Contrairement aux hommes qui ont des rapports sexuels avec des hommes (en anglais MSM), la santé sexuelle et la transmission du VIH/sida chez les femmes qui ont des rapports sexuels avec des femmes (en anglais WSW) ont fait l’objet de très peu d’études.
Cette terminologie est d’autant plus pratique qu’elle fait apparaître un panel insoupçonné de voies de transmissions du VIH sida, du fait d’actes et de pratiques sexuelles qui ne découlent pas forcément d’une orientation sexuelle (lesbienne, bisexuelle, hétéro) revendiquée. Nombre de ces études sont anglo-saxonnes, et différencient d’une part, la contamination par le VIH entre femmes et de l’autre la contamination par le VIH chez des femmes qui ont des rapports sexuels avec des femmes.
Un document élaboré par le Centre de contrôle et de prévention des maladies aux Etats Unis (CDC) recense les données issues d’une enquête effectuée sur 246 461 femmes séropositives aux Etats-Unis. 7 381 de ces femmes ont déclaré avoir des rapports sexuels avec des femmes.
Dans ce document intitulé « VIH/sida parmi les femmes ayant des rapports sexuels avec les femmes » sont rappelés les voies de transmissions du virus entre femmes. Les secrétions vaginales et le sang menstruel sont potentiellement infectieux, l’exposition des muqueuses (dans la bouche notamment) à ces secrétions constitue une voie de contamination au VIH. Les relations bucco-génitales et bucco-annales non protégées par du latex constituent donc de potentiels risques de transmission. La digue dentaire, ou un préservatif découpé dans sa longueur reste alors les seuls moyens de protection pour ce type d’actes sexuels. L’usage de sex toys, qui, employés sans préservatif, constitue un risque à ne pas négliger.
Au delà, de la transmission sexuelle du VIH, le document du CDC rappelle les risques de transmission liés à l’usage de drogues chez ces femmes. Parmi les femmes qui ont déclaré dans l’enquête n’avoir de relations sexuelles qu’avec des femmes, 91 % présentaient des facteurs à risques liés à l’injection de drogues.
Les prises de risques sexuels entre femmes existent, le manque d’information et l’absence de mise à disposition de moyens de protection ciblés en font le jeu. Cependant la majorité des contaminations de WSW ont eu lieu suite à des prises de risques liés à l’usage de drogues et à des relations hétérosexuelles.
Dans un article paru dans la revue Transcriptase, Brigitte Lhomond, sociologue, met notamment en évidence des prises de risques fréquentes chez les femmes qui ont des relations sexuelles avec les femmes dans le cadre de rapports hétérosexuels. Cet article s’appuie sur deux études américaines sur le sida chez les WSW.
Dans une des études menée par George F Lemp, (« HIV seroprevalence and risk behaviors among lesbians and bisexuals women in San Francisco and Berkeley, California »), sur un échantillon de 498 lesbiennes et bisexuelles, 81 % ont des rapports hétérosexuels, 39 % pratiquent le coït vaginal et 11 % le coit anal sans utiliser de préservatif.
Du fait d’un contexte sexiste oppressant, le port du préservatif qui induit à la base une négociation avec le partenaire, peut être écarté du fait de rapports de force liés au genre.
Il est prouvé qu’à l’échelle individuelle, les discriminations liées à l’identité de genre et à l’orientation sexuelle ont un impact destructeur sur l’estime de soi, induisant de ce fait des comportements à risques et des négligences de sa propre santé. Ces stigmas constituent aussi un obstacle à l’accès aux soins, comme le prouve la mauvaise connaissance de la santé sexuelle des WSW par le monde médical, corrélé au manque d’intérêt que portent à cette problématique les pouvoirs publics et le pouvoir médical.
Au regard des interrogations des associations LGBT et de lutte contre le sida, il serait pertinent que de véritables études épidémiologiques françaises émergent, afin d’évaluer ne serait-ce que la prévalence du VIH/sida chez les femmes qui ont des relations sexuelles avec les femmes.
Lors de la conférence internationale sur le sida qui s’est tenue à Mexico en août 2008, des abstracts venus d’Afrique du Sud ont mis en valeur des études sur les femmes homosexuelles et le sida et la nécessité de mettre en place des programmes de prévention et de prise en charge ciblant les WSW.
A travers le monde, pour pallier à l’invisibilisation de ces femmes par les pouvoirs publics, des guides et des programmes de prévention ont été mis en place par des associations LGBT et de lutte contre le sida. Aux Etats-Unis, des programmes tels que le Lesbian AIDS Project (LAP) mis en place à New York en 1992 par l’association Gay Men’s Health Crisis, mêle prévention auprès des lesbiennes et prise en charge des lesbiennes séropos.
En France, le CRIPS met à disposition une brochure de prévention sur la santé des lesbiennes, qui aborde les moyens de protections face aux MST et aux IST.
Mais ce n’est pas suffisant, Act Up-Paris exige :
– que les pouvoirs publics et la recherche en matière de prévention cesse d’invisibiliser les femmes qui ont des relations sexuelles avec des femmes.
– que le ministère de la santé mettent en place et diffuse des campagnes de prévention à leur destination.