L’utilisation des inhibiteurs de protéase nécessite l’emploi de ce que l’on appelle un booster, c’est-à-dire un produit qui maintient plus longtemps la quantité d’inhibiteur dans le sang.
Comme beaucoup d’autres médicaments, les inhibiteurs de protéase sont reconnus par un système responsable de la dégradation des agents étrangers introduits dans le corps humain. Ce système est constitué d’enzymes préférentiellement présentes dans le foie qui vont dégrader les molécules étrangères. Il en existe plusieurs qui appartiennent à la famille des cytochromes P450. Les inhibiteurs de protéase sont reconnus et dégradés par le variant 3A.
Un inhibiteur de protéase, le ritonavir (Norvir), présente la particularité d’inhiber fortement le cytochrome P450 3A et c’est à ce titre, et non plus comme inhibiteur de protéase, qu’il est aujourd’hui prescrit. En inhibant fortement cette enzyme, il ralentit l’élimination des autres inhibiteurs de protéase et maintient ainsi leur présence dans le sang plus longtemps, d’où son nom de ‘booster’ (pour propulseur en anglais). Le ritonavir va-t-il encore garder longtemps sa place d’unique booster des inhibiteurs de protéase ? Peut-être pas si l’on en croit des présentations à la CROI où deux compagnies ont présenté les résultats de leur produits. Il s’agit d’une part de la compagnie déjà bien établie dans le domaine du VIH, Gilead, et d’une autre société américaine, Sequoia Pharmaceuticals. Leurs produits, GS-9350 et SPI-452, respectivement, pourraient bien ébranler la situation de monopole d’Abbott avec le Norvir.
Pourquoi rechercher un nouveau booster ?
Il y a tout d’abord les considérations d’effets secondaires indésirables du ritonavir, notamment au niveau gastrointestinal et son influence sur les profils lipidiques provoquant à long terme une redistribution des masses graisseuses. La situation de monopole a aussi conduit à de vives protestations lorsque la firme de Chicago a voulu en abuser en augmentant drastiquement le prix du Norvir. L’arrivée de nouveaux boosters est donc perçue comme une bonne nouvelle. Prudence néanmoins : la route est longue avant de passer toutes les étapes et, même si les investigateurs/rices nous annoncent une très bonne tolérance, le recul est plutôt maigre ! La durée maximale des évaluations dans le corps humain ne dépasse pas deux petites semaines …
Booster selon Gilead.
Concrètement, Gilead annonce la couleur avec le GS-9350 comme remplaçant potentiel du ritonavir. Le GS-9350 est un puissant inhibiteur irréversible du cytochrome P450 de type 3A – plus puissant que le ritonavir – sans activité contre le VIH – c’est-à-dire, entre autres, pas d’action contre la protéase. Toujours d’après des données de laboratoire, il aurait une capacité réduite par rapport au ritonavir pour déclencher des dysfonctionnements lipidiques. Enfin, autre avantage, il présente un bon profil de solubilité. Des études cliniques ont déjà eu lieu en 2008 chez des personnes volontaires non infectées par le VIH pour estimer sa tolérance et son efficacité : il en ressort un bon profil de distribution dans l’organisme et un effet selon le mécanisme attendu (inhibition du cytochrome visé), à telle enseigne que deux essais cliniques de phase II sont programmés chez des personnes séropositives naïves de traitement. Un des essais comparera rien moins qu’une formulation combinant trois antirétroviraux et le booster GS-9350 avec Atripla (combinaison d’un inhibiteur non nucléosidique de la transcriptase inverse, l’efavirenz et d’un inhibiteur nucléosidique, l’emtricitabine et d’un nucléotidique, le ténofovir). Soulignons-le au passage, Gilead a donc réussi à produire un comprimé quatre en un : un inhibiteur d’intégrase – différent de l’Isentress (raltégravir) de Merck – l’elvitégravir, l’emtricitabine et le ténofovir – ces deux derniers constituant leur combinaison déjà sur le marché, Truvada. Côté résultats cliniques à ce jour, en dehors de la bonne tolérance affichée, le GS-9350 booste aussi l’inhibiteur d’intégrase élvitegravir. Outre une formulation pédiatrique, Gilead a aussi annoncé la possibilité de s’associer à d’autres laboratoires pour réaliser des formulations combinées.
Pour le coup, Abbott va certainement trouver un goût amer à cette nouvelle pilule et explique bien leur soudaine envie de communiquer sur la sortie prochaine de la formule sèche (ne nécessitant pas la conservation au frais) du Norvir… Pourtant, alors que le ritonavir n’est pas franchement agréable à avaler – notamment pour les enfants – le GS-9350 n’aurait pas beaucoup de goût.
Booster selon Sequoia.
A l’issue d’un criblage de molécules, les scientifiques de Sequoia Pharmaceuticals ont isolé un composé booster prometteur, le SPI-452, actif selon le mécanisme recherché à la fois au laboratoire et chez l’animal. Deux études cliniques de phase I réalisées chez des personnes séronégatives volontaires indiquent une bonne tolérance – toujours sur une courte durée, quinze jours. En termes d’efficacité, plusieurs inhibiteurs de protéase sont effectivement boostés, dont l’atazanavir, le darunavir et le saquinavir, et il n’y aurait pas d’effet sur les niveaux de triglycérides et cholestérol de type LDL, ce qui en fait un composé prometteur pour poursuivre les essais cliniques. Petit bémol côté formulation cependant : il est peu soluble et les chercheurSEs en charge de la formulation auront un peu de travail à accomplir.