Jeudi dernier a été lancé un des premiers ateliers dits « santé sexualité barebackers » au sein des locaux de AIDES Paris. Se présentant comme « groupe d’échanges communautaire en auto support », ce type d’atelier s’adresse à un public gay ayant délibérément des rapports sexuels non protégés, et ce, de manière systématique ou occasionnelle. Qu’il y ait dans notre communauté des personnes qui refusent le préservatif, et qui en même temps souhaitent prendre soin d’elles et échanger sous forme d’atelier, après tout, dans ce format, cela pourrait se tenir. Mais que ces mêmes ateliers soient animés par un membre d’une grande association de lutte contre le sida telle que AIDES, et qu’ils soient organisés dans les locaux de la même association, cela nous inquiète et nous pose réellement question.
Prétendument de « santé bareback », ces ateliers ont fait l’objet d’une promotion via affiches, tracts et communiqués. Le vocabulaire utilisé n’est d’ailleurs pas anodin : « bareback, nokpote » sont associés sans complexe à d’autres vocables comme « désir, maxi plaisir », comme si l’utilisation du préservatif ne pouvait être compatible à toute notion de sensualité ou de plaisir sexuel. Par ailleurs, il n’est qu’hypocrisie de penser que deux notions comme « santé » et « bareback » sont compatibles. Mais à la lecture de ces affiches ou de ces tracts, tout est fait pour faire croire l’inverse. Comment un gay qui s’interroge sur la prévention peut-il alors interpréter la lecture d’un tel message ? Comment ne peut-on pas y voir une certaine forme de prosélytisme des rapports non protégés ? Pour nous, un tel discours ne peut être celui d’une association de lutte contre le sida.
La volonté affirmée de diffuser aussi largement pose également question. Distribuées à l’ensemble des établissements gays, ces affiches ont suscité étonnement et incompréhensions de nombreux établissements membres de la Charte de responsabilité, dont vous êtes pourtant – avec nous – signataires. En effet, quelle crédibilité ont les acteurs de la lutte contre le sida si d’un côté nous mettons en place un dispositif de prévention qui de l’autre serait bafoué par la tolérance ou la promotion de pratiques unsafe ?
La mise en place de tels ateliers sert un discours complaisant, voire prosélyte à l’égard du sexe à risque. Ces ateliers posent également problème quant à leur forme. En les hébergeant, AIDES y apporte sa caution, d’autant plus lorsque l’initiative et l’organisation émanent d’un de ses salariés. Enfin, comment peut-on prétendre monter des ateliers de santé et sexualité si aucun recadrage n’y est fait par un médiateur quand les discussions relaient des idées fausses ?
Aujourd’hui, le taux de prévalence dans la communauté est estimé à près d’un gay sur cinq. Avec de tels chiffres, qui peut encore penser que la tolérance des pratiques à risques reste compatible avec des notions de « santé gay » ou de lutte contre le sida ? Cette complaisance à l’égard du « bareback », du « no-kpote » ou de la « baise sans capote », peu importe l’expression, constitue à nos yeux une forme de feu vert de la part d’une association de lutte contre le sida, qui cautionne dès lors le comportement des gays qui préfèrent prendre des risques plutôt que de se protéger, de protéger la communauté. Pour nous, ce n’est pas cela la lutte contre le sida.
Depuis le début de l’épidémie, nous nous battons pour faire la promotion du préservatif, reconnu comme seul moyen efficace de pratiquer une sexualité sans risques. Parce que nous sommes une association communautaire, et que le niveau de la prévalence dans la communauté reste particulièrement inquiétant, parce que nous ne sommes pas complaisants à l’égard des rapports à risques, qui, selon nous, ne font que le jeu de l’épidémie, nous invitons aujourd’hui AIDES à s’exprimer et clarifier ses positions quant à ces ateliers organisés en ses locaux, par un de ses salariés.