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Dans les débuts de l’épidémie, le sarcome de Kaposi signait l’infection à VIH. Ces deux pathologies se sont peu à peu éloignées, dans l’esprit des personnes et dans la réalité. Pourtant aujourd’hui encore, l’association de ces deux virus a des conséquences qu’il ne faut pas négliger.

La pathologie est-elle plus grave chez les personnes vivant avec le VIH ?
Elle est effectivement plus sévère et peut atteindre un plus grand nombre d’organes. Dans 30 % des cas, le développement de la pathologie peut conduire à un cancer agressif de type lymphome. Rappelons que le sarcome de Kaposi, aussi appelé maladie de Kaposi, est une des pathologies classant sida, c’est-à-dire signant le passage de l’infection par le VIH sans symptômes au stade sida[[Les lymphomes non Hodgkiniens et le cancer du col de l’utérus avancé sont aussi des cancers classant sida.]].

Quel est le pourcentage de personnes concernées et vivant avec le VIH ?

Au début de l’épidémie, un quart des personnes vivant avec le VIH aux Etats-Unis présentaient un sarcome de Kaposi et plus de 20 % en Europe. En l’absence de traitements antirétroviraux anti-VIH, ces chiffres restent d’actualité, en particulier :
– 20 à 40 % des homosexuels masculins sont susceptibles de développer un sarcome de Kaposi ;
– chez les enfants, le pourcentage est de 1,6 % ;
– il est de 1 % chez les hémophiles ;
– il est tout aussi rare chez les femmes, quoique cette observation doive être tempérée par des considérations géographiques, puisqu’il est plus commun chez les femmes séropositives dans certains pays africains – ainsi que chez les hommes. Une étude publiée dans la revue Gender Medicine en septembre 2007 suggère néanmoins qu’il pourrait y avoir un biais dans l’appréciation du nombre de sarcomes de Kaposi liés au VIH chez les femmes. Les auteurs montrent que les principales études réalisées dans les pays qu’ils qualifient à économie de marché établie se sont focalisées sur la population masculine. Celle-ci ne reflète pas le paysage actuel de l’épidémie de VIH où la féminisation est de plus en plus prépondérante.

Quel est le risque relatif par rapport à la population séronégative ?

En Europe et aux Etats-Unis, le risque de développer un sarcome de Kaposi chez les personnes séropositives pour le VIH est 1 000 à 5 000 fois supérieur à celui chez la population séronégative. En Afrique, le rapport de risque relatif n’est que de 30 à 50 fois, mais monte à 1 600 pour les personnes séropositives pour le VIH qui ont un taux élevé d’anticorps produit contre le virus HHV-8 associé au Kaposi.

Quelle est son importance parmi les pathologies classant sida en France ?

Le suivi de la cohorte Aquitaine ANRS CO3 indique que la seconde cause de morbidité sévère après les infections bactériennes est représentée par les maladies classant sida, y compris le sarcome de Kaposi. Toujours en France, l’étude ONCOVIH de 2006 recensant les cancers chez les personnes séropositives met en évidence un fort pourcentage de tumeurs classant sida : 38 % des 694 tumeurs recensées étaient de ce type dont 107 sarcomes de Kaposi ; les autres cancers classant sida correspondent à 145 lymphomes non hodgkiniens et 10 cancers du col de l’utérus. Parmi les 107 cas de Kaposi, 29 étaient de type viscéral. La répartition sexuée était : 92 chez les hommes et 15 chez les femmes.

Quels sont les facteurs de risque ?

L’immunosuppression est le facteur de risque le plus important et plus le nombre de CD4 est faible, plus le risque de développer un sarcome de Kaposi est grand. Les personnes atteintes de maladie de Kaposi ont généralement peu de lymphocytes CD4 (moins de 150 par mm3) et une charge virale importante (supérieure à 10 000 copies par millilitre). Une atteinte des organes internes est alors plus susceptible de se produire en cas de nombre réduit de CD4.

Est-ce le VIH qui cause le sarcome de Kaposi ?

Le VIH n’infecte pas les cellules à l’origine des lésions du Kaposi, ce qui rend peu probable un effet direct. Par contre, le VIH pouvant conduire à une immunodépression et donc à une forte probabilité d’être touché par d’autres agents infectieux, il est susceptible de conduire à l’apparition du sarcome de Kaposi indirectement – d’où le terme de forme épidémique pour les personnes vivant avec le VIH. Un lien a ainsi été établi avec un autre virus associé au développement du sarcome de Kaposi.

Quels sont les traitements d’un Kaposi ?

Un traitement antirétroviral dirigé contre le VIH – et non le KSHV qui n’est pas un rétrovirus – permet, chez la personne n’ayant jamais reçu ce type de traitement, d’arriver dans la plupart des cas à traiter le sarcome de Kaposi en quelques mois (3 à 6). La régression s’accompagne d’une remontée des CD4 et d’une baisse de la charge virale. Au contraire, la progression de la maladie de Kaposi est associée à des CD4 en faible nombre, une charge virale élevée et la survenue d’autres maladies opportunistes.

Y a-t-il un risque de syndrome de reconstitution immunitaire après traitement antirétroviral ?

Comme pour toute infection opportuniste chez la personne naïve de traitement antirétroviral, un syndrome de reconstitution immunitaire (IRIS) peut se produire en réaction à ce traitement au bout d’un mois, ce qui se traduit par une poussée des symptômes du sarcome de Kaposi. Les recommandations du rapport d’experts pour la prise en charge médicale des personnes infectées par le VIH (rapport 2008) préconisent une vigilance accrue dans les trois mois qui suivent l’instauration du traitement antirétroviral, surtout en cas d’atteinte viscérale.

Les antirétroviraux suffisent-ils à traiter le sarcome de Kaposi ?

En cas de syndrome de reconstitution immunitaire ou pour les formes avancées de la maladie de Kaposi, un sarcome étant un cancer, un traitement à base de chimiothérapie anticancéreuse de type cytotoxique (c’est-à-dire qui tuent les cellules) sera administré par voie intraveineuse (encore appelé voie systémique) en complément du traitement antirétroviral dirigé contre le VIH.

Quels sont les traitements supplémentaires ?

Concernant la peau, si les lésions cutanées sont en faible nombre et peu étendues, elles peuvent ne pas être traitées, à moins qu’elles ne soient douloureuses ou qu’elles ne posent un problème esthétique. Un traitement local ne garantit pas que la lésion ne réapparaisse pas. Ce type de traitement inclut l’application locale d’un gel d’alitrétinoïne (acide rétinoïque, Panretin®). La lésion peut aussi être traitée localement par radiation, enlevée chirurgicalement ou traitée au laser ou à l’azote liquide (cryothérapie). Des agents anticancéreux cytotoxiques peuvent aussi être appliqués par injection dans les lésions invalidantes.
Si le sarcome est étendu aux organes internes, notamment aux poumons, donc non accessibles pour une administration locale directe, il existe plusieurs types de traitement à l’efficacité éprouvée. Le traitement recommandé est l’administration de façon systémique cette fois (voie intraveineuse) d’anticancéreux de type cytotoxique en complément du traitement antirétroviral.

Y a-t-il des différences dans le traitement des personnes séropositives et séronégatives ?

Généralement les doses d’agents anticancéreux administrés sont moindres que celles utilisées pour traiter les cancers dans la population générale afin de tenir compte de l’immunosuppression due au VIH. En cas d’échappement aux traitements contre le VIH, une chimiothérapie anticancéreuse administrée par voie systémique peut être proposée. Les effets secondaires associés à la chimiothérapie sont typiques de cette classe de traitements qui ne sont pas spécifiques et ne tuent pas uniquement les cellules cancéreuses : nausées, vomissements, perte des cheveux, mais aussi atteinte d’organes et aussi de populations cellulaires-clés pour la défense de l’organisme (cellules de la moelle osseuse).

Comment se positionne le traitement du Kaposi par rapport au traitement antirétroviral du VIH ?

De façon générale, pour les atteintes de type cancer liées à l’immunosuppression, voire au VIH lui-même, le rapport d’experts 2008 de la prise en charge médicale des personnes infectées par le VIH recommande une initiation de traitement antirétroviral chez les personnes qui n’en ont pas encore reçu et une optimisation de ce traitement chez les personnes prétraitées, quel que soit le taux de CD4, en veillant aux problèmes de toxicité cumulée des traitements antirétroviraux et anticancéreux. Il est aussi recommandé de ne pas retarder le traitement spécifique par la chimiothérapie anticancéreuse ou la radiothérapie. Enfin, en cas de problèmes digestifs (vomissements dus à la chimiothérapie, mucites, c’est-à-dire une inflammation des cellules qui couvrent la partie interne des viscères, les muqueuses digestives), il est recommandé de privilégier la chimiothérapie, quitte à arrêter temporairement le traitement antirétroviral.

Les traitements antirétroviraux anti-VIH suffisent-ils à prévenir le Kaposi ?

Malgré l’existence des traitements antirétroviraux dirigés contre le VIH, l’incidence du sarcome de Kaposi reste 20 fois supérieure environ à celle de la population générale séronégative pour le VIH.

A retenir

Le sarcome de Kaposi correspond à une forme cancéreuse des vaisseaux sanguins. Pour les personnes vivant avec le VIH, c’est une pathologie classant sida associée à une infection opportuniste par un autre virus, le HHV-8. En absence de traitement antirétroviral contre le VIH, le risque de développer un sarcome de Kaposi est multiplié plusieurs milliers de fois par rapport à la population séronégative et ce risque est considérablement diminué par les traitements antirétroviraux anti-VIH qui constituent d’ailleurs le traitement de première intention du sarcome. En cas de forme avancée, notamment d’atteinte viscérale et non pas seulement cutanée, un traitement à base de molécules anticancéreuses pourra être administré.