L’évolution des techniques de recherche et d’analyse du génome viral a permis ces dernières années l’émergence de plusieurs études s’attachant à mieux documenter la transmission sexuelle du VIH et les premières étapes de l’infection. Nous en avons eu une remarquable illustration dans les sessions du lundi 9 février.
Ainsi, à partir de prélèvements réalisés très tôt chez des personnes nouvellement infectées, il est possible de retrouver la source de la contamination. Les chercheurs ont utilisé pour cela des modèles mathématiques fondés sur l’analyse phénotypique du virus. Il a ainsi été possible d’établir qu’un seul virus est le plus souvent à l’origine de la contamination. Ce sont en fait jusqu’à cinq virus qui peuvent être impliqués mais les cas trouvés sont d’autant plus rares que s’accroît le nombre de virus transmis. Ce lundi de la CROI 2009, une équipe de l’université d’Alabama a présenté (Jesus Salazar-Gonzalvez dans la session 10 et Brandon Keele dans la session 15) une technique permettant de mieux caractériser l’évolution du virus chez des individus dans les premiers temps de l’infection afin de mieux identifier les facteurs de l’hôte qui peuvent faciliter ou limiter la réplication virale.
Ce que ces chercheurs on réussi à mettre en évidence dans leurs observations, ce sont les adaptations progressives du virus initial à son hôte. Avant que n’apparaissent les premières réactions immunitaires, la multiplication extrêmement rapide du virus associée à sa vitesse de mutation – statistiquement, au moins un nucléotide de son génome est modifié par erreur de copie à chaque cycle de reproduction – produisent très vite des variants du virus initial. On voit aussi apparaître dans cette diversité les mutations causées par les mécanismes de défense antiviraux cellulaires comme les protéines de la famille APOBEC. Mais, dans les premières semaines, cette diversité subit une pression de sélection grandissante exercée par les premières réactions de l’immunité. Ainsi, on voit émerger des souches virales résistant aux premières attaques des lymphocytes T CD8+ détectant les cellules infectées. Puis d’autres souches résistantes aux premières réponses anticorps viennent se construire. Une analyse plus approfondie de ces souches a également été présentée dans un poster de la conférence présenté par Katharine Bar, une chercheuse de la même équipe.
Dans les cas où la modélisation a mis en évidence que deux virus sont à l’origine de la contamination, on voit aussi apparaître progressivement, en plus des phénomènes déjà décrits, des virus recombinants, c’est-à-dire des virus dont le génome est une combinaison des deux génomes des virus initiaux.
Comme il est impossible de remonter effectivement à la source de l’infection chez les humains chez qui on ne dispose au mieux que de prélèvements datant de dix à quinze jours après l’infection, les chercheurs ont validé leur modèle d’évolution initiale à l’aide d’analyses menées chez le singe. Celles-ci ont effectivement confirmé la transmission et l’évolution telles que la reconstitution avait permis de l’établir à partir des échantillons prélevés chez les personnes qui se sont prêtées à cette recherche.
Un autre groupe issu de l’université de Californie à San-Diego a complété ces connaissances en montrant que le virus transmis est plus probablement un virus libre plutôt que transmis par une cellule infectée. Pour étudier cela, David Butler et son équipe ont analysé le matériel génétique viral provenant de quatre couples gay (hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes) au sein desquels un des partenaires avait été très récemment infecté par l’autre. Ils ont ainsi comparé le virus transmis au matériel génétique d’origine viral retrouvé dans le sperme du transmetteur. Chez ce dernier, il s’agissait d’une part de virus libres et d’autre part de l’ADN proviral intégré dans les cellules infectées. Dans les quatre cas étudiés, la filiation du virus transmis est établie par une comparaison génétique comme indubitablement transmise des virus libres et non pas des cellules infectées. D’autres observations viennent compléter ce résultat. En effet, en comparant les protéines de surface des virus issues des deux sources possibles, ils constatent une différence de qualité pouvant servir d’explication à la sélection des virus transmis. Très laconique dans sa présentation, le chercheur ne manque en revanche pas d’un certain humour dans ses diapos, ce que l’assistance, imperturbable, n’a pas semblé relever. On a ainsi pu lire sur l’écran que « les variants transmis sexuellement sont plus gros, plus longs et uncut », ce dernier terme devant se traduire ici par non coupé, mais signifie aussi en anglais non circoncis. Les connaisseurs apprécieront.
La connaissance de ces mécanismes vient compléter le modèle de la transmission sexuelle du VIH. C’est ce type de connaissances qui permet aux équipes travaillant dans les différents domaines de recherche de techniques préventives, en particulier la mise au point de vaccins ou de microbicides, d’affiner leurs travaux.
Les anglophones peuvent aisément suivre ces sessions, image et son, sur le site de la conférence, grâce à un magnifique webcast.