Près de six mois après les manifestations sans précédent qui ont secoué les Antilles françaises, Nicolas Sarkozy s’est envolé pour témoigner du « calme après la tempête ». Seule conclusion à en tirer : dès qu’il s’agit de sujet d’importance, le Président de la République a pris habitude d’arriver sur le terrain après la bataille , notamment quand sa politique est soumise à la contestation publique.
Dans une lettre ouverte envoyée il y a un mois à l’Elysée, nous avions donné rendez-vous à son locataire, demain à 10h, pour les 20 ans d’Act Up-Paris. C’est fort de notre expertise que nous voulions soulever avec lui les problèmes urgents qui se posent et qui relèvent pour beaucoup de la politique de son gouvernement. Nous voulions lui rappeler qu’une personne séropositive sur deux vit sous le seuil de pauvreté en France, que 22% d’entre nous n’ont pas accès à un logement individuel et que la réforme du système de soins (loi HPST et franchises médicales entre autres) ne répond pas aux besoins des personnes séropositives et renforce leur précarité. Nous entendions obtenir de lui des réponses claires sur tous les sujets qui nous inquiètent : garantira-t-il la reconnaissance du taux de 100 % pour les séropositifVEs ? Quels moyens seront attribués à la mise en place de campagnes de prévention ciblées et explicites pour faire face aux nouveaux enjeux de la pandémie ? Quand mettra-t-il en place des salles de consommations adaptées pour les usagers de drogues? Quand se rendra-t-il enfin compte que la guerre à la drogue ne sert à rien sinon à aggraver les problèmes de santé, et qu’il faut légaliser ? Qu’entend-il faire pour que les administrations ou la justice appliquent le droit en matière de régularisation des étrangers malades ou de suspension de peines ? Comment entend-il traduire concrètement son engagement, pris à la Conférence de Mexico, contre la pénalisation de la transmission du VIH? Nous attendions aussi qu’il respecte ses engagements en assurant la pérennité de la recherche française (fondamentale et clinique) sur le VIH tout en mettant l’accent sur la recherche des spécificités féminines de l’infection. Enfin, nous entendions bien lui demander des comptes sur la contribution insuffisante de la France au Fonds Mondial pour un accès universel aux traitements effectif en 2010, autre engagement de Sarkozy. Cette promesse ne sera pas tenue : rien que pour prolonger les programmes déjà existants, qui touchent 30 % des séropos dans le monde seulement, il manque 5 milliards de dollars Enfin, Act Up-Paris exige l’égalité pour tous, et le Président de la République devrait tout faire pour la concrétiser ! Que la France reconnaisse aux couples homosexuels les mêmes droits que pour les couples hétérosexuels, qu’elle allège les lourdes contraintes qui pèsent sur les personnes transexuelles, qu’elle applique le droit d’asile pour les personnes homosexuelles ou transgenres menacées de mort dans leurs pays et qu’elle milite pour la libre circulation dans le monde des personnes séropositives. Voilà quelques-uns des combats que nous menons, combats rendus plus difficiles encore après deux ans de mandat présidentiel, de répression accrue sur les travailleuses du sexe, les étrangers, les usagers de drogue ; deux ans de politique anti-sociale qui précarise un peu plus les malades et les handicapés et démantèle la solidarité nationale. On ne s’étonnera donc pas que Nicolas Sarkozy n’ait pas répondu à notre lettre. Nous en avons l’habitude. Le Président n’a aucun intérêt pour les questions de santé ou de handicap. Il craint par ailleurs une confrontation qui prouverait les inconséquences de sa politique. Il connait notre expertise, il la redoute, il n’a rien à lui opposer, si ce n’est le mépris et le silence. Il est possible de mettre un terme à l’épidémie , cela relève d’une volonté politique. Nous sommes au regret de vous annoncer les 20 ans d’Act Up-Paris et encore plus au regret de savoir que cette volonté politique ne semble pas être la priorité du Président de la République.