Les discours politiques et médiatiques consacrés à la grippe A, H1 N1 sont multiples et contradictoires. Face à une information épisodique, tantôt alarmiste, rassurante, banalisante, évasive, il reste à démontrer s’il existe une cohérence derrière cette multiplicité de discours. Encore faut-il pouvoir les décrypter.
Le traitement médiatique de la grippe A a tendance à nous maintenir dans la confusion. En termes de communication, d’information et de rationalité médicale, le rôle de l’État et des autorités de Santé publique est de répondre aux peurs et incertitudes que la grippe A en tant qu’épidémie peut susciter. Limiter la propagation de l’épidémie c’est aussi coordonner les actions sanitaires et les dispositifs sociaux et mobiliser les acteurs que ceux-ci requièrent.
Quelles notions historiques
Au XXe siècle, on a dénombré cinq épidémies mondiales grippales, trois étant particulièrement graves. En 1918-1919, la pandémie dite de la «grippe espagnole», épidémie dramatique et foudroyante, elle fit de 20 à 50 millions de morts. En cause le virus A H1N1, hautement contagieux et très pathogène. En 1957-58, la «grippe asiatique», moins importante mais très rapide. Le virus A/H2N2 très contagieux provoque la mot de 3 millions de personnes. En 1968-69, la «grippe de Hong-Kong» frappe tardivement l’Europe. Contagieux et moyennement pahogène, le virus A/H3N2 tue 1,5 millions de personnes. En 1948 et 1977, le virus H1N1 a également envahit la planète mais sans accéder au niveau pandémique. En 1977, le virus a touché les personnes de moins de 20 ans, celles qui n’avaient pas la mémoire immunologique de la « grippe asiatique ». En 2009, nous sommes confrontés à deux virus, le virus A H1N1 et le virus A H5N1.
C’est pas une clé WEP ?
Les virus de la grippe se classent en 3 types A, B et C, qui ont eux-mêmes de nombreux variants. H et N désignent le sous-type de souche du virus, H est utilisé pour Hémagglutinine, N pour Neuraminidase. Ce sont des protéines de surface . Ces chiffres et ces lettres sont une catégorisation, cela n’a pas de rapport avec un niveau de dangerosité. Le nom H1N1 indique que le virus présente à sa surface la combinaison de deux antigènes : l’hémagglutinine de type 1 et la neuraminidase de type 1. A ce jour, 15 H (H1 à H15) et 9 N (N1 à N9) ont été identifiées. Les virus de type B n’infectent que l’homme, les virus de type A peuvent infecter à la fois l’homme et certaines espèces animales (porcs, oiseaux et chevaux, principalement). En général ; le type A cause des infections plus graves chez l’homme, que le type B.
Chez les oiseaux, les sous-types H5 et H7 peuvent être très pathogènes et il arrive qu’un de ces virus soit accidentellement transmis à l’homme, provoquant des infections soit légères, soit très graves. La grippe A/H1N1 est une infection humaine par un virus grippal qui infecte habituellement les porcs, mais, ce n’est pas une grippe porcine. C’est une infection par un virus qui s’est développé chez le porc mais qui maintenant se transmet d’homme à homme.
Revenons à nos moutons
Des spots sont actuellement diffusés sur les ondes radio et les chaînes télévisées pour nous rappeler les gestes de prévention dits « gestes barrières ». Si cette campagne s’adresse au grand public, il existe cependant des informations que doivent connaître les personnes vivant avec le VIH.
Du fait de l’infection à VIH, la fragilité pulmonaire ne doit pas être ignorée, car on sait que la grippe dure généralement plus longtemps chez les séropositifs. Pour éviter ce stade il existe des moyens de prévention simples, décrits dans la campagne du Ministère de la Santé (se laver les mains régulièrement et pendant plus de 30 secondes, éviter les contacts proches avec des personnes atteintes par la grippe, se moucher et éternuer dans des mouchoirs jetables, porter un masque). Malgré une situation mondiale en suspend, il est conseillé de se renseigner en cas de déplacement sur la situation locale. Le site de l’OMS permet d’en avoir un aperçu.
Passez par la case vaccin
Parmi les moyens de prévention largement mis en avant cet été, la question, parfois polémique, du vaccin a occupé le haut du pavé. A l’heure actuelle, le vaccin contre la grippe est encore en fabrication et ne sera probablement disponible qu’en octobre-novembre. L’accès à ce vaccin fait l’objet de multiples déclarations, nous y reviendrons une fois que la mise en place du système établie. Il existe deux autres vaccin qui peuvent être utiles.
Celui de la grippe saisonnière : conçu à partir de virus tué ou inactivé il est sans risque pour les personnes vivant avec le VIH, peu importe le taux CD4, son efficacité étant meilleure avec un taux de CD4 supérieur à 100.
Un autre vaccin existe, il ne cible pas la grippe mais certaines complications qui peuvent en découler. Le vaccin pneumo23® a obtenu son AMM en 1981 pour une indication de prévention des infections à pneumocoques. Ces infections sont souvent associées à la grippe, chez les personnes immunodéprimées. Il est donc intéressant d’en parler avec son médecin, comme le recommande le groupe d’experts 2008 dans son chapitre 6. Ce vaccin consiste en une injection tous les 3 ans.
Des symptômes aux traitements
Si malgré ces procédés, le virus de la grippe arrive à prendre le pas sur votre défense immunitaire, vous le saurez très vite : fièvre, fatigue, douleurs musculaires et articulaires, parfois mais pas systématiquement se rajoute une toux. Des complications bactériennes et/ ou infectieuses virales, souvent pulmonaires, peuvent aggraver le tableau et nécessitent souvent une hospitalisation.
Des traitements existent, principalement deux : le oseltamivir (Tamiflu®) et le zanimivir (Relenza®). Tous les deux sont des antiviraux, utilisés comme traitement de la grippe, le premier inhibe les enzymes neuraminases (glycoprotéines de surface) du virus, le deuxième inhibe les neuraminidases (enzymes de surface). Plus ils sont pris tôt, plus ils peuvent amoindrir les symptômes. Les interactions sont encore peu documentées, on sait quand même qu’associé à un inhibiteur de protéase booster par Norvir®, le Tamiflu® peut provoquer des effets neurologiques et associé à certains inhibiteurs nucléosidiques de la transcriptase inverse (Emtriva®, Epivir®, Viréad®) chez des personnes présentant des problème rénaux, il peut les aggraver.
Incohérences ?
Reste à savoir si on est porteur de la grippe, ou si ces maux de tête et éternuements ne sont que les signes d’une belle rhinopharingite. Comment faire ? Les témoignages reçus cet été indiquent que le système de dépistage prévu est très loin d’être opérationnel, c’est à se demander comment sont comptabilisés les malades et que recouvre les termes « cas confirmés », « cas problables » utilisés par l’INVS ? Qu’entend t-on par cas confirmés ? Les cas confirmés le sont par un prélèvement ? Les diagnostics effectués par un médecin de ville ? Les deux ? Rien ne l’indique. Interrogée, l’INVS ne nous a apporté aucune réponse claire et satisfaisante.
Le médecin traitant peut établir un diagnostic clinique d’un cas de grippe A, même si les symptômes sont variables d’un individu à l’autre. Pour une confirmation, un prélèvement nasal doit alors être envoyé au laboratoire afin de trouver l’ARN du virus. Toute la difficulté réside dans le fait de trouver un laboratoire au courant de cette procédure. Dans cette recherche on nous a souvent objecté que les prélèvements étaient réservés aux personnes présentant des complications. Mais comment affiner un diagnostic de grippe sans ce prélèvement ? Ce système rend difficilement crédible les chiffres donnés par l’INVS.
Avec une politique de dépistage aussi mal adaptée, des estimations douteuses, une information contradictoire, simpliste, on ne peut que s’inquiéter de ce qui arriverait cet hiver si l’épidémie prend une tournure plus virulente. Nous sommes pour le moment les témoins obligés d’un grand dysfonctionnement.