Le 13 janvier dernier, Monsieur Hortefeux, évoquant les 45 000 expulsions réalisées depuis 2002, se réjouissait que « pour la première fois depuis une génération, l’immigration clandestine a commencé à décroître en France ». Pour étayer cette affirmation, le ministre s’appuyait sur « la diminution de 4,2 % entre juin 2007 et juin 2008 du nombre de bénéficiaires de l’Aide Médicale d’État », le dispositif qui permet un accès aux soins aux sans-papiers. Déjà en 2008, dans un entretien accordé au Figaro, il avait cité la baisse du nombre des bénéficiaires de l’AME pour attester la baisse du nombre de personnes en situation irrégulière sur le territoire.
Nous sommes extrêmement choquéEs de cette instrumentalisation des chiffres de l’AME.
D’abord, parce qu’il est intolérable qu’un indicateur d’accès aux soins pour une population fragilisée soit mis en avant pour évaluer l’efficacité d’une politique répressive. Ensuite, parce que cette utilisation est erronée. Le nombre de bénéficiaires de l’AME n’est pas connu avec précision, comme l’indiquent le Conseil interministériel de contrôle de l’immigration (décembre 2007) ainsi que les Inspections générales des finances et des affaires sociales (mai 2007) : cette approximation s’explique notamment par le fait que le dispositif peut comptabiliser des personnes en situation régulière ou la même personne plusieurs fois.
Enfin cet amalgame entre chiffres de l’immigration et ceux de l’AME est malhonnête. Rien ne permet de mettre en corrélation directe une baisse du nombre de sans-papiers et une baisse du nombre de bénéficiaires de l’AME. Cette dernière est sans doute au moins autant liée à la politique de maîtrise des flux migratoires et à la multiplication des expulsions, qu’aux restrictions d’accès à l’AME. Si l’AME compte moins de bénéficiaires, ce n’est pas seulement qu’il y aurait moins de personnes en situation irrégulière sur le territoire, mais c’est aussi que l’intensification des interventions policières pour arrêter des sans-papiers les amène à ne plus faire les démarches pour obtenir l’AME. Les personnes ne font plus valoir leurs droits, de peur que cela ne débouche sur une interpellation. D’ailleurs, les restrictions d’accès et le climat répressif avaient à eux seuls déjà entraîné une forte baisse (-14 %) du nombre de bénéficiaires de l’AME, entre décembre 2003 et décembre 2004.
Au final, cette instrumentalisation traduit un fort mépris pour la santé publique : en écartant les plus vulnérables de l’accès aux soins, c’est toute la politique française de santé publique qui est mise à mal, ce que le ministre passe sous silence. Car, en utilisant ainsi ce chiffre, M. Hortefeux prend acte, sans s’en inquiéter, des estimations selon lesquelles seulE unE sans-papier sur deux bénéficie de l’AME.
Ainsi, si l’on suit le raisonnement de l’ex-ministre de l’Immigration, plusieurs dizaines de milliers de personnes en France n’ont aucune possibilité d’accès aux soins : cette évolution voulue par le gouvernement, est en train d’empirer.
L’ODSE1 alerte M. Besson, nouveau ministre de l’Immigration, sur les conséquences dramatiques de la politique de son prédécesseur en termes de santé publique. Faire la chasse aux sans-papiers, c’est les éloigner encore davantage de l’accès aux soins. Au lieu de se réjouir de la diminution des bénéficiaires de l’AME, qui est une couverture santé certes encore insuffisante mais trop peu utilisée, il y a urgence à rendre accessible la Couverture Maladie véritablement Universelle à touTEs les personnes qui, pour des raisons financières, ne peuvent accéder aux soins, avec ou sans-papiers.
L’Observatoire du droit à la santé des étrangers (ODSE) est un collectif d’associations luttant contre les difficultés rencontrées par les étrangers dans les domaines de l’accès aux soins, du droit au séjour pour raisons médicales et de la protection contre l’éloignement des étrangers malades.