Quelques semaines seulement après la CISMA (Conférence sur le sida et les IST en Afrique), qu’accueillait Dakar ; 9 militants de la lutte conrte le sida, dont certains séropositifs et sous traitements antirétroviraux étaient arrêtés pour leur homosexualité. Retour sur le contexte sénégalais dans toute sa spécificité.
Au début du mois de janvier à Dakar, 9 hommes étaient condamnés en raison de leur homosexualité à chacun 8 années de prison ferme. Détenus dans des conditions dramatiques depuis leur arrestation en décembre, survenue lors d’une soirée dans un appartement, où ont été saisi des vidéos jugées « pornographiques » (il s’agissait en fait de vidéos de prévention de l’association Aides), la communauté internationale attend désormais la libération des 9 hommes incarcérés et condamnés, arrestations dont les conséquences en terme de lutte contre le sida sont déjà prévisibles et seront bientôt palpables.
Le Sénégal est un des premiers pays d’Afrique à avoir su maîtriser la pandémie de VIH/sida lors de ses débuts, et ce, en effectuant des campagnes de prévention ciblées envers certaines catégories vulnérables comme les travailleurs/seuses du sexe. Le Sénégal est le premier pays au monde à avoir légalisé le travail du sexe dans les années 70. Incontestablement, cette reconnaissance et ce travail de prévention ont favorisés la lutte contre le développement du VIH dans le pays — dans les populations spécifiques, mais dans la population générale par la même occasion. C’est justement par le biais de la prévention à destination des travailleurs du sexe, que la question de l’homosexualité, ou plutôt des rapports sexuels entre hommes — toujours pénalisée dans le pays — a réussi à émerger au début des années 2000. Selon le rapport rédigé pour la session spéciale des Nations Unies sur le VIH/sida, en 2006, la prévalence à VIH au Sénégal s’élève à 1% de la population. Il s’agit là d’un des taux de prévalence à VIH les plus faibles d’Afrique. En revanche, selon des études datant de la même période, la prévalence à VIH/sida chez les MSM atteint 21% dans le pays.
En février 2008, des photos montrant un « mariage » entre deux hommes dans des journaux locaux avaient déclenchés une avalanche de réactions homophobes ; des arrestations avaient été menées par les autorités, et des émeutes homophobes s’étaient déroulées dans les rues de Dakar. Au-delà de ces cas d’homophobie médiatisés, les gays sénégalais sont au quotidien, les cibles d’exactions et intimidations de la police, de racket surtout pour ceux qui tiennent des commerces ou d’emprisonnement. Le Sénégal fait partie des pays qui ont la possibilité de punir l’homosexualité par 1 à 5 ans de prison ou par une forte amende. Craignant d’être interpellés ou agressés, les MSM qui fréquentaient jusqu’à lors les centres de prévention, de prise en charge et de dépistage depuis leurs mises en place progressives et plutôt récentes, ont désertés massivement ces centres, arrêtant même du jour au lendemain leur prise d’antirétroviraux. Du jour au lendemain, c’est l’ensemble des programmes de lutte contre le sida mis en place qui se sont retrouvés remis en cause.
Peu à peu, jusqu’à la conférence sur le sida et les IST en Afrique (CISMA/ICASA) qu’accueillait Dakar, en décembre 2008, et après un travail considérable des associations et des autorités en santé, la fréquentation de ces centres a progressivement repris.
Cette conférence a immédiatement été perçue par l’opinion publique comme « la conférence des gays. » Comme dans beaucoup de conférences, quelques sessions sont dédiées aux MSM (Men who have Sex with Men).
Les pédés comme objet d’étude d’observations scientifiques et sociologiques liées au sida.
Lors du discours de clôture de la conférence, Steave Nemande de Alternative Cameroun association de lutte contre le sida et de défense des droits humains, a présenté les homosexuels africains comme « une partie de la solution au problème du VIH sida », cette expression utilisée à la conférence internationale de Mexico pour les sex workers met en avant la nécessité de prendre en compte les minorités sexuelles dans la gestion de l’épidémie de sida. Recommandation soutenue par Safiatou Thiam, la ministre de la Santé qui a affirmer que le gouvernement sénégalais allait prendre en compte les « populations vulnérables » dans le combat contre le sida.
Les gays sénégalais comme population à protéger.
Le projet ELIHoS de l’Agence Nationale de Recherche sur le sida eu pour objectifs de mesurer la prévalence, l’accès aux soins et l’influence du contexte sur les comportements des MSM sénégalais et d’observer l’efficacité des actions menées par différents programmes dans leur direction. Cette étude a été menée par l’ANRS en 2007 auprès de 501 gays sénégalais localisés à Dakar, Thies Mbour et Saint louis.
Selon le projet ELIHos, la prévalence du VIH sida chez les gays sénégalais serait de 21, 8 %. A ce jour, la prévalence du VIH sida dans la population sénégalais et de moins de 1 %. 12 % des participants auraient eu des rapports hétérosexuels non protégés au cours du dernier mois avant l’enquête. Avec les programmes de prévention et d’accès aux soins qui ont été mis en place auprès des MSM avant et pendant cette enquête, les chiffres de prises de risques sexuels observés chez les gays ont connus une baisse. Les rapports anaux non protégés sont passés de 24 % à 9 %, pour les actifs et de 20 % à 10 % chez les passifs. Le chiffre des rapports hétérosexuels non protégés est passé de 18 % à 12 %.
C’est dans ce contexte qu’interviennent les récentes arrestations de Dakar, doublé d’un contexte pré-électoral dans lequel le président Wade cherche probablement à flatter une opinion publique majoritairement homophobe. En plus de constituer une atteinte dramatique aux droits humains, les récentes arrestations survenues au Sénégal fragilisent l’ensemble des efforts fait dans le pays en matière de lutte contre le sida, et ce, alors que le Sénégal accueillait le mois dernier la conférence sur le sida en Afrique dont le thème central était « Faire face aux réalités ».