Aux sommets du G8 de juillet 2007 et juillet 2008, Nicolas Sarkozy s’est engagé en faveur de l’accès universel aux traitements du sida d’ici 2010[[Voir le compte rendu de la conférence de presse de Nicolas Sarkozy au sommet du G8. Toyako – Mardi 8 juillet 2008:
« Nous avons réaffirmé les engagements pris à Gleneagles en 2005 : 50 milliards de plus par an pour l’aide d’ici à 2010 dont 25 milliards pour l’Afrique, l’accès universel au traitement des grandes pandémies d’ici 2010. Nous avons réaffirmé l’engagement de 60 milliards de dollars pour la santé et vous savez que la France en avait fait une priorité. Nous avons convenu, plutôt que de faire de nouvelles promesses, qu’il fallait respecter scrupuleusement les engagements que nous avions pris. »]], ce qui implique, d’après ONUSIDA, un triplement du nombre de malades sous traitement dans les pays pauvres, à 10 millions de personnes.
Or, la France a annoncé en septembre 2007 qu’au contraire de tripler sa contribution annuelle au Fonds mondial entre 2007 et 2010, celle-ci serait en réalité gelée à 300 millions d’euros pour les années 2007, 2008, 2009 et 2010. Jusqu’ici, la contribution de la France au Fonds mondial avait été multipliée tous les deux ans : multipliée par trois en 2003 (de 50 à 150 millions d’euros), et multipliée par deux en 2005 (de 150 à 300 millions). Les Etats-Unis, eux, ont annoncé le doublement de leur budget pour la lutte mondiale contre le sida, de 4 milliards d’euros par an en 2008 à 8 milliards d’euros en 2010 (ces chiffres figurent dans la loi reconduisant le programme PEPFAR, votée par le Congrès le mois dernier). D’après l’OCDE, l’économie française représente un septième de l’économie américaine : la France devrait donc contribuer au moins pour 1 milliard d’euros en 2010.
Par ailleurs, différents facteurs indiquaient que l’Aide Publique au Développement (APD), l’aide bilatérale accordée par la France aux pays en développement, serait revue à la baisse cet été. Or, comment la France peut-elle prétendre être en mesure de tenir ses promesses d’accès universel aux traitements VIH/sida d’ici 2010, ne pas tripler sa contribution au Fonds Mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, et en même temps, baisser son aide bilatérale — son aide publique au développement ?
Pendant la conférence internationale sur le sida à Mexico, le ministère des Affaires Etrangères français (MAE), dans un communiqué « La France lutte contre le sida » présentait des chiffres bien supérieurs à ce que verse la France en réalité. Le MAE français incluait en effet l’argent d’UNITAID dans l’Aide publique au développement. Si cette taxe a bien été mise en place sous la présidence de Jacques Chirac, et constitue une réelle source de financements innovants, néanmoins, il ne s’agit pas d’aide directe au développement. Additionner l’argent qui provient de la taxe à l’APD n’est pas correct. Selon l’OCDE, la contribution française à UNITAID provient d’une taxe para-fiscale payée par les passagerEs aérienNEs françaisES directement à UNITAID, et ne constitue pas de l’aide publique au développement.
Un président qui ment… un ministre des Affaires étrangères et une ministre de la Santé absentEs et irresponsables.
Outre cette grande confusion autour des chiffres, aucunE membre du gouvernement français n’avait cru bon de faire le déplacement à la conférence de Mexico. La ministre de la Santé, Roselyne Bachelot-Narquin, avait préféré par exemple, se rendre aux Jeux Olympiques de Pékin pendant deux semaines. Quant à Bernard Kouchner, définitivement absent sur les questions de lutte contre le sida depuis sa prise de fonctions de ministre des Affaires étrangères, il n’a pas jugé utile de faire le déplacement. Même Alain Joyandet, le ministre de la Coopération ou Rama Yade, secrétaire d’Etat aux Droits de l’Homme, auraient pu faire entrer dans leur fonction leur participation à cette conférence mondiale. Mais non, le gouvernement a préféré ne dépêcher personne à la conférence mondiale sur le VIH/sida.
A Mexico, en tout cas, cette absence n’est pas passée inaperçue, et Act Up-Paris, suivie par d’autres associations françaises de lutte contre le sida et par de nombreux activistes africains — percevant cette absence française comme signe d’un réel désengagement, a coordonné une série d’actions pour la dénoncer. Contraint à s’exprimer, l’Élysée a demandé à l’ambassadeur sida présent sur place de lire un discours en plénière. A dix minutes de la lecture du discours, le mardi 5 août, l’Elysée annulait la lecture du discours par crainte d’un zap d’Act Up-Paris.
Finalement, le discours a été lu le soir même, en comité très réduit, par l’ambassadeur, à l’occasion d’une réception à l’ambassade de France. Il s’agissait d’une première…
Pour ce qui est du contenu du discours, il est d’une réelle hypocrisie. Comment le Président de la République peut-il oser mettre en avant l’importance de se battre pour les droits des travailleurSErs du sexe et des usagerEs de drogues, alors que dans le même temps, la répression envers ces catégories ne cesse de prendre de l’ampleur, en France ?
Cette absence physique ne reflète rien d’autre que le mépris des dirigeantEs françaisES en ce qui concerne la lutte contre le sida, et confirme les priorités de la droite que nous dénonçons depuis mai 2007. La ministre de la Santé préfère donc les Jeux Olympiques, à une conférence internationale sur le VIH/sida, où elle aurait peut être pu apprendre — si elle ne le sait pas encore — que le sida reste la pandémie la plus meurtrière au monde, qu’en 2007, le sida a tué près de 20 millions de personnes — soit 8 000 mortEs du sida dans le monde chaque jour.
Act Up a retrouvé la ministre de la Santé !
Le 27 août dernier, Act Up-Paris apprend que, plutôt que de se rendre à Mexico, Roselyne Bachelot-Narquin avait en réalité passé son mois d’août à faire des paris avec Marielle Goitschel, une ancienne championne olympique, et, les ayant perdu, a décidé, pour la rentrée, de se rendre en crocs roses, au Conseil des ministres. Pour cette sortie, la ministre de la Santé a convié la presse, qui a massivement fait le déplacement.
Les réalités de la pandémie de sida et les urgences auxquelles doivent faire face aujourd’hui les malades des pays du Sud — comme ceux des pays du Nord —, Nicolas Sarkozy, Bernard Kouchner, Roselyne Bachelot-Narquin n’en ont que faire, ils/elle préfèrent continuer à mentir sur les chiffres et les engagements, amuser la galerie des journalistes en faisant parler de crocs roses.
L’été 2008 nous a, une nouvelle fois, montré que l’obscénité du gouvernement Sarkozy n’avait toujours pas de limites.