioux sur le sperme d’une vingtaine d’hommes séropositifs montre une différence assez nette d’une personne à une autre.

La transmission sexuelle est liée à la présence de virus dans les compartiments génitaux. Comme d’habitude, il y a beaucoup plus de publications concernant les hommes (ici la différence serait due a la difficulté d’effectuer des prélèvements, les liquides génitaux étant en volumes plus variables et plus difficiles à prélever chez les femmes), mais la littérature reste relativement pauvre. Une étude menée à l’université du Connecticut et publiée en janvier 2008 a permis de faire un bilan exhaustif de la situation en analysant les résultats de 19 études. Il y apparaît que chaque personne a un état immunitaire particulier, ce qui fait que les compartiments et l’ensemble de l’organisme réagissent différemment. Les résultats sont variables non pas selon les études, mais selon les médicaments prescrits. L’intérêt est donc d’analyser les éléments qui vont participer à ces différences et quels sont les facteurs associés à la présence de virus dans le sperme.

Le stade clinique est évidemment un élément important à prendre en compte : durant la primo-infection et au stade sida, il y a beaucoup plus de virus qui circulent. Pendant la phase chronique, l’infection est moindre, puisque le taux moyen de virus est relativement stable, notamment dans le sang périphérique.

Les facteurs de la transmission

Les IST qui induisent des inflammations sont un facteur important de transmission mais aussi de présence de virus. Chez 90 % des personnes sans traitements, on retrouve du virus dans le sperme. Cet élément est associé au fait qu’avoir de multiples rapports peut provoquer une inflammation locale, qu’un certain nombre d’IST sont asymptomatiques et invisibles chez les femmes et que les muqueuses irritées et fragilisées augmentent alors le risque d’infection. Cette association de facteurs facilite la transmission de l’homme à la femme mais aussi de la femme à l’homme ; car il peut y avoir une production de virus au niveau du col.

Dans les recommandations suisses qui ont créé la polémique, la période de traitement retenue est de 6 mois. Mais cette durée n’est sans doute pas suffisante pour permettre le nettoyage complet des compartiments génitaux, bien que cela dépende aussi des molécules qui vont être associées et de la précocité de la mise sous traitement. Les résultats obtenus dans l’étude de Christine Rouzioux chez 18 hommes montrent qu’après dix-huit mois, certains des participants avaient encore une quantité non négligeable de virus dans le sperme – même s’il faut prendre ces résultats avec du recul, puisque depuis de nouvelles molécules antirétrovirales existent.

Pas forcément de corrélation sang/sperme

Depuis quelques années, dans le contexte de l’assistance médicale à la procréation (AMP) pour les couples sérodifférents dont l’homme est séropositif, la présence du virus dans le sperme est explorée de façon à préparer des suspensions spermatozoïques exemptes de virus et être sûr qu’il n’y a pas de particules virales qui collent aux spermatozoïdes. Une étude menée à l’Hôpital Cochin, sur 860 mesures d’ARN VIH dans le liquide séminal de 446 hommes, a montré que 363 d’entre eux prenant régulièrement leurs traitements avaient une charge virale toujours indétectable. Pour une dizaine d’hommes la présence de virus dans le liquide séminal a été constatée : 4 avaient arrêté le traitement et ne l’avaient pas dit et 6 autres étaient sous antirétroviraux mais la puissance du traitement a dû être renforcée. Quand on se reporte à l’ensemble des résultats des hommes sous traitement, on voit que pour 14 d’entre eux si la charge virale plasmatique est indétectable, on retrouve pourtant du virus dans le sperme. Ce qui représente environ 4 % d’hommes, dont la mise sous traitement est supérieure à six mois.

Une autre étude intéressante a été rapportée lors d’une réunion récente de l’OMS à Genève, s’intéressant à des femmes qu’ils appellent « non excrétrices » et d’autres « excrétrices ». Pour 52 % d’entre elles, il y avait de l’excrétion du virus, soit de façon intermittente, soit de façon persistante. Elles avaient toutes une charge virale indétectable dans le sang périphérique, sous traitements, et on n’a pas retrouvé de virus dans l’endocol et dans l’exocol, ni dans le vagin. Ces éléments en font donc « non excrétrices ». Par contre, chez un certain nombre de femmes, le suivi montrait que, bien que la charge virale plasmatique soit indétectable, on retrouvait des virus produits de façon intermittente. Cela a pu être montré puisque c’est un suivi longitudinal. Le cas détaillé d’une femme, montre trois relevés positifs dans le compartiment vaginal alors que la charge virale est plutôt contrôlée. Pour une autre femme, il y a une sécrétion persistante dans les différents compartiments. On trouve très peu d’études longitudinales sur les différents compartiments chez les femmes à cause de toutes les difficultés que cela comporte.

Pour l’avenir

Une des questions importantes actuellement, et pour l’avenir, concerne les enjeux des nouveaux traitements, et notamment leur efficacité pour éliminer non seulement, la réplication virale, mais aussi les cellules infectées. L’exemple du lopinavir montre une très mauvaise diffusion dans le liquide séminal. L’exemple de l’indinavir montre, par contre un bon passage dans les compartiments.