La seizième conférence internationale sur le sida se place sous le signe d’une meilleure visibilité des gays africains et des Caraïbes, non seulement par leur présence dans le village global mais aussi par les sessions et les ateliers qui leur sont dédiés dans la conférence. Nous avions décidé d’en faire une priorité de cette conférence, et d’assister aux nombreuses sessions organisées sur ce thème.
Lundi à 11 heures nous étions présentEs à l’atelier « Challenging MSM Stigma in an African Context », organisé par un membre de l’International Gay Alliance Ghana. Cet atelier s’appuie un module utilisé par des associations africaines de prévention et de défense des droits des gays. Ce module a pour objectif d’identifier, à travers différents jeux de rôle, les types de stigmatisations dont sont victimes les MSM [[Men who have Sex with Men, c’est-à-dire des hommes qui ont des relations sexuelles avec des hommes]] africains, de la part de leur famille, de l’Église, de l’État ou encore du corps médical.
Le contexte très souvent homophobe de nombre de pays africains, l’obligation de présenter son partenaire sexuel afin d’avoir accès aux soins, les suspicions du corps médical des lors qu’un homme présente des maladies anales, la peur d’être perçu comme gay et de subir des discriminations ont pour effet d’empêcher les MSM de consulter ou d’effectuer des dépistages de maladies sexuellement transmissibles. La stigmatisation retarde ainsi l’accès au dépistage et l’accès aux soins pour les gays africains. Le fort taux de prévalence VIH chez les gays en Afrique en est une conséquence directe.
Le jeu de rôle sur les discriminations telles qu’elles étaient perçues dans la famille a montré que les MSM peuvent aussi avoir des relations sexuelles avec des femmes dans le cadre d’un couple stable. Des lors, la transmission VIH, favorisée par l’homophobie de tout un environnement, ne concerne pas seulement des relations homosexuelles mais aussi hétérosexuelles.
Le rejet, les violences physiques, l’hétéro-sexisme, les croyances religieuses, les exactions policières, les rapports de genre font partie intégrante de la vie quotidienne de nombreux gays en Afrique.
Ce travail d’identification mené lors de cet atelier a été enrichi par les récits d’expériences personnelles des participants, violences verbales, descentes policières dans les bars avec arrestations sur de faux motifs, tentatives d’homicides.
Après avoir identifié les problèmes, les participants ont ensuite proposé des solutions.
On ne sera pas surpris d’apprendre que l’empowerment, l’engagement associatif, la constitution de réseaux de soutien, le travail des associations au niveau local mais aussi sur les législations discriminantes et sur les gouvernements ont été les solutions les plus pertinentes envisagées.
Des remarques ont été émises pendant le temps de discussion, notamment sur le fait de n’aborder que le thème des MSM alors que les lesbiennes font aussi l’objet de discriminations. Un gay camerounais a insisté sur l’ importance de la prise de parole par les MSM eux mêmes afin que l’on ne parle pas à leur place. Signe du risque qu’il court : il a tenu à rester anonyme.
L’après-midi, nous avons assisté à la session «From the dark Into the Light: Queer Priorities for Queer African and Black population living in the Diaspora», (« De l’ombre à la lumière : les priorités queer pour les Queers africainEs et noirEs vivant dans la diaspora »), qui avait pour thème la lutte contre les discriminations et pour la visibilité des gays africains et afro-caribéens dans la diaspora.
Les deux présentations concernaient les gays issus de la diaspora africaine présents au Royaume-Uni et au Canada. Ceux ci font l’objet d’une double discrimination, à la fois raciste et homophobe. Ainsi il n y’a pas de campagne de prévention ciblée à l’égard des Black Gay Men au Royaume-Uni, cela du fait de leur invisibilisation.
L’association GLAD, représentée par Lydia Makoroka, lutte contre l’homophobie, le racisme et les stigmatisations liées à l’orientation sexuelle et au statut sérologique que peuvent subir les gays africains au Canada.
L’association est à l’initiative de projets tel que le festival AFROFEST qui ont pour but de permettre la visibilité des gays africains au Canada.
GLAD a mis en avant le fait que les discriminations dont font l’objet les gays africains ne proviennent pas seulement de la société anglaise ou canadienne mais aussi et surtout de la communauté dont ils sont ressortissants.
Un membre de CVC (Caribean vulnerable Community Coalition) a ensuite présenté le travail de prévention et de lutte contre les atteintes aux droits des gays en Jamaïque.
Le contexte n’est sûrement pas le même qu’au Canada et au Royaume Uni puisque la Jamaïque réprime l’homosexualité. Les gays y sont victimes de lynchages en public, d’exactions policières et de violences diverses. La violence, notamment l’incitation au meurtre d’homos ou de trans, et les discriminations se retrouvent jusque dans certaines chansons.
La prévalence du VIH chez les gays jamaïcains est de 33% ; elle approche les 11% chez les travailleurSEs du sexe. Il est donc indispensable de réagir afin de cesser cette pandémie, pour cela il est nécessaire de se battre contre les législations et les pratiques qui portent atteintes aux droits et à la santé des gays et des minorités en Jamaïque.
C’est dans cette logique que CVC suit une stratégie consistant à se servir des médias, de la communauté et des leaders politiques pour mener à bien la lutte contre les discriminations. Comme le montre le rapport établi par Human Rights Watch sur les gays en Jamaïque, ce combat se place aussi dans le cadre d’une alliance internationale avec des associations et des organisations luttant pour le respect des droits humains.
Liens entre stigmatisation et VIH, empowerment, visibilité des minorités, lutte contre les discriminations, lobby sur les gouvernements pour l’égalité des droits des LGBT : rien de très nouveau, pourrait-on dire. Mais le fait que ces revendications soient tenues par des gays d’Afrique ou des Caraïbes, dans le cadre d’une conférence à caractère scientifique, est d’une importance extrême. Dans le même temps, en France, Rama Yade, secrétaire d’Etats aux droits humains, ne dit rien.