sida, envie d’en être ? À cette question nous répondons : non. Et puis d’autres questions se posent, simples et plus complexes. De ces interrogations est née cette rubrique, un espace pour parler de soi, de son rapport à la maladie, à la sexualité, aux traitements, à la prévention, au monde. Nous sommes des séropositifVEs, des malades, des activistes de la lutte contre le sida. Rencontre avec un de nos militantEs, Stéphane.
Un bref aperçu de ta vie en quelques dates : j’ai 47 ans, au lecteur d’en déduire ma date de naissance. A 17 ans j’ai quitté ma famille, pour vivre et travailler à Paris, c’est un changement dans la vie d’un jeune homme. En 82 les premières rencontres amoureuses, c’est venu sur le tard, il y a eu des amours « platoniques » avant. J’ai connu, à ce moment-là aussi, les lieux de dragues parisiens. En 87, j’apprends la séropositivité de mon ami, en espérant être aussi contaminé pour pas que ce soit aussi injuste que ça. J’avais pas envie qu’il soit tout seul dans la galère. Avec mes médecins, on a décidé de faire une surveillance sanguine régulière, mais sans faire le test. Plusieurs mois après je l’ai fait et il s’est avéré que j’étais séropositif. A partir de 91, je fais une pause professionnelle assez importante : je ne pouvais plus poursuivre mon métier de Maître d’hôtel à cause de mon état de santé incompatible avec ma charge de travail et mes horaires. J’ai été 3 ans en longue maladie. C’était une période très riche, car j’ai rencontré un nouvel ami, et puis autour de moi j’ai eu aussi pas mal d’amis et de famille qui ont eu des problèmes de santé importants, ce qui m’a permis d’être disponible pour eux. Aujourd’hui, ça va bientôt faire 9 ans que je suis à Act Up. Je partage ma vie sentimentale avec un nouveau garçon. On the road again Comment as-tu compris que tu étais homosexuel ? Sûrement dans le regard d’autres garçons qui avaient des désirs à mon égard. C’est là que j’ai compris que je pouvais plaire à d’autres garçons et que ma préférence était pour eux. As-tu déjà souffert de discriminations ? Certainement. C’est plus dans le regard de mes amis quand j’ai pu comprendre qu’ils se mettaient à ma place. On souffre tous de discriminations, pour ma part j’ai pu être blessé, mais par rapport à d’autres personnes, ça ne compte pas, c’est enfoui dans ma mémoire maintenant. Peux-tu nous parler de l’annonce de ta séropositivité ? Je m’en doutais avant, mais c’est un test qui le confirme en 90, j’étais alors suivi à Tenon. On a commencé un traitement quelques mois après. C’est mon médecin qui me l’a annoncé. À l’époque que savais-tu du sida, de ses modes de transmission ? Avec la maladie de mon ami, on se doutait bien que c’était une contamination par voie sexuelle. Je sais que ça passait aussi par le sang mais comme je n’étais pas usager de drogues, ça ne pouvait pas être venu de cela. On savait surtout qu’il n’y avait que l’AZT comme traitement et qu’on en mourait et que ça pouvait aller très vite. Et pour ta famille ? Je n’ai jamais senti de discrimination de la part de mes parents, ni sur ma sexualité, ni sur mon mode de vie. J’ai jamais senti une curiosité intrusive de leur part, ils ont eu la délicatesse de comprendre les préférences que je pouvais avoir sans jamais me poser la question frontalement. Ils ont compris que j’étais séropositif et malade parce que je suis leur enfant et qu’ils m’aiment. Au jour le jour, c’est quoi d’être séropositif ? Ben, c’est pas drôle madame ! Comment as-tu choisi ton/ta médecin actuelLE ? Mon médecin de ville, je l’ai trouvé sur un annuaire des médecin gays, ça fait tellement longtemps : il me suit depuis 82. Et mon suivi hospitalier se fait toujours à l’hôpital Tenon, dans le même service mais pas forcément avec les mêmes médecins Quel traitement as-tu pris, prends-tu ? J’en ai pris plusieurs et actuellement je prends Truvada et Reyataz, tout ça boosté par Norvir, et ça marche ! Comment vois-tu l’avenir moléculaire ? Il y aura des progrès, il y en a déjà, avec des traitements beaucoup plus puissants, avec moins d’effets secondaires, des médicaments qui seront sans doute capables de s’attaquer aux réservoirs, et en monothérapie. J’ai l’impression que ça va engendrer encore plus d’injustices, un accès à ces traitements dans les pays riches, et des pays du Sud qui seront toujours à la traîne et qui auront les traitements qu’on prenaient il y a 10 ans. Tu annonces tout de suite la couleur/ta séropositivité lors de tes émois sexuels ? Ca n’a pas de couleur le préservatif ! Pour des rapports sexuels de fellation, le préservatif est rarement au rendez-vous. Comment vis-tu ? En résistance ! Et de moi-même aussi parfois. Dans dix ans, tu te vois comment ? Je me vois à travers le regard de mes vieux copains, et des gens que j’aime, et qui m’aiment. Le militantisme, qu’est-ce que cela t’apporte ? Ca m’apporte des forces, parfois de l’épuisement. C’est un lien fraternel qui m’apporte de la solidité. Si tu devais changer quelque chose dans ta vie, ce serait quoi ? La profession que j’exerce actuellement qui n’est pas mon métier, la ville où je vis, les objets du quotidien, certainement pas mes blessures, la maladie et mes défaites que j’emporte avec moi pour un voyage en 750 cm3. Qu’est ce que tu dirais à unE séroneg sur le fait d’être séropo ? Je lui dirai de venir lutter avec nous, de ne pas se contaminer et de ne pas connaître la peine que j’ai pour tous mes amis disparus.