Malgrè les effets de la crise, il est possible aujourd’hui de trouver un emploi. La question de la séropositivité lié au travail peut se poser dès lors que l’on passe un entretien d’embauche. Que faut-il savoir ? Que dire ? Pourquoi ne pas dire ?
Les séropositifVEs connaissent essentiellement deux types de difficulté dans le cadre de leur emploi : la discrimination en raison de leur état de santé et l’adaptation de leur poste à leur pathologie. Les progrès thérapeutiques permettent aux personnes séropositives de continuer à travailler et la plupart des emplois n’exposent pas le/la salariéE séropositifVE à un risque particulier.
Si le Code du travail ne prévoit aucune législation particulière au sujet de l’infection par le VIH, il met en place un dispositif spécifique pour les travailleurSEs handicapéEs, dont peuvent bénéficier les personnes séropositives. La loi du 11 février 2005 sur le handicap et la loi du 31 mars 2006 pour l’égalité des chances ont largement remanié ce dispositif. L’infection au VIH doit donc être considérée au même titre que toute autre maladie.
Le droit du travail garantit une protection à tous les travailleurSEs, notamment malades, et ce dès la signature d’un contrat de travail.
Le dispositif contre les discriminations en raison de l’état de santé s’applique également aux discriminations en raison de l’orientation sexuelle.
A. Le principe de non-discrimination pendant l’entretien d’embauche
L’article L.122-45 du Code du travail indique : « Aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement (…), aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte,(…) en raison de (…) son orientation sexuelle, (…) ou en raison de son état de santé ou de son handicap. »
Ce principe pose de façon claire l’interdiction formelle de discriminer une personne en raison de son état de santé, de son handicap ou de son orientation sexuelle. Il existe cependant une exception : les différences de traitement fondées sur l’inaptitude constatée par le/la médecin du travail sont admises, quand elles sont nécessaires, objectives et appropriées.
- 1. La concrétisation du principe de non-discrimination à l’embauche
- A. pendant l’entretien d’embauche
Les questions posées lors de l’entretien d’embauche doivent avoir un lien direct et nécessaire avec l’emploi que l’on vous propose. L’employeurSE n’a pas à vous questionner sur votre état de santé, ni sur votre vie privée en général. S’il/elle le fait, vous n’êtes pas tenuE de répondre et vous avez même le droit de mentir. Seule une fausse information qui par la suite s’avérerait préjudiciable pour l’employeurSE pourrait justifier la rupture ultérieure du contrat de travail. De plus, si l’information sollicitée est sans lien avec l’emploi, vous pouvez saisir le tribunal, civil ou pénal, selon l’atteinte subie.
- B. l’examen médical d’embauche
La visite médicale est obligatoire et répond à deux objectifs :
– rechercher les infections contagieuses : la séropositivité n’en est pas une ;
– s’assurer de l’aptitude au poste de travail proposé.
Il est formellement interdit de vous imposer un dépistage VIH. On peut vous le proposer ; vous êtes libre d’accepter ou non. Quoi que vous décidiez, le/la médecin est tenu au secret médical (lire la partie consacrée au Secret médical). Seule sera communiquée à votre employeurSE une fiche sur votre aptitude à l’emploi pour lequel vous postulez.
Le/la médecin du travail peut considérer que votre maladie est incompatible avec le poste de travail. Dans cette hypothèse, il doit informer l’employeurSE de l’existence d’une incompatibilité, sans aborder la question de l’infection. Les hypothèses d’incompatibilité sont rares et concernent davantage les personnes qui seraient au stade sida. En revanche, lorsque l’on postule à un poste dans la fonction publique, la séropositivité seule n’est pas une cause d’incompatibilité, d’après les circulaires du 6 juillet 1989 et du 5 mars 1990.
– attention : lors de l’embauche, les employeurSEs demandent parfois une attestation de la carte vitale. C’est une pratique illégale : vous pouvez simplement transmettre votre numéro d’immatriculation de sécurité sociale. Si vous présentez une attestation avec la mention 100 %, cela peut constituer un frein à votre embauche. N’hésitez pas à demander à la Sécurité sociale une attestation où la mention 100 % n’apparaît pas. C’est un droit énoncé à l’article R.161-33-4 du Code de la Sécurité sociale. Si votre centre de Sécurité sociale ne vous l’envoie pas, insistez : il ne peut vous refuser ce droit. Citez lui le texte mentionné ci-dessus et en cas de difficulté, demandez l’appui d’une association ou d’unE travailleurSE socialE.
- 2. Les conséquences d’une discrimination des personnes en raison de leur état de santé
- A. dans le secteur privé
Les articles 225-1 à 225-3 du Code pénal prévoient la sanction d’une telle discrimination par trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende.
En matière de discrimination à l’embauche, une affaire jugée par le Tribunal correctionnel de Châlons-en-Champagne est un cas de référence. Une jeune femme en période d’essai confie à l’une de ses collègues qu’elle est séropositive. L’information va monter jusqu’au directeur qui met un terme à la période d’essai. La jeune femme engage alors un procès à son encontre et obtient gain de cause, grâce notamment aux témoignages de quatre collègues et l’impossibilité pour l’employeur de justifier son refus d’embauche.
- B. dans le secteur public
C’est l’Administration qui statue sur votre embauche. Elle peut la refuser si elle l’estime incompatible avec votre état de santé ou si vous êtes jugéE inapte. La séropositivité ne peut justifier un refus d’admission à passer les concours de la fonction publique, un refus de recrutement ou de titularisation. En cas de sida avéré, des médecins agrééEs et des comités médicaux donnent un avis sur la compatibilité de votre état de santé avec le poste proposé.
Des refus d’embauche ou des licenciements à cause de l’état de santé du/de la demandeurSE d’emploi sont fréquents. Si vous êtes victime de ce type de pratiques illégales, vous devez agir contre votre employeurSE. Mais même si vous avez la loi de votre côté, il n’en reste pas moins difficile d’obtenir réparation. S’il est vrai que vous n’êtes pas tenuE de répondre aux questions de l’employeurSE concernant votre vie privée (et par conséquent votre état de santé), celui-ci/celle-ci pourra alors s’empresser d’en tirer des conséquences à votre sujet.
De plus, lorsqu’unE employeurSE vous refuse un poste ou vous licencie à cause de votre état de santé, il est souvent très difficile de le prouver, l’argument employé étant bien souvent tout autre. C’est la raison pour laquelle il est important de réunir le maximum de preuves, comme des témoignages, afin d’attester que c’est bien votre maladie, et elle seule, qui a entraîné votre licenciement ou votre refus d’embauche.
– attention : il est notoire que les médecins du travail pratiquent « une politique maison » et informent parfois l’employeurSE de votre état de santé, en violation des textes. La loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades a revu la définition et l’étendue du secret médical : il couvre toutes les données à caractère personnel concernant le/la malade, qu’il s’agisse de son état de santé ou d’informations personnelles. Sa violation entraîne des sanctions graves. Nous vous invitons donc à la plus grande prudence envers les médecins du travail, mais pour autant, nous vous conseillons d’essayer d’obtenir leur soutien. En effet, le/la médecin du travail est au cœur du dispositif de prévention, et en cas de dégradation de votre état de santé, c’est lui/elle qui va être conduitE à faire des propositions à l’employeurSE pour protéger votre emploi.
B. Le statut de travailleurSE handicapéE et ses conséquences
La définition du travailleurSE handicapéE se retrouve dans les articles L. 323-10 à L. 323-11-1 du Code du travail : « Toute personne dont les possibilités d’obtenir ou de conserver un emploi sont effectivement réduites, par suite d’une altération d’une ou plusieurs fonctions physique, sensorielle, mentale ou psychique. »
- 1. Les conditions d’obtention du statut de travailleurSE handicapéE
Vous devez en faire la demande, au moyen d’un formulaire unique, auprès de la Maison Départementale de la Personne Handicapée (MDPH) dont vous dépendez, c’est-à-dire la MDPH du département où vous résidez ou bien du département où vous vous trouvez en traitement ou en rééducation.
Hormis la personne handicapée, peuvent faire cette demande : ses parents, les personnes qui en ont la charge effective, son/sa représentantE légal, le/la responsable de l’établissement ou du service social ou médico-social qui assure la prise en charge ou son accompagnement.
Votre demande est transmise à la Commission des droits et de l’autonomie pour les personnes handicapées (CDAPH). Après examen de votre dossier, elle procède à votre audition, avant de se prononcer sur l’attribution de la qualité de travailleurSE handicapéE. Le silence gardé par la CDAPH au delà de 4 mois à compter du dépôt de votre demande vaut décision de rejet.
– attention : le dossier doit être rempli très soigneusement. Vérifiez bien qu’il envisage tous les aspects de votre état de santé, en particulier les effets secondaires liés aux traitements.
- 2. Les conséquences du statut de travailleurSE handicapéE.
La reconnaissance de ce statut vous permet de bénéficier :
– de l’orientation par la CDAPH vers une entreprise adaptée, un établissement ou un service d’aide par le travail (ESAT) ;
– des stages de préformation professionnelle ou de rééducation professionnelle ;
– du soutien du réseau de placement spécialisé Cap Emploi ;
– de l’obligation d’emploi à laquelle sont soumis les employeurSEs du secteur privé et du secteur public ;
– des aides de l’Association nationale de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées (Agefiph)
– attention : La reconnaissance du statut de travailleurSE handicapéE n’entraîne pas un droit d’accès à toutes les prestations sociales ou à toutes les facilités aménagées pour les personnes handicapées, chacune pouvant être soumise à des évaluations du handicap spécifiques.
Depuis le 1er janvier 2006, la notion de « lourdeur du handicap » remplace l’ancien classement en catégories (A, B ou C). Ce classement, établi en fonction des capacités professionnelles de la personne, décidait notamment de l’abattement de salaire éventuellement appliqué au travailleurSE handicapéE dont le rendement professionnel était diminué.
Des dispositions transitoires sont aménagées jusqu’au 1er janvier 2008, en particulier pour la continuité de certains droits acquis par les entreprises employant certainEs travailleurSEs, handicapéEs notamment de catégorie C.
La distinction du handicap lourd n’est pas un attribut de la reconnaissance de qualité de travailleurSE handicapéE. Elle compense l’effort de l’employeurSE pour adapter le poste de travail du/de la travailleurSE handicapéE.
– attention : L’ancienne garantie de ressources (constituée du salaire versé par l’employeurSE et du complément de rémunération versé par l’Etat) est remplacée par une rémunération garantie, versée par l’Etablissement et Service d’Aide par le Travail (ESAT). Il ne faut pas la confondre avec la garantie de ressources telle que désormais entendue par la loi sur le handicap, destinée aux personnes handicapées dans l’incapacité de travailler mais qui souhaitent conserver leur autonomie.
Les villes et les organismes de l’Etat sont soumis à l’obligation de verser une contribution aux fonds de Développement pour l’insertion professionnelle (article L. 323-8-2 du Code du travail). Ils ne la respectent pas toujours. Difficile d’exiger alors du secteur privé ce que l’Etat et les collectivités locales ne font pas…