Le 20 mars dernier ont eu lieu au théâtre de l’Odéon, les assises de la prostitution, organisées par le collectif « droits et prostitution ». Retour sur deux ateliers, droits sociaux et prévention, et une grande nouvelle, la création du STRASS.
L’atelier « droits sociaux » a été l’occasion d’échanger sur autant de thèmes que le cadre législatif français en comparaison avec ceux de la Suisse, de la Belgique, de l’Espagne, les abus, notamment sexuels, de policierEs et leurs refus d’enregistrer des plaintes de prostituéEs pour vols, viols et violences, les différents statuts professionnels qu’ilELLEs peuvent revendiquer, ainsi que les droits à la retraite, à l’assurance maladie, la formation d’assistantEs sexuelLEs pour travailler auprès des handicapéEs, les discriminations aux emplois autres que sexuels, notamment pour les Trans’ qui n’ont pas obtenu de changement d’état civil. Autant dire que tous ces sujets n’auraient pas pu être abordés si la salle n’avait été pleine d’une représentation internationale et que les prostitutéEs euxELLES-mêmes n’avaient témoigné à partir de leur expérience.
Il a permis de réaffirmer une fois de plus que les délits de « racolage passif » et de « proxénétisme de soutien » sont inefficaces pour lutter contre le proxénétisme de contrainte, qui est d’ailleurs distinct dans le code pénal de la traite des êtres humains, témoignant ainsi de la position abolitionniste de l’Etat. L’atelier a fini par s’orienter en faveur d’une reconnaissance de l’activité de vente de services sexuels grâce à différents statuts professionnels permettant de reconnaître la diversité de la prostitution (de rue, libérale, salariat, escorting, pornographie, etc).
En parallèle, dans l’atelier prévention, ont été discutées les conséquences de la LSI de 2003 (Loi de Sécurité Intérieure) sur la lutte contre l’épidémie de sida. En envoyant les prostitutéEs aux marges urbaines, la LSI entrave le travail de prévention des acteurs/actrices associatifVEs. Les prostituéEs, moins visibles, sont aussi plus mobiles, de sorte que le suivi thérapeutique des malades du VIH est souvent menacé. Rendez-vous médicaux ratés des travailleurSEs du sexe qui, quand ilELLEs ne sont pas en garde-à-vue, doivent fuir quelques jours en province ou à l’étranger pour échapper aux descentes de police. La LSI a poussé beaucoup de personnes à travailler sur internet où la prévention est très difficile à mettre en œuvre. Le web casse la transmission des savoirs entre prostituéEs tout en accroissant la concurrence. Et de fait, le préservatif est de plus en plus négocié par les clientEs qui voudraient s’en passer. Les travailleurSEs du sexe pour lesquelLEs les passes se raréfient doivent abdiquer, notamment pour les fellations. En discriminant les prostituéEs qui ont un rôle dans l’éducation à la santé, la LSI fait le jeu de l’épidémie de sida.
Les assises furent également l’occasion d’une annonce importante : la création d’un syndicat de travailleurSEs du sexe, le STRASS (syndicat du travail sexuel). En choisissant ce mode d’organisation, les militantEs du STRASS vont faire reconnaître la réalité de leur activité, c’est-à-dire qu’il s’agit d’un travail, et qu’à ce titre, il doit offrir tous les droits afférents à une activité professionnelle, en premier lieu, l’accès à la sécurité sociale. Le syndicat offrira la possibilité de regrouper très largement des travailleurSEs du sexe, qu’ilELLEs soient acteurRICEs porno, prostituéEs, escort, et de faire émerger sur le long terme une parole collective, porteuse d’une contre-expertise militante, capable d’enrayer les discours répressifs de ceux et celles qui dénient aux travaillleurSEs du sexe la capacité à décider pour eux/ELLES-mêmes.
Act Up-Paris se réjouit de la création de ce syndicat et sera à ses côtés dans nos combats communs.